La fumée grise sortant de ses fines lippes, l'air toxique qui hérissait les poils, rendait la conscience plus dispersée, dissociée de ses problèmes traînés comme des poids sur ses épaules. Il n'en restait qu'une existance vague, morceau d'agonie sur le bout de la langue, un bonheur éphémère qui ne durait point, qui faisait rêver que le temps d'un battement d'ailes. Lorsque l'euphorie disparaissait on ne comptait le nombre de cœurs brisés se noyant dans l'alcool. Il souffla dans le vide, les yeux perdus, liquide carmin qui noyait ses paupières, un brun proche du rouge sang traînait dans ses iris, rendant la créature aussi fascinante qu'effrayante. Il n'était rien de plus qu'un spectre factice que l'on s'inventait afin de s'effrayer, qu'un rire strident dont le fond sonore arrachait quelques grimaces. Loki n'était rien de plus qu'un bouffon dramatique, le genre de rôle qui lui collait à la peau, lequel il n'avait jamais réellement démenti. Pourquoi donc ? Tout était tellement plus divertissant ainsi.
Les paupières closes tandis que ses lèvres recrachèrent une énième fois la fumée amère, la rejetant sur ce monde tout comme le monde pouvait se permettre de le rejeter lui. C'était la combientième ? Il se perdait dans les comptes, dans les nombres, les chiffres incalculables, les mœurs inchangeables. L'important étant que cette cigarette hanterait toujours ses lèvres et ses poumons comme la précédente, comme la suivante et celle d'après. Elle hanterait son corps comme des prémisses restants de cette substance qu'il avait pu ingérer plus jeune, celle que ces connaissances restantes ingurgitaient comme des bonbons bon marché au goût coûteux. Une dangereuse puis deux, trois et la file étant longue, tout cela car il ne savait pas s'arrêter, il ne savait point se regarder en face et se dire non, s'interdire de s'enfoncer dans un vice plutôt qu'un autre. Il persévérait dans la destruction d'autrui et dans la sienne, il marchait dans l'obscurité sans se soucier de ce qu'il ne pouvait voir et ce qu'il pourrait trouver. Le plaisir du risque était la drogue la plus malsaine qu'il n'avait pu faire goûter à son corps. Rien ne l'arrêterait, rien si ce n'était le temps. On ne lui tendrait pas la main et si cela arrivait, il se contenterait de la mordre hargneusement.
Quatorze heures vingt-six.
Les yeux fixés sur l'heure qui défilait rieuse, se moquant de son humeur variable en étant encore plus instable. Il était temps de se lever et de faire ce pourquoi il était venu, de poser ses basques sombres et immenses sur la terre ferme et de se faufiler dans cet endroit qu'il ne connaissait que de trop pour y avoir travaillé à un moment, cela faisait bien de nombreux mois. L'absence de sourire sur lippes lorsqu'il vint écraser le bout de sa clope contre son jean, il rouvrit la portière de sa voiture et se glissa hors de celle-ci, les mains dans les poches, le museau soulevé en direction du ciel. Grisâtre, les nuages lourds. Il se pourrait qu'il pleuve bientôt, il aimait cela pour la panique qui naissait dans le cœur des gens courant sous la pluie. Il aimait d'autant plus les orages pour leur aspect bruyant et visible, agréable à ses oreilles de virtuose. Arrêt sur image lorsque sa paume laiteuse se posa sur la porte, l'entrouvrit, la poussa en un simple mouvement ample. Rien n'avait changé. Le décor étant le même, bien trop chaleureux dans les tons bleus et beige, un poil de rouge du cote administratif. Il avait cette curieuse impression de revenir dans le passé, c'était ennuyant à souhait.
— Bonjour, puis-je vous aider ? Vous avez fini par vous décider concernant le chien que vous êtes venu visiter les deux dernières fois ? — Je connais le speech. Épargnes-moi ça, je viens le prendre et aussi un peu de la bouffe que vous lui donnez. — Très bien... suivez-moi.
