Conte de fée ou d'horreur, parfois, il ne suffit que d'un pas pour que l'un et l'autre se rejoigne dans une harmonie étrange, bancale. C'était le cas, pour cette forêt, avec ces troncs noueux, branches recroquevillés sur elle-même, d'où s'élevait l'odeur musquée des pins et les embruns pluvieux des dernières intempéries. Il s'y passait des choses étranges, singulières et rares. Cas surnaturels, épouvantes d'esprits forestiers, murmures lointains, de voix échoués, échos perdus dans les entrailles boisées de ces prairies centenaires. Là où d'autres auraient pu se sentir horrifié, pris de panique en attrapant leurs jambes à leurs cous afin de partir à toute vitesse, Skar y ressentais un calme bienveillant. Une accalmie face à l'agitation déconcertante du reste de la ville. Il suffisait de tendre l'oreille pour y prêter l'attention, se rendre compte qu'il n'y avait pas seulement un silence tragique envahissant la forêt.

Mais le souffle même de vies ancestrales, prenant leurs racines, afin d'y grandir, prospérer. Un refuge, le berceau de psychés mirifiques s'élevant hors de leurs coquilles évanescente afin de prendre leur appartenance dans un monde où la réalité se trouvais être tangible. Protecteurs anciens, gardiens d'immortalités vaines, certains s'épanouissaient dans cette condition, ne se trouvait pas être sous le joug de quelconques diktats imposés par leurs propres coutumes. Mais Skar n'était pas de ceux là. Sa propre liberté trouvait son refuge dans sa solitude et c'était aussi bien comme ça. Pas de regards en biais, pas de conditions imposés, pas de fardeaux, de responsabilités. Les anciens diraient qu'il n'était qu'un sale petit morveux, ou bien qu'il ne faisait que refréner ce qui dans peu de temps, allait être son destin. Mais un félin, même munis d'une paire de chaîne pieds et pattes, gronderait, feulerait toujours afin que l'on l'en libère.

Il était comme elle. La rumeur, le vent dans le bruissement des feuillages s'entrechoquant, des pas remuant, battant la terre dans son sillage. Une fée disait certains, un esprit rôdeur, la conscience physique d'une forêt endormie. Le murmure fantomatique d'une légion de branches et de bêtes sauvages. Lui, il n'en croyait pas un mot. Ça avait même tendance à le faire doucement rire. C'était bien plus pire qu'une bête sauvage. Un esprit frappeur, une sorcière échouée dans les fins fonds sereins d'une nature silencieuse. Et pourtant, il était là, avec ce sac plastique entre ses mains, cette cibiche dans l'autre pourfendant ses lèvres de sa fumée âpre et de ses braises rougeoyantes. Ses orbes ambrés se posant tout autour de lui. Dans le crépuscule naissant, il pouvait à peine apercevoir les quelques rayons solaires franchissant la canopée pour atteindre sa silhouette rongée par les ombres.

Il se doutait bien que cette vieille chouette devait certainement déjà le surveiller depuis un temps. Il avait l'impression d'être testé lui et sa patience inexistante, le froncement revêche de ses sourcils, de sa mine renfrognée et farouche. Un soupir franchis ses lèvres et il agita le sac remplis de sachets de thé vide comme un appât pour la bête.

« — Allez, Sauge. Ramène-toi, j'ai acheté tes sachets de thé. »

Si quelqu'un le voyait ici. Seul, parlant à des arbres sous la naissance de l'astre lunaire blafard, on le prendrais pour un fou. Mais ne l'était-il pas déjà ?