j'étais de ces gamins qui ne foutent rien mais qui restent les chouchous du prof parce qu'ils argumentent en cours - même s'ils ne savent rien, captant ainsi toute l'attention et ne laissant pas ceux qui en ont vraiment besoin l'ouvrir. j'étais de ces attention whore qui vous font hésiter quand vous vous apprêtez à lever la main ; vous vous torturez à vous demander si c'est la bonne réponse parce que, si c'est la mauvaise, je n'hésiterais pas à me moquer et à faire rire toute notre classe d'hypocrites.
j'étais démasqué parce qu'un doute s'était formé dans la tête de cette professeure d'histoire de l'art, un doute qui était rapidement devenu une certitude - ma culpabilité étant devenue évidente lorsqu'elle avait décidé de garder un oeil sur moi,
j'étais l'épine.
je pourrissais cette classe de l'intérieur, jusqu'ici personne ne s'en était rendu compte parce que j'avais ce talent certain pour agir dans l'ombre et faire tomber les autres à ma place ; tout ça dans le but d'attirer un tant soit peu l'attention sur moi, sans avoir à me mutiler. bien sûr je n'étais pas au courant de mes petites manigances je ne savais pas vraiment tout ce qui se passait dans ma tête. l'important, c'est que ma ruse qui n'en était pas une avait marché,
j'étais démasqué
et que quelqu'un m'est percé à jour me réjouissait et m'enrageait à la fois, vous comprenez j'ai une peur phobique de me noyer alors j'aime avoir le contrôle de la situation et cette professeure, madame passerini, était pour moi comme un énorme requin blanc avec lequel j'étais tombé nez à nez dans les profondeurs de l'océan au détour d'un couloir. elle m'avait souri de toutes ses cinquante-deux dents et, avant de me dévorer, avait demandé à voir mes parents.
j'ai aussi la phobie des requins.
entrezinutile de préciser qu'ils n'étaient pas venus. mes organes se tordent à l'intérieur mais à peine suis-je entré que j'affiche déjà un sourire lumineux.
bonjour je voudrais être n'importe où sauf ici, mais je n'en laisse rien paraître. je voudrais disparaître.
elle expose mes crimes d'un ton glacial, on se croirait au tribunal. je me sens emporté par une vague de reproches et je n'ai pas la capacité d'éprouver de regrets pour la contrer. plus trop espoir, c'est un euphémisme. néanmoins, j'aime sa façon de penser ; elle ne me dit pas "essaye", ni "tu peux faire mieux" elle préfère m'enfoncer. la suite est moins réjouissante et je baisse la tête pour regarder mes pieds, histoire de donner l'illusion d'en avoir quelque chose à foutre de ses histoires de rendez-vous.
c'est que mes parents ont l'habitude de me voir échouer, madame, aucun d'eux n'a voulu venir pour qu'on lui dise encore une fois que je suis un bon à rien. ils le savent. un rictus m'échappe et je lève les yeux vers elle pour voir dans son regard si elle cherche encore à lire entre les lignes.
vous pouvez les appeler, ils vous diront qu'ils étaient occupés. ils vous diront qu'ils n'avaient pas le temps d'assister au désastre que j'étais.