histoire
« Mon histoire personnelle ? » un sourire s'esquisse sur son visage, faisant remonter ses pomettes et illuminant ses yeux bleus d'une certaine nostalgie mêlé a du soulagement.
« Ce n'est vraiment pas intéressant, pourtant... » Florence, capitale de la Toscane, haut lieu des arts et de la culture de la Renaissance italienne. C'est dans cette ville qu'Emilia voit le jour, fille d'un professeur d'architecture et d'une infirmière. Aînée d'une fratrie de 3, Emilia grandit au sein d'une famille plutôt équilibrée, et plutôt soudée.
La jeune fille mettait un point d'honneur à donner l'exemple a ses deux sauvageons de frère de ce qu'il fallait faire, comment parler, se comporter, etc. Toujours pimpante, toujours coquette, « l'élégance italienne même », comme aimait le répéter sa grand mère (qui était très patriote).
Elève turbulente mais toujours pertinente, Emilia rêvait de devenir journaliste, ou bien vétérinaire, elle ne savait pas trop.
« Je me rappelle encore, nous allions en vacances en Ligurie – Pas loin des cinque terre – on y avait la mer... c'était tellement agréable » Tous les ans, Emilia n'attendait que le début des vacances scolaires, pour voir la mer en vacances et profiter de la petite ville portuaire, du soleil et de la mer. Emilia y avait tout son petit groupe d'amis (avec qui elle a perdu tout contact aujourd'hui, pour le meilleur) qui venait des quatre coins du pays voire de plus loin. Avec le temps, la petite Emilia devint une belle jeune femme, dont les boucles blondes faisaient jalouser beaucoup de jeunes filles.
Elle était belle et le savait, en jouait, et en abusait peut-être. Vraiment incorrigible. Peut on reprocher à la jeunesse d'en profiter ?
« Je me rappelle d'un épisode particulier – qui a fait de moi ce que je suis ceci dit - Mais c'est un peu délicat... J'avais alors » 17 ans. Sortie de l'appartement familial pour s'amuser, en ce 15 Juillet 1993, regarder les feux d'artifices et s'amuser avec des amis, flirter peut-être. Les jeunes gens s'amusent, boivent, peut être un peu trop et Emilia remarque ce jeune homme. Il est grand, il est beau, musclé. Romain, les cheveux longs bouclés et noirs, la peau mate. Vincenzo. Il est à peine plus vieux qu'elle, 2 ans d'écart qu'est ce que c'est ?
Ils flirtent, ils boivent (encore), ils s'embrassent et boivent. Puis le trou noir.
Réveil seule a 8 heures du matin.
La froideur du carrelage se heurte a son dos, les sensations de chaud et de froid se mélangeant trop vite pour être agréables. Elle a mal au ventre, elle a mal aux jambes, au dos, au cou.
Prenant conscience assez vite et avec horreur de la soirée d'hier soir, elle s'efforce d'attraper ses affaires et sort, par la fenêtre qui était « malencontreusement » restée ouverte, qui sait combien de temps elle y serait restée.
Rongée par la culpabilité et la colère, Emilia perdait un peu plus chaque jour cette petite étincelle d'insolence si propre a elle même.
Bien décidée a confronter son agresseur, Emilia décida de se rendre a la dernière fête de l'été, toujours a l'insu de ses parents, et de l'afficher devant tout le monde, piètre revanche que ce soit.
Son sourire s'élargit à la vue de la jeune fille, un sourire faux, malsain, creux, inhumain. Le garçon qu'elle voyait comme un paroxysme de beauté il y a de ça 21 jours n'était devenu qu'une masse dégoulinante et chaque toucher devenait venimeux.
« Ca a été très dur pour moi. La suite a été encore plus dure... et avec le temps, je pense que j'aurais pu procéder autrement. Mais je ne voulais pas réfléchir. Comment voulez vous dire a une enfant que ce n'était pas la bonne méthode ? »Il ne veut pas écouter. Il dit qu'elle « le demandait », qu'il ne « fallait pas regretter maintenant ». Elle a beau lui expliquer qu'elle se sent mal et demander des excuses, il n'écoute rien. Ils n'écoutent jamais rien.
Les couleurs très vives des néons lui semblent bien glauques, a son contact.
Il veut remettre ça, et si elle dit non, il n'hésitera pas a lui faire « entendre raison ». Brutalement.
Elle le repousse. Il sort un cran d'arrêt de sa poche gauche et l'ouvre, donnant un coup sur sa cuisse. Un coup porté au ventre, Vincenzo et le couteau tombent en arrière.
Pas le temps de réfléchir, Emilia se jette sur l'arme et la prends, sans vraiment savoir quoi faire avec. Le menacer ? Le ranger ? Le jeter hors de sa portée ? Sa cuisse ensanglantée lui fait mal.
L'adrénaline jouant son petit jeu, elle lui jette son poing au visage et se jette sur lui, arrachant au monstre son masque humain d'une dizaine de coups de ses petits poings manucurés.
Assez rapidement, ses mains se retrouvent ensanglantées quand il décide de changer les rôles et de la plaquer au sol, les mains oscillant dangereusement vers ses cuisses.
Le couteau – toujours ouvert et toujours dans les mains d'Emilia – se retrouve planté dans la cage thoracique de son assaillant.
Temps mort. La gamine réalise après 30 secondes qu'elle a involontairement planté un couteau dans quelqu'un, à la vue de sa chemise blanche à présent maculée.
Il s'affaisse sur elle, elle s'extirpe mécaniquement, re-rentre dans la boite où tout le monde s'éclate joyeusement au son de Dancing Queen et s'éffondre dans l'atmosphère rose glauque, les mains, les jambes et les vêtements empourprés.
Rideau.
Il a porté plainte pour coups et blessures, elle a porté plainte pour viol et violences prémédités.
La prison ne fut pas une expérience agréable, mais en se faisant petite les dégâts furent limités.
« A ma sortie, en septembre 1995, je me suis rendue compte que je ne souhaitais plus rester dans mon pays natal. Ni avec mes parents. Pour eux je resterais une fille violente doublée d'une fille de petite vertu. J'ai donc décidé de voir du pays. » Partant à l'origine pour New York en Octobre 1995, Emilia a gagné sa vie comme elle a pu, passant de petits boulots a petits boulots. Elle déménage ensuite pour la Californie, en 1997 pour reprendre et ses études (et vendre son âme a un système universitaire bien trop onéreux) et obtient un diplôme en histoire de l'Art en 2002. Enchaînant à nouveau des petits boulots dans le secteur artistique, une certaine ambition nait à partir du moment où elle intègre une équipe culturelle d'un des musées d'art moderne de San Francisco, jusqu'à ce quelle gravisse les échelons (en écrasant allègrement ses concurrents) pour devenir conservatrice de musée.
Ayant décidé de ne pas retourner de sitôt en Italie, elle obtiens la nationalité Américaine en 2010 et commence a enseigner l'histoire de l'Art à Foxglove Valley en 2012.