histoire
Félicitations, tu es aujourd'hui plus adulte que tu ne l'as jamais été.Voilà que tu prends ton pied à changer l'éponge sculpturale millénaire qui git sur ton évier depuis ce qui te paraît être des décénies. Tu jubiles tandis que tu ôtes habillement l'habillage de plastique de celle qui vient aussitôt la remplacer.
J'ai l'air d'un vieux con, tu lances en toi-même tout en remerciant les forces surnaturelles qui régissent la terre d'avoir écarté ton frère de ce ridicule spectacle. Enfin, ce n'est pas comme s'il avait de toute manière besoin d'une telle excuse ou occasion pour te faire virer de la cafetière.
Votre toute récente cohabitation a régulièrement pour toi la sensation de n'être qu'une vaine épopée entre deux parfaits inconnus dont les atomes crochus sont aussi nombreux que ceux de Teri Hatcher pour Marcia Cross durant le tournage de Desperate Housewives
- soit dit en passant, vous en faites de belles, de femmes au foyer désespérées -. Cole, de son petit nom, ton unique frère de sang, n'est rien de plus pour toi qu'une équation par zéro, une parallèle perpendiculaire, un paradoxe bien trop complexe à analyser. Il est exubérance et tu es flegme. Il dit blanc, tu dis noir. Comme si tout ça datait d'hier, après tout.
Malgré ses écarts et son attitude licencieuse dont l'origine, tu en es sûr, prend ses racines dans les méandres de sa chaotique enfance auprès de ces parents tortionnaires avaient choisi de t'évincer toi, il te tient à cœur de rester près de lui. Tu t'imagines un jour capable de recoller tous ses morceaux, d'en faire quelqu'un bien moins obnubiler par le besoin l'adrénaline que procure une auto-destruction douce-amère. Tu voudrais qu'il cesse de tituber sur le bas côté pour marcher d'égal à égal auprès de toi sur cette belle illusion qu'on ose appeler le droit chemin.
L'enfant de salaud, tu craches en voyant ton lit
saccagé, vandalisé, profané par les ébats charnels de Cole. Ta motivation retombe comme un soufflé. Ce n'était pas encore demain la veille que vous alliez l'emprunter ce chemin, bordel.
Mais tu n'as pas le temps de t'attarder et de trop râler. Tu as un emploi du temps surchargé, toi. De ministre, comme on dit si bien. Tu te lèves à l'aube péniblement, tu t'évertues à t'immiscer des journées durant dans l'esprit de patients plus compliqués les uns que les autres, tu défoules ton trop plein de frustration sur un innocent punching-ball et les soirs où Cole ne fracasse pas les parois de ta boîte crânienne de sa musique outrancière ou qu'il n'organise pas de fêtes surprises, tu t'assommes à coup de rhum. Et puis tu attends la vague.
Des fois qu'elle t'emmène vers un état plus doux.