histoire
Il ne fallait pas lui en vouloir. Il faisait tout ça pour la thune. Pour vivre. Expirer. Inspirer. Pour ne pas pioncer dans la dèche. Ressentir un semblant de liberté, l’argent entre ses doigts fermes, caressant la paume glaciale de sa main. L’argent calé dans la fente de son pantalon rêche. L’argent tiré du canon de son flingue. C’est pour payer sa place en enfer, qu’il dit. Payer sa vie.
Payer les morts,
avant d’en faire partie.
Il fait comme tout le monde ; il parie avec la chance. Il ne faut pas lui en vouloir. Chacun se débrouille. Chacun son lot de misères. Il n’est pas pire qu’un autre. Seulement plus résigné ; asséché. L’amertume du café le rattrape et s’enlise dans ses veines. Le gris de la pluie imprègne ses iris, décor morne. Paysage flou. La dégénérescence le rendra invalide. Et ses matins se font toujours plus sombres. Sans aurores et sans aubes, avec pour seule compagnie la présence du vide. Alors il fait tenir une sèche entre ses lèvres tièdes. Comme l’automne. Comme l’amour. Il laisse errer dans l’air une volute gracile, cajolant le plafond de sa piaule avant de mourir entre la poussière et les ampoules jaunes. En dévisageant l’horloge de sa chambre, il réalise le temps qu’il perd à traquer des gens plus riches que lui.
Plus riches d’amitiés.
Plus riches de chance.
Plus riches d’amour.
Plus riches de reconnaissance.
Plus riches de tout.
(Et de rien)
Il réalise ô combien la vie lui manque quand il étend le linge propre sur la corde ; quand il sort le clebs de son voisin ; quand il dilapide le cash dans les stimulants ; quand il se prend une châtaigne en voulant bâcler l’entente ; quand il trimballe de l’argent sale pour un sale type ; quand il renfloue ses réserves de surgelés ; quand il erre seul (la nuit) pour oublier ; quand il ne sait plus sur quel pied danser ; quand il ne lui reste plus que la sonnerie du cadran pour lui rappeler qu'il est vivant. Ellis ne sait plus depuis combien de temps tout cela dure. La tête renversée sur l’oreiller, il essaie de se souvenir d’un rire. La dernière fois où il a picolé pour rigoler. Où il a exposé ses tripes aux yeux de tous pour un sentiment abstrait et chiant. Mais Ellis ne se souvient de rien. Dans sa tête, son esprit, les coups pleuvent comme l’eau sur la fenêtre de sa chambre. Une misérable histoire inutile à relire, des pages entières noircies à l’encre des maux, un mal-être trop profond (trop aigri) pour se laisser dorer sous le soleil chaud des amours d’été. Il y a de ces vies qui valent la peine d’être vécues. Et d’autres qui n’attendent qu’à s’effacer au rythme du temps.
La tienne, Ellis, nage entre les deux. Un soupçon d’adrénaline qui fait pulser tes tempes pendant que tu pourchasses tes commandes. Un soupçon de rage intuitive qui fait valser ton corps entre la nuit et le jour. Puis il y a tout ce qui entoure les risques du métier. Te faire oublier et faufiler ton ombre à travers les rues. T'assurer du silence. Survivre et espérer que le lendemain sera mieux.
Il faut t’y faire, mon frère. Repartir à zéro. Blanchir l'histoire. Et changer l'avenir. Ellis a tout détruit ; les bruits, les images, les sensations. Il ne reste que le goût de la trahison et le frottement du verre contre sa peau. La liberté ne lui a jamais semblé aussi merveilleuse. Ça lui va, servir l'Union et arpenter la ville en quête de pitance. Il se campe bien dans le rôle.
Il ne faut pas lui en vouloir, c'est ce qu'il avait de mieux à faire.
Se lever
Et
Tomber.
Tomber dans le ciel, se noyer entre les étoiles. Chuter vers les nuages en écoutant le bruit de la pluie. Et respirer doucement, les mains dans le vide, le cœur au bord des lèvres. Au fond, Ellis suit le cours des choses, loin (trop loin) pour s'y raccrocher.
Ellis est fait de chair maculée de sang. Le voisin, ton chien, le commis. De bouts de papier et d'échanges électroniques hétéroclites. Quand on ne demande pas ses services ; Ellis n'existe pas.
Tout comme il n'était rien qu'un enfant abimé auparavant.
Mom. Dad.
J'ai faim. Donnez-moi un câlin.
De l'eau fraîche.
Mom. Dad.
Je suis tombé dans le jardin.
Je suis tombé ce matin.
souvenirs effacés
Nom
wittenberg.
Prénom
elliot.
Avatar
hauru (howl) - le château ambulant.
Nationalité
américain.
Occupation
membre de la pègre de Chicago.
Un millier d’éclats contre une brûlure.
La poudre de canon parfume l’air.
Et les oiseaux claironnent sur le fil.
Qu’as-tu fait Elliot ?
La tête renversée, l’esprit disséminé,
Plongé dans la brume.
Qu’as-tu manqué ? Jeté ?
Le flanc amputé, l’âme à vif
Le verre scintillant
Les alcools légers s’égarent
Des psychotropes dilués,
Tu dévisages l’espace, hagard
Qu’as-tu fait Elliot ?
Avec la bouche ouverte.
La parole absente.
Qu’as-tu cherché ? Trouvé ?
La plaie béante, abondante
Et le sang caresse la blancheur de ta peau.
Un millier d’éclats contre une brûlure.
La poudre de canon parfume l’air.
Et les oiseaux claironnent sur le fil.