la pièce dégage une lumière familière et singulière : l’infirmerie après les cours dans ce lieu de bienséance dans ce lieu sans jugement aux roucoulements discrets elle se complait la donzelle la jolie junior sans cheveux longs- non avec toi ashlynn elle n’a pas besoin de la blondeur synthétique pour se sentir femme il y’a l’acceptance il y’a l’indulgence elle n’a qu’à se servir dans tes mains griffes rouges n’est-ce pas elle est en sécurité sac sur le dos elle abandonne le nid de vipères et ses habitantes il n’y’a plus de pablo ni de lizzie quand il y’a amber : elles ne connaissent que le silence de zachary et ses sourires coupés d’amusement l’adolescence terrible ne sait pas se doute peut-être des penchants de cette silhouette mégenrée mais ne dit rien il y’a des secrets qu’il est plus simple de garder pour soi ses doigts de pieds la brûlent elle se sent illégitime du rose qui perle avec beaucoup de délicatesse la surface de ses ongles bien taillés- les chaussettes blanches sans identité dissimulent l’erreur et ce qu’il ne faut pas voir on ne se dénude pas à quatorze ans du moins pas avec la superficialité du collège non il se faut il se faut de rester habillée étouffée dans des vêtements qui collent à la peau elle pousse un soupir las et aujourd’hui elle n’arrive pas à se sentir zachary ça la démange de PARTOUT cette masculinité et les attentes elle marche ça fait tap tap tap comme des baskets plates et pas clac clac clac comme des talons et elle toque là s’annonce et se faufile remet ses lunettes rondes en place passe une main dans ses cheveux courts d’ambition ça lui décroche un sourire qui retrousse un peu son nez de voir la féminité jusqu’au bout le carmin aux lèvres tenace- couleur sang non elle n’a pas peur de toi ses prunelles roulent sans vulgarité le long de tes courbes elle admire comme une oeuvre d’art il n’y’a rien d’insultant dans ses regards plein d’une passion inusitée d’une admiration sans crocs elle est désarmée elle apprécie juste à sa valeur des courbes qu’elle envie et adule bonjour ashlynn. elle s’assure d’un coup d’oeil mais à cette heure-ci après les cours il n’y’a plus personnes les faux-malades sont déjà partis et les vrais emportés par la famille inquiète c’est un outrage de ne pas parler alors elle continue sur sa lancée en s’installant déposant son sac à ses côtés sa voix n’a pas d’inflexion elle déclame très simplement très clairement avec juste un essoufflement sur la fin j’ai l’impression d’étouffer aujourd’hui. elle est malade ça ne va pas ça ne va pas elle est malade ça la démange et elle a envie de s’arracher la peau- c’est aussi ça l’infirmerie après les cours
Ah, l'adolescence cette douce période de souffrancesJunior & MarlboroFin de journée. L'infirmerie perd de son activité, mais, jamais de sa douceur aseptisée. La soviétique n'est désormais dérangée que par les cliquetis de l'horlogerie et la mine du crayon grattant les dossiers. Noter, tout, toujours, comme si elle était susceptible d'oublier ce pourquoi les élèves sont passés. Noter, tout, toujours, et avec minutie. Ahah. Oublier. Comme si elle le pouvait. Comme si son cerveau allait, d'un coup d'un seul, miraculeusement freiner son hypermnésie. Comme s'il allait perdre sa faculté d'intégrer. Comme si. Si seulement.
Bientôt sonnera l'heure de fermer à clé, de rentrer chez soi et chercher de quoi occuper sa soirée. Permettez lui de terminer ce qu'elle est en train de rédiger et... Hm ? On vient à frapper. "Entrez ?"
Une silhouette vient s'infiltrer. Celle d'une habituée. D'un, comme diraient ceux qui iraient la mégenrer. "Bonjour Ashlynn." Un sourire maternel, comme elle en a involontairement le don, fend ses lèvres avec la plus profonde des sincérités. "Bonjour, ma grande."
Il n'y a plus besoin de le lui rappeler. Qu'elle vienne pour lui parler d'il ou d'elle, elle est ici chez elle. Je t'en prie, tu peux t'installer. Voilà qui est inutile à préciser. Cela fait bien longtemps que tout se fait mécaniquement, machinalement, instinctivement.
c'en est assez c'en est assez de trembler, que les muscles se contractent douloureusement, de sentir cette pomme d'adam rouler dans la gorge c'en est assez de ce corps dégoulinant d'une fausse mascunalité ses nerfs sont à bout et ça la démange encore, encore oui, c'est lui. c'est ce il là qu'il entend à tue-tête et qui lui donne des envies de meurtre c'est zachary et c'est l'adolescence, ce sont les regards, les sourires, les moqueries de la nuit et les flatteries dans le lit c'est le fait de ne plus savoir sur quel pied danser sa gorge se serre et une boule noire là, tenace, cruelle, se forme et obstrue ses paroles elle déglutit et elle est tremblante sans doute que si elle se met à parler elle pleurera à flot, ça dégurgitera toute cette peine commune aux adolescents qui n'arrivent pas à se trouver je... ça se noue là ça resserre encore et encore je suis fatiguée. et son visage se crispe avec une douleur pure j'ai l'impression que jamais je pourrais... jamais elle ne pourra avec son père jamais elle ne pourra avec les autres pourtant bientôt j'aurais l'âge de commencer les hormones. c'est comme un rêve qu'elle façonne de ses mains la nuit, quand le sommeil ne l'assomme pas : c'est cette tranche de vie qui lui paraît si loin- alors qu'elle n'a jamais été si près. elle pince ses lèvres et elle n'ose plus te regarder même si elle sait, elle sait qu'il n'y'aura jamais de malveillance sous le noir de tes cils