Tu soupires.
Les choses ne s'étaient pas
du tout passées comme tu l'avais prévu.
Bon sang, pourtant ce plan avait tout pour réussir ! Tu avais mis tellement de temps à le préparer, à tout peaufiner pour que tout soit parfait, pour que tu parviennes à tes fins et ce de manière triomphale. Pour qu'il n'y ait aucun faux pas. Mettre à profit le côté un peu simplet de Salem était évidemment
la chose sur laquelle tout reposait, et l'élément principal sur lequel tu pouvais compter. En un sens, son côté impulsif était probablement le meilleur attribut dont tu pouvais te servir quand il s'agissait de...l'amener dans la bonne direction. Non, tu n'allais pas dire manipuler. Ce n'était pas de la manipulation. Pas du tout. Tu voulais juste faire en sorte qu'il...fasse ce que tu veux.
...non, en fait c'est carrément de la manipulation.
Tu grognes intérieurement : tu détestais faire ça. Tu avais de très mauvais souvenirs (les tiens, pas ceux de ton ancienne vie) de manipulation, notamment de la part de ton père. Mais en même temps, est-ce que tu avais vraiment le choix, avec le blond ? Lui rentrer dedans tête la première, en étant parfaitement honnête — enfin, dans la mesure du possible bien sûr — avait échoué. A plusieurs reprises. Tellement que tu avais arrêté de compter, en fait. Alors tu avais décidé d'agir de manière plus insidieuse, plus subtile. Mais même malgré ça, et malgré tous tes efforts, il semblait que Salem ne faisait que te détester encore plus. Après, tu n'étais pas tout à fait sûr que le suivre à la trace et l'attendre après les cours dans la forêt était la chose la plus réglo à faire. Parce qu'au fond, tout ce que tu voulais, c'était mettre les choses au clair. Ca aurait évidemment été tellement plus facile si tu avais pu lui dire
« Hé salut, alors en fait on se connaissait dans une autre vie dans laquelle tu m'as tué en m'étranglant, et j'aimerais bien savoir pourquoi t'as fait ça quand même ? » mais il te semble que ça ne se faisait pas trop. Question de mœurs. Par contre, c'est un bon tutoriel pour faire flipper quelqu'un, et tout en ce faisant avoir l'air d'un psychopathe/fou/autre/rayez la mention inutile.
Il ne te laissait pas du tout le choix, cet espèce d'abruti.
Tout avait été préparé dans les moindres détails : tu l'aurais abordé dans son QG, la forêt de Salem, en arrivant tel une demoiselle en détresse, à bout de souffle, paniqué, au bord de l'évanouissement, tout ça. Tu es un piètre acteur Eden, mais ça c'est pas nouveau. Bref, tout ça pour lui annoncer qu'une bande de racailles d'une ville aux alentours — laquelle, tu t'en fiches, il serait déjà parti au quart de tour à ce moment-là — avait décidé de faire de Foxglove leur nouveau
turf. Ou plutôt simplement dit, que quelqu'un essayait de lui voler son territoire. A lui. Le sien. Et l'y provoquait, même. Et il se serait emporté, et il aurait commencé à râler, et à cet instant précis, tu lui aurais subtilement glissé qu'ils t'avaient donné rendez-vous sur le toit de l'observatoire. Et hop, c'est dans la poche. Il t'aurait simplement fallu le rejoindre là-bas, le prendre à part, le forcer à rester (peut-être pas une mince affaire, mais passons) et lui extirper les informations dont tu avais besoin tout en profitant du ciel étoilé. Tout cela se serait passé sans accroc, si il n'y avait pas eu un élément que tu n'avais pas pris en compte.
Walburga.
Tu les avais vus tous les deux discuter, alors que tu t'apprêtais à lancer l'opération « traque du blondinet ». A coup sûr, il était encore en train d'essayer désespérément de la convaincre de sortir avec lui. Tu l'aimais bien, Walburga. Elle avait du caractère, et elle avait de très bon goûts. C'était une des rares personnes que tu connaissais ici qui était aussi passionnée par le ciel nocturne, bien plus que toi d'ailleurs. Ses connaissances étaient impressionnantes, et avait tout de suite provoqué ton admiration. Ton regard se porte sur le visage de Salem : évidemment, il allait encore une fois se prendre un râteau et...
Attendez.
Pourquoi est-ce qu'il sourit aussi bêtement que ça— Pourquoi est-ce qu'il a l'air satisfait, pourquoi est-ce qu'il a l'air heureux— Pourquoi est-ce que Walburga ne l'a pas planté là avec son habituel air dédaigneux—
...oh non.Les mains crispées sur la rembarde du toit de l'observatoire, il te semblait que le goût de l'échec était toujours aussi intense qu'à l'instant où tu les avais vus. Pour une raison qui t'a complètement échappé, Walburga avait accepté de sortir avec Salem. Et ton plan avait magistralement foiré. Tu soupires à nouveau. Tout était pourtant si bien calculé...
Un léger toussotement derrière toi te pousse à te retourner. Ah, c'est vrai que tu n'es pas tout seul— Quinn est là, aussi. Parce qu'après tout, même si tu avais cruellement échoué, tu avais quand même envie de passer du bon temps. Alors quitte à le faire, autant ne pas rester seul. Il ne te restait plus qu'à trouver un plan de secours, qui se trouvait actuellement derrière toi : Quinn. Il faisait partie du même club de couture que toi, et bien qu'il ne soit pas souvent très agréable...eh bien, tu avais connu pire. Puis en plus, il était doué. Et tu étais persuadé qu'il y avait un cœur tendre derrière ces constantes remarques cinglantes. Enfin...tu espérais.
Tu lui fais un signe de la main (non ce n'est pas vrai tu ne l'avais pas du tout oublié pendant un instant) et retourne te poser à côté de lui. Mais impossible de faire la causette avec lui. Tu avais l'impression que tous les sujets que tu pouvais potentiellement aborder le désespéraient. Décidément, même Salem n'était pas aussi difficile à gérer...
Tu t'apprêtes à tenter une solution désespérée — parler
pour la quatrième fois depuis que vous vous êtes rejoints du club de couture — lorsque quelque chose dans le ciel nocturne attire ton attention.
Une étoile.
Bien plus brillante.
Bien plus vive que toutes les autres.
Bien trop vive.
Tu voudrais attraper ton portable pour filmer la chose ; mais tu n'arrives pas à bouger. Comme si ton corps avait soudainement arrêté de répondre à chacune de tes silencieuses commandes.
Tu ne comprends pas ce qu'il se passe.
Mais cela ne te dit rien de bon.
Quelque chose, au fond de toi, crie.
Et cette sensation te semble étrangement familière.
hrp je suis un échec vivant pardon j'ai mis trop de temps à répondre aaaa