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Les guêpes [PV Julia]
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Mar 29 Aoû 2017 - 2:30
Fin août. Samedi. 5h du matin.

Il fait nuit. Il fait rouge. Une bruine de sang a éclaboussé les murs. Dans l’air, encore, les échos de la détonation. Il fait fou. Il fait rage. Des gouttes de sang perlent le long des meubles et du cuir du sofa blanc. Des cheveux blonds gluants de sang. Le cerveau épars en mille éclats de gras. La mafia rouge ne pardonne pas. L’amour à mort.

Les battements de cœur ralentissent. Meurent. Le cœur ne cogne plus contre les tempes. Celui qu’on appelle Milan a les yeux ouverts et fixes sur les murs de sa chambre. Il fait nuit. Il fait bleu. Il chasse le rêve rouge de sa chambre bleue. Entre les tentures, la lumière de la lune interstitielle. A travers les châssis de bois, l’odeur de la lavande en train de faner. L’odeur du thym poussé dans les graviers. USA. Foxglove. Celui qu’on appelle Milan se souvient qu’il ne vit plus près de la Moskova.

Il ouvre les doigts sur la peau d’une femme. Il ouvre les doigts sur la chaleur, la douceur, la vie qui sommeille sous la peau d’une femme. Julia. Il se serre contre elle. Contre sa nudité. Il glisse sa main sur ses côtes, son estomac, son ventre. Julia. Elle comble le rêve rouge. Il se presse contre elle. Comme un aimant lent et immuable. Il enfouit ses lèvres dans ses cheveux. Julia. Elle occupe la chambre bleue. Il se souvient. Il se rendort.

Fin août. Dimanche. 11h30 du matin.

On nait avec la première inspiration. Celle qui ouvre large la bouche fragile du bébé hurlant. Celle qui insère l’étincelle définissante. Pour celui qu’on appelle Milan, l’étincelle était un grain de lumière. La lumière a défini son être.

Il a vingt-sept ans. Pendant vingt-deux ans, la vie a comprimé sa lumière. Depuis cinq ans, la lumière s’étend enfin autour de lui. La lumière prend ses aises. Il ouvre les bras à la prairie très verte secouée par le vent d’est. Des guêpes volent à ras d’herbe. Elles ont senti la nourriture.

- Le temps est superbe. On aura peut-être un été indien.

Il parle avec un léger accent russe. Il a le sourire soleil, les cheveux chocolat, les yeux ciel, le sourire tendre. Il se tourne vers les autres. Les voisins. Les familles des voisins. Les chiens des voisins. Les guêpes.

- J’ai apporté des pirojkis et des pielmenis. C’est facile à réchauffer sur le barbecue !

Il se lance vers la grande couverture brune jetée à même le sol. Un labrador à la robe dorée lui lèche la joue. Il rit. Il rit facilement, Milan. Il rit d’un rire clair amour et cristal grave. Il s’assied. Il prend la bouteille de grenadine fraîche.

- Qui veut ? Oh Julia, tu as pu venir !

A quelques mètres, Julia arrive. Sa silhouette. Sa démarche. Il l’a reconnue en quelques fractions de secondes. On reconnait plus rapidement les êtres avec qui on a fait le sexe à défaut de l’amour. Le sexe laisse des fantômes de corps et d’épiderme dans la moelle épinière.

Les enfants jouent. Des enfants crient. Le labrador court autour de la nappe. Le chihuahua jappe. Trois femmes. Trois hommes. Milan. Julia. Et les guêpes.
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Mar 29 Aoû 2017 - 16:09

ft. Julia

ft. Milan

「 Les guêpes 」
Julia enfonce sa clé dans la porte de chez elle, un peu essoufflée, et jette pèle-mêle sur son canapé son sac à mains et sa veste pour courir sous la douche. Une chaussure à talons vole et atterrit sur la petite table du salon. L'autre s'écrase mollement par terre. L'eau commence à couler.

La veille, elle n'avait pas dormi chez elle, et avait troqué ses murs blancs et impersonnels  contre une chambre bleue, et contre les bras chauds d'un homme qu'elle ne connaissait pourtant pas si bien que ça. Mais elle avait enfin trouvé le sommeil, loin de l'esprit qui avait du trouver sa soirée bien ennuyeuse, sans personne sur qui hurler. Elle porte encore sur elle l'odeur de son corps, qu'elle efface petit a petit pour la remplacer avec la sienne.

Milan.

"Je fais juste un saut chez moi pour me changer, et je viens."

