robert
c'était étrange
parfois elle le repoussait (pour rattraper sa main l'instant d'après)
un jour elle avait l'impression de le connaitre
et le lendemain c'était un étranger
c'était toujours un étranger en vérité
elle savait qu'il la connaissait jusqu'au moindre fragment de son être jusqu'à la moindre parcelle de sa peau
(nana vivait de ces regards de cette attention)
elle avait oublié comme il était entré dans sa vie
comment il s'était faufilé par une porte fermée

nana et robert
c'était étrange
parce qu'elle savait qu'il savait
elle savait qu'il avait compris ses secrets
ses mensonges
ses jeux venimeux
(et qu'il s'en fichait de savoir combien elle était mauvaise)
il l'avait battue
mis fin à la danse macabre
(tué hamlet et ophelia)
il ne restait que nana
la vraie nana
celle qu'elle avait étouffée celle qu'elle avait tuée
(ressuscitée)

il la connaissait si bien
elle le connaissait à peine
((c'était un peu malsain))
elle avait voulu jouer à la jolie poupée avec lui elle avait sorti ses tasses assorties
à cinq heures
l'heure du thé
(l'heure des secrets l'heure de le démasquer)

je suis ravie de te recevoir, robert.
incisive politesse
fleurs sur la table
cadres vides de photos de familles
elle lui ouvrait la porte de son monde aseptisé de son monde sage fade creux
(à son image)