L'air indescriptible sur le faciès de marbre, sa tonalité bien que trop douce était trompeuse, on pouvait y déceler une parcelle de folie pure, d'aura mimant de ne pas trop s'y approcher au prix de s'y brûler. Cette fille, il ne la connaissait pas et ne désirait pas la connaître, il n'en avait que faire qu'elle soit nouvelle et ne connaisse pas son parcours de métiers chaotique l'ayant mené à travailler dans cette même animalerie. Tout était mieux ainsi, elle n'aurait aucune raison de ne pas le laisser repartir avec le compagnon d'infortune qu'il avait choisi afin de tenir compagnie à celui qui se trouvait déjà chez lui. Les pas traînant derrière ceux de la jeune fille, le regard fixé sur le devant, l'horizon, le futur qui ne l'intéressait pas pour le moment. Il préférait encore attendre et vivre l'instant présent, connaissant par cœur les aléas de ce bâtiment, sachant qu'il faudrait bien tourner à droite pour rejoindre l'extérieur. Les minutes qui défilèrent d'elles même sous la démarche rapide et stressée de la jeune créature, il s'amusa à se pencher sur son épaule, l'air de rien, pointant du doigt la direction qu'ils devraient prendre comme doté d'une innocente qui n'existait plus dans son âme noircie. Oui, tel était son plaisir, ennuyer le monde pour ne pas s'ennuyer lui.
Petit à petit une avancée sur la route toute tracée, il s'avança en ne jetant que de simples coups d'œils au quelques rares chiots restant encore. Il se dirigea directement en direction des plus âgés, ne prenant plus le temps de s'accroupir devant chaque local, roulant des yeux lorsqu'il se retrouvait avec des chiens bien trop craintifs de par sa nature instable. Non, il lui fallait autre chose, un animal qui ne lui tournerait pas la tête lorsqu'il le promènerait. Loki s'arrêta finalement face à l'endroit où un jeune Labrador l'attendait, un foulard rouge autour de la nuque. Pendant un instant il manqua de ne pas le voir, l'animal semblant faire tâche dans cet environnement. Ce fût lorsqu'il croisa ses yeux bruns qu'il esquissa un sourire, attendant que la jeune femme vienne lui ouvrir l'endroit où il se trouvait. D'un simple mouvement de la main il caressa le haut de son crâne, remettant ses mains dans ses poches pour refaire le chemin inverse jusqu'à l'entrée. Difficilement explicable, pourtant après toutes ses visites c'était lui qu'il avait décidé d'adopter.
— On se casse petit.
La voix solennelle et l'attitude joueuse, il marcha côte à côte avec son nouvel animal, grimaçant que lorsqu'elle lui tendit la boîte de croquettes qu'ils lui donnaient depuis de nombreux jours. Toujours la même, lui-même détestait cette marque et la trouvait peu fameuse, ceci venant sûrement du fait qu'il était chiant sur n'importe quel sujet. Menant son nouveau compagnon en direction de la sortie, il l'attacha que le temps de remplir les formalités et les papiers désintéressants, en profitant pour emprunter pendant une période indéfinie le stylo qu'elle le lui avait tendu. Que quelques minutes défilant au compteur, il tourna le dos à la jeune fille blonde, rouvrant la porte de sortie de ce lieu qu'il ne supportait déjà plus. Les souvenirs. Un bagage bien trop lourd pour lui, des choses qu'il préférait oublier plutôt que de ramener à son existence, à ce présent qu'il ne cessait de teindre de nouvelles couleurs. Le bout de la laisse présente dans sa main, il n'eut pas à tirer son compagnon canin, l'amenant jusqu'à sa voiture et lui ouvrant la porte pour qu'il puisse rentrer. Ce ne fût qu'une fois que le labrador pris sa place dans à l'arrièrer qu'il se permit de sauter sur son siège, jetant un œil au rétroviseur.
— Va falloir que je te présente à l'autre, mais ça attendra. Cette bouffe qu'on t'a donné est vraiment mauvaise.
Et il parlait encore, comme si le chien pouvait lui répondre.
Toutes ses fois depuis ta capture, Ollie, tu es resté un bon vieux toutou. Car plus qu'être adopté, tu devais protéger et surveiller les réincarnés. C'est ta mission et tu l'as toujours respecté. Tu es l'ainé, papy magnolia, le plus vieux de tous, le plus proche de la mort aussi alors il faut montrer l'exemple. Avec le peu de temps qu'il te reste et qu'ils en prennent de la graine. Et aujourd'hui, ça ne change pas de d'habitude. Tu l'as suivi, gentiment, sans aller trop vite ni trop lentement, tu es monté aussi, comme il te l'a ordonné.
