histoire

Enfant taciturne pendant longtemps, on a pensé qu’elle avait un problème. Les mots qu’elle parvenait à articuler s’échappaient bien trop vites et ses phrases n’avaient pas de sens. Spray défonçait les règles de la grammaire à coup de sourires et de rires. Ses pensées étaient claires, voire brillantes, mais la diction ne parvenait pas à suivre. On l’a crue déficiente pour finalement lui découvrir une intelligence rare que Spray contenait avec difficulté, provoquant des explosions : des colères, des joies intenses... Ingérable, autant que sa langue qui claquait dans sa bouche. Une curiosité inassouvie, des questions qui foudroient comme des éclairs. Pourquoi ? Premier mot après papa et maman, Spray en abusait avec délectation, ravie de savoir, un peu triste lorsque la réponse ne pouvait être obtenue alors Spray cherchait par elle-même.

Pas timide, même extravagante Spray était heureuse d’aller à l’école. Pas pour y apprendre, mais davantage pour rencontrer une foule de nouveaux visages, de nouvelles voix, tant de gens avec qui parler et partager ! Mais dès son entrée en maternelle, insouciante et bien jeune que ses camarades, se rapprocher des autres, bien qu’elle ne tendait qu’à ça, n’a jamais été évident. Elle n’a pas pour autant grandi dans la sollitude puisque jouer à chat ne demande pas de parler, puisque, jolie comme elle était, elle attirait parfois des regards et une certaine admiration… Parce que, gentille et douce, on l’aimait bien, même si elle était bizarre. Spray inspirait une incompréhension générale et l’espace que prenait sa voix, l’éclat de son sourire, sa soif de découverte provoquait parfois un profond mal être chez les autres. Rester chez elle à lire des livres, jouer sur sa ds, dessiner, apprendre ou aller sur internet parfois ne la dérangeait pas. Mais elle désirait profondément trouver quelqu’un comme elle… Quelqu’un qui pourrait tenir ses pensées dans la paume de ses mains.


Pour Spray, la science est devenu un repère. Une ressource dans laquelle puiser pour remplir le vide qui flotte dans sa tête. Elle pioche des informations, des connaissances, des questions pour retenir son attention, garder les pieds sur terre. Trouver quelque chose à faire de ses neurones qui brûlent s’ils restent inactifs et s’occuper inlassablement car science est faite de connaissances infinies et inépuisables. Elle évolue, change vite, au fil des secondes et des découvertes. Trop vite pour Spray. Se sentir lente face à l’immensité la rassure et la gonfle de motivation pour ne pas perdre de vitesse… Parce qu’elle sent que malgré son retard, elle peut comprendre, là où le paranormal la fascine mais lui échappe tout à fait…

Au début, ça ne devait être qu’un rêve.
Elle s’est persuadée s’être endormie durant la séance en apprenant que le film n’avait rien à voir avec l’histoire d’un enfant malade... Mais lors d’une deuxième sortie au cinéma, les yeux derrière les lunettes 3d, Spray vit de nouveau l’enfant qui, cette fois, portait son visage cheveux rasé. Elle n’entendait ni ne voyait rien du film réellement projeté sur l’écran sans enlever ses lunettes et à peine reposées sur son nez, que sa vision reprenait, aussi terrifiante et implacable qu’un cauchemar, floue et entrainante comme un rêve. Elle ne dit rien, quittant subitement la salle pour rentrer chez elle. La curiosité dévorant la terreur qui vibrait, quelque part en elle. Elle vola les lunettes sans oser les porter de nouveau avant quelques semaines.

Au début, c'était fascinant : la même image, la même scène se déroulait avec précision, s'étendant parfois pendant des heures. Toujours la même. Mais une fois les lunettes enlevées, les détails s'effaçaient. Spray regardait chaque nuit avant de dormir, le cœur battant, se mordant les lèvres, crispée contre la peur en essayant de se remémorer chaque fois davantage, toujours mieux. Elle voulait savoir, comprendre... Se sentant toujours plus attirée par cet étrange phénomène, se souvenant parfois des toussotements de cette fille qui lui ressemblait de plus en plus. L'impression de pénétrer dans des souvenirs qui n'était pas les siens mais le semblait pourtant était terriblement excitante. Des questions foisonnaient, bousculaient ses certitudes, ébranlait le rapport à l'univers qu'elle s'était imaginé. Elle y pensait sans cesse, l'obsession grandissait et la naïveté couvrit un temps la peur.

Elle chercha sans savoir si elle souhaitait réellement connaitre toutes ses réponses. Quelque chose avait changé, elle le sentait et son sourire s'effritait. Les gens autour d'elle paraissait différents, moins bons, plus si honnêtes. Son monde s'effritait et s'écroulait alors que Spray découvrait la souffrance derrière le bonheur imaginant que cet enfant ai réellement pu exister.

Mais tout ce qui paraissait clair un instant dans les visions s'obscurcissait immédiatement ensuite, ne laissant qu'un résidu de tristesse et de douleur toujours plus fort et cette présence qui pesait sur le cœur de Spray.

Alors que les larmes commençaient à glisser au fur et à mesure des essais, de plus en plus submergée par un chagrin qu'elle ne pouvait s'expliquer, Spray était contrainte de ne pas regarder davantage : ça faisait bien trop mal. Affronter le visage et son regard éteint, connaitre cette vision au point de sentir les odeurs claires de l'hôpital lui donnait la nausée, lui pinçait le cœur. Spray eut peur et enferma les précieuses lunettes sombres dans un tiroir où elles prennent la poussière.

Elle a décidé d'oublier, de ne pas y penser même si la honte la ronge -un scientifique ne devrait pas ignorer un tel mystère.

Les sombres lunettes sont remplacées par des lunettes aux verres roses pour illuminer sans cesse ses jours et préserver son sourire.