Quelle drôle d'idée, ce pique-nique.
Elle se rappelle ses nuits parisiennes, et ces lendemains ou elle reprenait ses affaires en silence pour ne surtout pas avoir a supporter l'insupportable conversation du lendemain. Ces prétextes, ces "choses à faire", pour reprendre le cours de sa petite vie sans se soucier de l'autre qui se retrouverait seul.

Mais Foxglove est différent, dans un sens. A Paris, elle n'était pas seule. A Foxglove, si. Et la solitude pesante l'a poussée à accepter, même si elle ne sait pas bien pourquoi elle a été invitée, et quelle est sa place dans cette petite après-midi entre voisins.

Elle sort de la douche, et détache ses cheveux pour les laisser flotter sur ses épaules, avant de se raviser. Il fait trop chaud. Elle se demande un instant si des tresses champêtres seraient adaptées, et elle rit toute seule. Elle n'a plus quinze ans. Elle enfile un genre de robe d'été , blanche, sans manches, qu'elle n'a jamais mise. L'étiquette du prix est retirée d'un coup sec. Elle se trouve jolie, bien qu'un peu trop légère à son goût. Cela tranche trop avec sa tenue d'hier, songe t'elle un instant en regardant le short en cuir qui gît au sol. Milan risque de se demander ce qu'elle fabrique.

Tant pis.

Maquillage en main, elle entreprend de cacher le reste de cernes qui restent gravés sur son visage, regrettant qu'on aie pu la voir dans un état pareil, et se demandant dans le même temps pourquoi elle fait si attention à son apparence alors qu'elle aurait pu tout simplement renoncer à l'invitation. Il ne faudrait pas qu'il regrette cette soirée passée avec elle, après tout.

Main dans le frigo, elle sort deux bouteilles de soda et une bouteille de rosé français, qu'elle gardait pour une grande occasion, au prix des imports de produits qualitatifs dans ce qu'elle qualifie encore et toujours de trou a rats. Elle hésite un instant. Un soda, et le rosé. Il ne faut pas vexer l'hôte, déjà qu'elle ne ramène pas à manger. Mais il ne faudrait pas faire décéder tout un pâté de maison de salmonellose ou autre joyeuseuté du genre.

Pschit.
10h10 en Sicile, de Kenzo. Agrumes, et fraîcheur. Ce sera parfait.
Elle sort de chez elle. Du coin de l'oeil, elle aperçoit la tête fantomatique d'un garçon brun qui la regarde, les traits tordus.
Elle lui fait un doigt d'honneur avant de claquer la porte.

Lorsqu'elle arrive au lieu dit, les boissons fourrées dans un grand sac de paille, elle n'en revient pas, de l'effervescence, des enfants qui crient, qui jouent, et de tout ce monde qui discute. Seigneur , qu'est ce qu'elle fait là? Tout est tellement...différent. Populaire. Les mères de famille permanentées, les pères avec le pull sur les épaules, les labradors. Rien ici ne lui ressemble, et elle a envie de faire demi-tour.

Au loin, Milan l'a reconnue, et la fuite n'est plus une option. Elle lui fait un grand signe de main. Le long de sa colonne vertébrale court le frisson brûlant des corps qui se connaissent, qui s'écrase en grandes taches rouges sur ses joues, cachées heureusement par un peu de maquillage et le bas de ses lunettes de soleil.

Elle s'approche, tente d'abord de lui faire la bise avant de se souvenir, et se contente dans un geste maladroit de le saluer.

"Oups! Habitude."

Elle sourit aux gens autour d'elle, et se présente, rapidement.
Autour de ses chevilles nues, les guêpes.

Julia n'aime pas les guêpes.
Ses connaissances basiques en sciences lui permettent de distinguer l'abeille nourricière de la guêpe vicieuse, mais ne lui indiquent pas à quoi servent ces insectes qui semblent créés exclusivement dans le but de vous piquer et de vous faire enfler.
Elle doit se concentrer sur autre chose.

"Comment vas-tu? C'est gentil, de m'avoir invitée. J'ai.."

Elle farfouille dans son sac, et réalise qu'elle a oublié son tire-bouchon.

"Ramené un peu a boire, mais je crois que j'ai oublié de quoi ouvrir. J'aurais bien ramené un peu plus, mais...dimanche..."

Elle esquisse une moue gênée et se met dos au soleil, pour relever ses lunettes. Elle aimerait bien bronzer un peu.
Une guèpe vole juste devant son visage, et elle a un grand mouvement de recul avant de rire nerveusement, l'insecte partant vers d'autres directions.

"C'est...charmant. Tous ces petits insectes. Ha. Hahaha."

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