two souls in a corpse
Comme une vipère dans son antre elle se glissait entre les étagères de la petite librairie, caressant de ses doigts froids les couvertures luisantes des ouvrages qu’elle rangeait.
La semelle de ses chaussures claquait doucement sur le parquet au rythme de son pas vif et agité ; elle s’engouffrait dans les rayonnages en ouragan aveugle, profitant de l’accalmie pour mettre de l’ordre dans sa boutique pleine de trésors.
Intarissable frénésie.
Parfois trop peu accaparée par ses tâches mécaniques elle se laissait aller à vagabonder. Son esprit souvent revenait à Mona ces derniers jours, ces dernières semaines, ces derniers mois. Il n’y avait que
Mona
Mona
Mona
Echo dans son crâne, trou dans sa poitrine.
Mona son reflet dans le miroir du temps.
Quand Nana pensait à Mona son cœur se serrait sans qu’elle sache pourquoi.
Elle se remettait au travail pour se détourner de ces souvenirs qui n’étaient pas les siens et qui la blessaient pourtant. De ses mains tremblantes elle ramassait les livres posés ici et là par les quelques clients de la matinée. Ses gestes étaient flous. Sa vision aussi.
Mona l’accaparait.
Elle ferma ses paupières pendant un instant qui lui parût une éternité.
Le tintement cristallin de la clochette de la porte la tira de sa torpeur. D’une voix paisible elle souffla un
bonjour discret alors que le visage de Mona se faisait plus lointain.
Un instant elle regarda la cliente errer entre les rayons pour se détourner des souvenirs fantomatiques qui la hantaient parfois.
De ses orbes clairs elle la voyait fureter au détour d’un rayon, à la recherche sans doute d’un ouvrage bien particulier noyé dans cet amoncellement de titres. Doucement Nana s’approche d’elle, un léger sourire dessiné sur ses lèvres pâles.
Vous cherchez quelque chose ?qu’elle demande de sa voix légère. Visage solaire, iris pétillants, joli masque qu’elle porte, Nana, en représentation aujourd’hui comme chaque jour de sa vie.
ft. solal