rases les trottoirs. ramasses les feuilles dans le sillage de ta queue. rat seul et égaré. blessé.
tu oublies l’averse qui commence. la douleur croissante annule toute ta logique supposée. tu n’étais pas chanceux de tomber museau contre museau avec le félin joueur de la voisine pendant une échappée sauvage dans le jardin. merci, bouche d’égouts. salvatrice de ta puanteur.
les gouttes d’eau qui s’abattent sur ton pelage gris sonnent comme la chute d’une mauvaise blague. que fais-tu, sam ? pourquoi t’infliges-tu cette peine ? retournes chez elle. retournes dans ta cage. rends-lui son sourire. mais tu es très malchanceux.
tu luttes contre le vent. rafale douce pour un bipède mais tornade pour un petit quadrupède. blessé.
changes. changes de forme.
tu y penses alors que tes griffes s’accrochent à la terre. mais tu resteras écorché. abîmé. la traînée carmine pourrait devenir torrent. la douleur serait la même, peut-être.
et si. c’est terrible de résumer ta situation à un et si. et si tu restais sous la tempête, sang sur le sol, patte perdue, tu risques d’y passer. et si tu prenais une forme humaine, c’est un carnage d’amputation que tu vas laisser derrière toi. et si tu n’avais pas assez de force. et si tu mourrais seul.
cette pensée te paralyse, le museau contre le sol. les dagues liquides lancées depuis les nuages te transpercent. abrites-toi, au moins.
tu ne vois rien. tu es minuscule. tu entends simplement la pluie. l’eau. seulement l’eau.
la terre se transforme en boue. sable mouvant dans lequel tu t’empêtres sans réellement te débattre.