Chien trop parfait, trop gentil à en douter, mais il n'a pas l'air de faire attention. De toute manière, tu sais que ça ne pourra pas durer. Au delà d'être le beau labrador au poil doré, tu es Ollie le douanier des magnolias, Ollie l'enfant vagabond ou encore la belle créature magique d'après-minuit.
Mais même les plus vieux, sans dépasser les règles, ont le droit de s'amuser. Alors pourquoi pas toi? Il ne te reste que deux petits Noël après tout. Alors tu le surprends, en te mettant à parler, de ta voix suave, au timbre grave:
"A qui le dis-tu. Elle avait vraiment mauvais goût. Mais quand on a faim...On a pas trop le choix."
Et puis tu le fixes, la langue pendante, comme pour lui faire croire à une mauvaise blague. Pourtant tu le sais et il le sais, tes babines ont bougé de façon bien trop humaine. Tu parles c'est un fait, mais plus encore tu es magnolia et ça, c'est un secret.
notes: aaaah ta réponse était super, je suis vraiment désolée de pas rep autant, je suis pas capable de beaucoup plus /shot
La posture nonchalante tandis que ses pieds trainaient contre le volant, il tourna la tête et ouvrit sa fenêtre, rallumant rapidement une énième cigarette qu'il se contenta de déguster avec une hâte peu profonde. Il faisait bien trop chaud et bien qu'il ne soit un peu dérangé parfois, il n'était pas homme à tenter d'étouffer ses animaux sans raison. Le bout de sa dangereuse contre les lèvres, il leva les yeux et se pencha comme il pu pour fixer le temps à l'extérieur. Le soleil lui brûlait la peau de manière exécrable et ses vêtements sombres n'aidaient pas dans ce genre de situation, ils n'aidaient jamais tout simplement, hormis le soir quand il se glissait dans une énième bagarre pour récolter son compte.
"A qui le dis-tu."
Stop. Arrêt sur image un instant. Reboot de la cassette en cours tandis qu'il tourna doucement la tête en direction de son nouveau compagnon. Qui parlait. Indéniablement qu'il lui avait adressé quelques mots, car personne d'autre n'était dans sa voiture ni encore les entourait actuellement et il n'était pas fou au point de tomber dans la schizophrénique. Les sourcils froncés et les yeux plus écarquillés, Loki déposa le coin de son avant-bras contre le dossier du siège, se retournant vivement pour l'observer plus sérieusement. Et les babines de l'animal avaient bougées d'elles-mêmes, comme un humain ferait pour former des phrases et conter des paragraphes. Cet animal venait de parler. Tout simplement, il en était tellement surpris qu'il lui fallut plusieurs dizaines de secondes pour parvenir à former une phrase correcte dans sa tête.
Qu'est-ce que c'est que ce bordel...
Premiers mots d'une longue flopée de questionnements internes car bien qu'il ne soit habitué aux choses étranges de ce monde, ce n'était pas tous les jours qu'il avait un chien parlant dans sa voiture. D'un simple coup de main, il arrêta le moteur de sa voiture, verrouillant les portes arrières du véhicule afin que son nouveau compagnon ne puisse s'échapper. Par la suite, il se mit à le fixer très sérieusement, une pointe de curiosité malsaine dans le regard, sa paume venant doucement tapoter le haut de la tête de son chien. Il n'en était pas plus effrayé que cela non, il avait déjà vu assez de choses pour remplir sa vie, toutefois cela le surprenait comme tout humain. Cette surprise vicieuse qui prenait aux tripes et laissait un agréable arrière goût aux lippes.
— Bien, donc t'aimais pas la bouffe de cet endroit ? Tu m'étonnes c'est à se demander si les gens dedans aiment vraiment les animaux.
Il écrasa légèrement le bout de sa cigarette sur le dossier co-conducteur, peu soucieux des dommages que cela pouvait causer à son propre bien. Ce n'était qu'une marchandise de plus, encore quelque chose auquel il n'était pas réellement attaché.
— Donc le cleb, t'as un prénom ?
Parce qu'il fallait tout de même vérifier qu'il n'était pas fou à lier.
Hrp : Pardoooon pour le retard ;; début d'été surchargé je me meurs jpp