Le stress a laissé place à l’excitation, à l’excitation d’être là sur la scène sous des centaines d’yeux inquisiteurs. Ça devrait me terroriser de me trémousser ainsi devant des dizaines de personnes, hommes et femmes, de tout âge, de toutes classes sociales, de me trémousser et de retirer un a un des vêtements de toute façon trop inconfortables pour être portés le jour. Je devine, dans la pénombre dans laquelle est plongée la salle, des visages tournés vers nous. Je n’imagine pas leurs expressions, je n’en ai pas le temps, ou simplement pas l’envie, je préfère m’enivrer des cris, sifflements et encouragements. Quand je doute, le regard de Mona me permet de continuer sereinement.
J’aime ça, être là et danser devant eux, prendre la pleine possession de mon corps, laisser l’Eliya de tous les jours derrière le rideau et donner carte blanche à la danseuse, celle qui est sûre d’elle, de chacun de ses pas, de chacun de ses mouvements. J’aime être un objet de convoitise l’espace d’un instant, l’espace d’une soirée. Des gestes tantôts langoureux, tantôt provocants, toujours mesurés. Ils instaurent un certain suspense alors que, ne nous voilons pas la face, tout le monde sait déjà comment ça va finir. C’est peut-être à ça que l’on juge la réussite d’une prestation. Pourvoir tenir son public en haleine alors que la fin est déjà écrite dans leurs têtes.
Le morceau se termine bientôt, le numéro également, un coup d’œil vers Mona, nous sommes synchro, ça va être un beau final, ça va être une danse réussie. Les dernières notes se font entendre, nos derniers mouvements calés dessus. Les cris du public, les applaudissements. Je tourne les talons pour quitter la scène. Une fois le rideau passé, l’Eliya de tous les jours reste un peu en retrait, laissant la danseuse profiter de son heure de gloire. Les bravos, les hourras et le grisement qu’il apportent, la danseuse à bien le droit d’en profiter un peu. Une fois le maquillage retiré elle devra disparaitre jusqu’à la prochaine fois. Laissons-lui son heure de gloire.
Dans la loge, Mona s’affale sur une chaise, je laisse s’échapper un rire dans un soupire fatigué. Quelle soirée oui… Je pose les mains sur mes cuisses pour reprendre mon souffle et laisser à mon cœur le temps de baisser le rythme. Souriante, je regarde ses yeux pétillants et hausse les épaules pour répondre à sa question.
– A part faire deux ou trois shampoing pour me débarrasser de toutes les paillettes que j’ai dans les cheveux, pas grand-chose.
Je m’assoie à côté d’elle et attrape un flacon de démaquillant posé devant le miroir.
– Pourquoi ? Tu penses à quelque chose ?
Ca fait longtemps qu’on n’a pas passé un peu de temps ensemble après une danse. Ca ferait pas mal… Une fois le maquillage de drag queen retiré.
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