La musique claque, tape et défonce nos tympans. Mais c'est pour ne pas s'endormir, quitte à se bousiller le cerveau. Interminable jour de roadtrip mais enfin on y est; Chicago. Y'a les lumières qui défilent, néons, réverbères et phares se confondent. Sans drogue pourtant, le monde parait si grand et si fou. J'ai les yeux qui brillent, les muscles qui se tendent, une sorte de joyeuse adrénaline s’empare de moi. Chicago.
"Vitoooo bordel on est enfin arrivé! Chicago, voilà ton Queen et ton Kiiiiing~"
Je le peux plus attendre on est si prêt du but. Mais avant, il nous faut nous réveiller, pimer le tout d'un peu de ma touche rien qu'à moi. La voiture obéit à mon pied sur l'accélérateur et grogne de plus bel. Quel intérêt d'avoir un si gros moteur si ce n'est pas pour l'entendre ronronner? Alors "fuck la police" et "bonne chance" à elle pour nous rattraper. Étoile filante dans une ville de lumière, je finis par nous cacher dans une rue sombre, de peur de trop les éblouir, les autres, le commun des mortels. Mais toi et moi, on est au dessus de toi. Mais toi et moi, Vitoo, on est beaucoup plus que ça. Au cœur de la ville de nos rêves, je ralentis, mes pneus crissent sur ses veines, on roule, s'avance à pas de loup dans des rues plus sombres. Il ne faudra pas réveiller les hyènes perfides qui n'attendent qu'une chose, dans le noir; nous dépouiller. J'en frissonne moi-même, j'agrippe ta cuisse, mes ongles dans ta peau, je te regarde, sauvage, près à bondir:
"Un peu de drogue pour nous garder éveillé toute la nuit, ça te va?" Encore une question rhétorique puisque tu le sais déjà, quand ta Queen veut, elle a. Un rapide baiser sur tes lèvres, toujours amical ce baiser, je n'ai jamais appris le concept de pudeur, désolé. Le moteur roucoule toujours, la clé sur le contact, "Ça devrait pas être long" que je te dis, oui, normalement, si tout se passe bien. Malgré tout, j'agrippe ma batte bien posée sur la banquette arrière, toujours là ma fidèle compagne de guerre, juste au cas où, peut-être, sûrement qu'elle va servir. Et je m'apprête à sortir. Avec des grands yeux je te regarde, ah mais oui c'est vrai:
"Tu veux autre chose? Des cheetos?" Courses banales dans une vie sans queue ni tête.
Depuis le film, dans la tête de Vito, Chicago ça rime avec tango. Et finalement, maintenant qu’il y est, c’est un peu ça - parce qu’il n’est pas en compagnie de n’importe qui. Les lumières s’allongent derrière le pare-brise, elles laissent des traces sur le plastique de la plage avant, se font avaler par le reste des kilomètres (derrière eux, loin). Il faut chaud dans la voiture, et l’air vibre bien trop fort. C’est Cole qui a choisi la musique. Il a décidé du volume, aussi. Ses ongles sur le volant sont bien plus lumineux que la moindre enseigne, comme dix néons qui pointeraient la mauvaise direction. Il les laisse griffer son jean comme les pneus crissent contre l’asphalte. Il fait un peu ce qu’il veut, Cole. Ils sont le roi et la reine, dans leur tête, loin de leur terrier aux renards, même si ce n’est que l’espace d’un soir.
« Fais-toi plaisir, mais je vais juste prendre du redbull. Qui va veiller sur toi, sinon, hein ? »
Un vague baiser auquel il répond d’un clin d’oeil. Ce n’est rien. C'est comme une poignée de mains. C’est que Vito ne touche pas trop à l’héro et autres amphétamines, il est déjà trop malade pour ça ; et puis il n’a pas envie d’avoir à se cacher de ces grands yeux verts qui le surveillent - pas comme ceux en face de lui. Eux ils pétillent comme du champagne, comme des gouttes de pluie éclairées par l’orage.
« Si y a des Cap’n Crunch je veux bien ça, mais des cheetos c’est bien aussi. »
Cole attrape sa vielle amie, Vito une cigarette. Il en a roulé une vingtaine pendant le trajet. Il ouvre la fenêtre, et Cole se glisse dans la nuit crépitante qui règne au dehors. Vito le hèle alors qu’il s’éloigne, et il est un peu surpris de sa propre voix qui résonne dans l’habitacle - c’est qu’il n’a pas l’habitude de hausser la voix et c’est dans ces moments là qu’il se rappelle qu’elle porte.
Mes talons claquent contre le goudron, j'attire les regards, pas les plus sympas mais ça reste de l'attention. Dans l'épicerie, j'achète tout ce qui me passe par la tête. En plus des Cheetos, du Redbull et des Cap'n'crunch, c'est des sodas, des friandises même celles dont j'ai pas besoin. Après tout, mieux vaut en faire trop que pas assez. Le cassier me regarde l'air louche, j'ai l'habitude, si je comprenais l'espagnol, j'aurais certainement compris son insulte mais dommage j'entends pas les rageux. Alors je souris, pour de faux en caressant ma batte de manière subjective, je prends mes cliques et mes claques, je range tout dans mon sac et je me casse. Je sors une sucette de mon sac, pour la ranger entre mes lèvres hyper glossées et je m'approche d'un trio de gars baraqués aux muscles gonflés et surmontés par des tatouages de gang.
Alors langoureusement, la petite Colette s'applique à être coquette, histoire, qu'ils me prennent pour une meuf et je viens les aborder en caressant le biceps plus botoxé que mes lèvres d'une des pédales pas assumées:
-"Salut les gaars~ Dites-moi, c'est pas du tabac que vous fumez hm? Vous en auriez bien un peu pour une bonasse comme moi nan?"
Y'en a qui matent, un, le plus grand qui à l'air de pas trop apprécier mon dévergondage. J'hausse un sourcil en suçant la sucette pour les provoquer, je veux une réponse, pas leur gueule de bras-cassés. Alors face à ça, je manque de griffer le visage du plus costaud en lui retirant le joint des lèvres, remplaçant de sa bouche à la mienne, sa gourmandise à la mienne. Je ris, en prends une bouffée et lui souffle en visage:
-"Merci pédale~"
Je lui tapote la joue comme un bon toutou bien dressé et puis, demi-tour, un coup de cul bien placée et je retourne vers la voiture en souriant à mon tout beau, l'air triomphant.
-"Ça y est, bae, j'ai la bouffe! Ça tombe bien j'ai la dalle."
A peine le temps de m'installer, prêt à démarrer, je balance ma batte à l'arrière, place passager et j'ouvre le sac rempli de cochonneries plus grasses les unes que les autres, prêt à dévorer. Mais je sens la voiture bouger anormalement alors que je m’apprêtais à parler et je relève les yeux sur les trois molosses visiblement enragés qui tiennent le capot de ma carrosserie entre leurs mains; et ils sont pas prêts à la lâcher. Merde.
Je jette un coup d’œil à Vito, le plus beau, et le plus calmement du monde, hausse les épaules:
-"Je peux aller en prison si je les écrase avec ma voiture?"