histoire
I. CHAT

Un peu comme sorti de la Terre, un museau remue les feuilles, de petites pattes griffent la terre avec entêtement alors qu'il n'y a rien a chercher en dessous, un petit corps de poils blancs se tourne et se retourne, se gratte et se recouvre avec ce qu'il trouve. De petits couinements laissent imaginer ce qui se cache...

Une dame chat, s'approche, sur le qui-vive, et d'un coup de patte vif, dévoile tout à coup la bête peu maligne qui se prélasse dans les résidus de l'automne... Elle toise le petit chiot blanc d'un regard fin, rempli de questions et d'incertitudes... Le petit chien, essaye lui aussi de la regarder, mais ses petits yeux humides n'aident pas beaucoup. Alors il jappe, un petit cris d'amour aigu et innocent qui termine de décidé la dame chat. Il a crié maman et elle l'a regardé comme un fils.

Cette dame chat, une femme chat forte et pleine d'autorité, n'a pas eu la chance d'être courtisée par un bonhomme chat —ou bien était-ce une chance ? Elle se posait chaque jour la question, mais depuis que son chatou est apparu, elle n'y pense plus. Elle faisait certainement trop peur à ces chat lâches, qui préfèrent des minettes qui ne répondent pas à griffant dans le ventre... Dame chat, possède un large territoire, qu'elle protège en feulant assez fort pour faire trembler le sol et ses adversaires. Ce soir-là, elle rentre avec un étrange butin dans la gueule : un petit chien blanc qui, tout content, respire la bouche ouverte, ses deux oreilles remuent, dansent.

Pacha, embêtera et aimera beaucoup sa dame chat. Pacha était fatiguant, encombrant, mais par dessus tout adorable et borné... Combien de fois sa maman a-t-elle essayé de lui expliquer qu'il n'était pas un chat ? Mais le petit Chatou ne voulait rien entendre, il voulait ressembler à sa maman. Absolument. Elle lui a même donné un nom, pour qu'il s'en rappelle : Pacha. Mais rien à faire. Pacha est têtu, l'amour le rend aveugle et fou.

Dame chat adorait son fils mais souffrait, par la faute des stupides chats voisins, d'une réputation désormais bien mauvaise. De nombreuses fois attaquée avec une violence terrible par ses confrères, elle ne parvint plus à protéger son territoire très longtemps... Elle et Pacha durent déménager, mais le petit chien ne voyait rien de cette misère dans laquelle ils vivaient. Etre avec Dame Chat était la solution à tout les soucis pour lui. Il gambadait joyeusement, sans se rendre compte que Dame Chat trainait de la patte, qu'elle ne lui mordait plus les oreilles si fort pour qu'il se calme, qu'elle râlait moins...

Jusqu'à ce qu'elle s'endorme une nuit et ne parle plus jamais.

II. HUMAIN

Pacha n'a pas couiné, n'a pas miaulé non plus. Il n'a pas pleuré, il n'a fait qu'attendre, silencieusement, les oreilles baissées mais toujours le regard brillant de conviction : elle allait rouvrir les yeux, elle n'avait besoin que de sommeil...

Mais il y eut un jour, puis un autre. Et encore un troisième, avant que Pacha ne commence à avoir les paupières lourdes, l'impression de monter vers les étoiles peu à peu... Comme s'il entendait la voix de sa mère qui résonnait, tout là haut. Et il sentit, effectivement, son corps quitter le sol et au froid se succéda la chaleur douce et bienveillante... Qui lui fit rouvrir les yeux.

Incapable de sursauter sous le coup de la surprise, deux immenses yeux bruns le fixaient avec curiosité et deux petites mains dans lesquelles Pacha pouvait tenir malgré tout, le caressaient avec gentillesse. On appelait cette grande chose un humain, et cet humain particulier était un petit garçon qui deviendra son meilleur ami.

Pacha recommença à jouer, il grandit un peu aussi. Et ne lui en voulez pas, il n'a pas vraiment oublié Dame Chat, il la voit chaque nuit dans les étoiles. Elle lui dit de faire attention aux méchants chats et aux chiens violents : car il n'est ni l'un ni l'autre... Et le petit humain aussi avait compris cela, il lui offrait même, parfois en secret, des croquettes pour chat. Pacha était ravi et savourait, bien qu'il ne remarquait jamais vraiment la différence avec celles pour chien... Mais tout était dans la nomination.

Pacha et l'humain sortaient souvent s'amuser. C'était peut-être le seul avantage que Pacha trouvait à être confondu avec un chien : il pouvait jouer dehors. En croisant des chiens, il détestait l'habitude qu'avaient ces bêtes à fourrer leurs nez dans les derrières inconnus. Dame Chat aussi trouvait ça bête et sale alors Pacha ne s'abaissait pas à cette pratique inutile. Il restait avec son humain et courrait vers la rivière pour rattraper la balle.

Il courait si vite que, trop proche de l'eau si froide en hivers, ses pattes s'emmêlèrent et son petit corps si maladroit dérapa, se fracassant contre le sol et roulant. Tournant. Sa petite tête cognait le sol et il ne voyait plus rien. Il sentit l'eau l'attraper tout à coup. Son museau chercha la surface, mais ses petites pattes, atrophiées par le froid, ne parvinrent pas à vaincre les courants...

Dans les reflets de l'eau qui léchaient ses pupilles et les bulles, soudain, il entrevit ces deux immenses yeux qu'il aimait tant, et rassuré, il combattait avec plus d'ardeur. Alors que les petites mains s'approchaient de lui et le sauvèrent, il se cramponna et survécu.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, il toussa d'abord et l'air anima de nouveau ses poumons.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, il était seul, sur le bord d'un ruisseau en forêt. Il lui sembla qu'une éternité est passée.
Lorsqu'il rouvrit les yeux, il avait des mains et dans le reflet de l'eau il reconnut ces grands yeux bruns qui étaient devenus les siens.