Un cœur défoncé, un regard ombragé d'un voile opaque, un fantôme à la recherche d'une part de soi-même qu'on lui a probablement volé, l'envie viscérale de se jeter à corps perdu dans des expériences aussi tumultueuses les unes que les autres; lesdites apostrophes le représentaient foncièrement. Il est yeux pétillants, joues fardées d'amarante, chair pâle rosie par les années. Même si ses yeux sont capables de larmes, ils restent de métal. Il a trop attendu main dans la main avec Satan on entend ses phalanges cogner contre les murs contre leurs tympans. Il a trop attendu et les miracles n'existent pas. Les miracles emmerdent Louis.
Il était beau. Peintre. Fin, pas très grand malgré les chaussures à talons compensés qu'il s'était mis fièrement à porter dès ses treize ans. Lui n'était pas très commun. Ses traits juvéniles et ses cheveux noirs contrastaient avec les tatouages sur sa nuque et sur ses phalanges. Louis essayait tant bien que mal de casser cette image lisse et nette qui collait à sa peau diaphane, espérant qu'on ne se moque plus de ses fossettes de gamin, de son squelette de porcelaine, ou encore de ses petites mains. Il avait du talent, beaucoup de charme. On aimait ses œuvres, ses « portraits décalqués » comme il disait ; avant lui, on ne pensait pas être capable de se sentir en sécurité auprès d'un homme. Un beau salaud. Un bel enculé. Ses pantalons noirs contrastaient avec sa peau rubiconde, tout comme les mèches qui tombaient devant ses grands yeux hâlés et les tâches de peinture qui s'éparpillaient dans son cou. Il était un putain d'idéal, une perfection négligée.
Parce qu'il est une ordure, il est une bouteille à moitié amorcée jetée brutalement sur le sol, il est le cri assourdissant d'une rage indicible. Il est un éveil réitéré, il est les arrière-goûts continus se cognant contre les parois de doigts qui tremblent. Il est un ixième verre d'alcool, il est une dixième cigarette, il est un rire innocent, il est une danse sous des néons bleus. Il est un baiser avec un inconnu, il est une main l'une dans l'autre. Il est un putain d'SMS auquel on ne veut pas répondre. On se lasse de Louis comme on se lasse d'une chanson.
Parce qu'aujourd'hui ce n'est plus drôle. Il a grandi. Il a vieilli. Il a perdu son innocence, sa naïveté et s'il en reste encore à l'intérieur de lui-même sans qu'il ne le sache, c'est que la vie est encore plus cruelle qu'il ne le pensait. Il a l'impression que sa tête pétille. Il a l'impression de ne pas sentir vraiment complet. Il y avait quelque chose de fétide dans une existence aussi cicatricielle que la sienne. Il restait éveillé tard pour écrire, il écoutait toujours la radio, il criait parfois dans sa chambre et il restait pendu à sa fenêtre durant des heures. Il pleurait trop souvent en se couchant, il était triste. Déçu. Louis n'était plus.
Parce qu'au final on s'en fout, on ne sait pas, on ne sait rien – on pense le tenir au creux de nos mains, on pense vouloir lui décrocher la lune et lui dire que « tout va bien. » On n'oublie guère son nom, son visage, son rire. Pathétique. Oh bordel, il aurait aimé être pathétique. Avec ses rires aux éclats et le vif accompagnement sur le clavier de ses dents, ses mèches d'ébène qui tombent sur son front craquelé, son sourire doux et sa bouille angélique ; il les fixe ardemment, toujours les sourcils froncés. Un voile pâle, une peau qui s'avère éthérée, poupine. Des lèvres roses et pleines, des yeux mordorés écarquillés irrémédiablement rouges et tristes. Avec sa sale gueule d'ange.
Il s'empêche de ressentir quoi que ce soit alors qu'il est éclaté en mille morceaux à l'intérieur. Lasse de vivre, ayant peur de mourir, pareil à un oiseau qui cherche à s'enfuir. Louis est muet, Louis est juste anéanti. Il est devenu méchant, odieux, crâneur, connard. Il voulait juste faire homme. Mais il n'a plus le goût de la survie, la vie lui paraît si démolie. Tous les bouts de ses cigarettes étaient rouges, il les fumait toutes comme si c'était ses premières. Eux ils brillent avec leurs lumières un peu passées et lui il croule, comme une sale étoile qui ne sait plus comment s'allumer.
Il a perdu le contrôle. Il se sent étanche au monde et au quotidien parce que le matin quand il se réveille et le soir quand il se couche quand il marche quand il sanglote quand il s'assoit dans le bus à côté quand il éteint les lumières pour aller dormir quand il conduit, il se dit en permanence, en permanence qu'il ne sera jamais assez bien qu'il ne sera jamais meilleur qu'il ne sera jamais plus que les autres.
Auréolé pour ses idées bistrées. Désolé effondré affalé ignoré,
et ça ne fait que l'
affoler.19.6.15I dropped my camera on the street while walking to work,
seeing a sweet seraphim with leafy eyes and sharp, chiseled cheek-bones. He was sculpted by Greek godheads.
He looks so
unhappy.
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6.9.94genoux, égratignés. joues, rosées. sous-vêtements, abîmés. parfum, altéré.
ongles, rongés. nuits, mouvementées. rêves, déchirés.
esprit, tourmenté. vie, écorchée.
vision trouble, regard vide, poing serré, gorge nouée, épaules lourdes, pensées creuses, idées noires.
plus rien n'avait de sens après
ça.