名前はまだ無い。Moi qui suis un chat, je naquis lors de l’une de ces froides nuits d’hiver qui glacent le sang et engourdissent les muscles, arrachant le corps à l’emprise de la volonté et le laissant souillé par les rudesses de la vie. Mais contrairement à ces créatures grouillantes qui se sont donné le nom d’homme, je n’eus pas à user de supports extérieurs pour contrer le froid et fus à même de survivre sans problème. En effet, ceux-ci ne commencèrent que plus tard, lorsque je dus finalement me frotter à l’âpre vie de chat errant, se devant de trouver par lui-même de la nourriture au sein de ces absurdes espaces bétonnés où il est impossible de se saisir correctement d’un gibier encore vivant, non pas parce qu’il est inexistant, mais parce que mes papilles félines furent titillées par des mets autrement plus délicats.
Il est des gens qui ne sont pas conscients de leur propre place dans le monde et, se fourvoyant, ne vous accordent pas ce à quoi vous avez droit et, au contraire, vous chassent sans un seul instant se remettre en question. Ces humains qui appartiennent à la race des bouchers en font partie. Ils engrangent d'énormes quantités de victuailles et, au lieu d'avoir la présence d'esprit de constater qu'il ne pourront tout simplement pas tout dévorer à eux seuls, les gardent jalousement. Pourtant, la nature les a fort bien dotés, les rendant capable de sélectionner de créer autant de viandes délicieuses. Malheureusement, elle a juste oublié de les doter d'un cerveau, ce qui entraîna souvent de ma part une pitié pour eux. Celle-ci se traduisit par des efforts supplémentaires de ma part pour ne pas trop entretenir leur courroux en me faisant plus discret lors de mes repas, mais même ça ils ne me l'ont jamais repayé.
Lorsque j'étais encore jeune, je fus confronté à des problèmes de même ampleur en tentant de m'installer de manière bien douillette à un endroit où l'on ne risquait pas de se réveiller les poils trempés par la pluie, nous alourdissant inutilement. Cependant, être tranquille n'était pas possible. D'aucuns n'avaient pas l'air de comprendre que l'espace appartenait à tout le monde et que moi, chat, après avoir négocié le droit de me couler douce à cette endroit avec mes confrères, disposait
de jure de la possibilité de somnoler en paix. Sauf que non. Soit on refusait que j'aille dormir à l'endroit où j'avais jeté mon dévolu soit des mains grouillantes et moites venaient se frotter à mes poils, me procurant certes d'agréables sensations mais m'empêcher par là-même de me ressourcer correctement. Il y a un temps pour tout, et cette espèce ne sait pas le reconnaître. La preuve : ils ont besoin qu'on leur donne avec précision l'heure qu'il est pour pouvoir faire ou planifier quoi que ce soit, c'est risible.
J'ai beau me plaindre, je les aime bien, ces serviteurs qui s'ignorent. Même si j'apprécierai un peu plus d'effort de leur part. Ce sont eux qui stockent ce dont on a besoin. Eux ne peuvent se débrouiller sans s'encombrer de vêtements et de gadgets. Nous, on est là et on a juste à profiter, à se servir, et à ne dépendre de rien. De là, il est aisé de déduire une relation de supériorité mettant l'espèce féline au premier plan - relation qui n'est jamais évidente pour un humain, ce qui prouve leur bêtise. Vous l'aurez sans doute déjà compris mais j'ai toujours été fier d'être un chat. Chose qui, étrangement, s'est vue être bouleversée sans que je n'eusse pu le soupçonner alors que je faisais grâce de ma présence à l'un de mes lieux préférés et que, sous l'effet de la curiosité, je mis le bout des moustaches dans un placard.
Comprenez-moi bien, l'intérieur d'un placard est une sorte de cave aux trésors. On ne sait jamais ce que l'on va y trouver mais on est néanmoins en mesure de prédire que ça a des chances d'être soit douillet soit cassant. Si c'est douillet, une sieste à l'improviste devient généralement possible puisque l'un des autres avantages d'un placard est qu'habituellement personne ne va dedans. Et si c'est cassant, il est possible de faire tomber l'objet en question et de regarder avec intérêt ses morceaux se répandre sur le sol et voler à travers la pièce. Une fois l'acte fait, de nouveaux jouets apparaissent généralement sur terre et l'on est également en mesure de voir ces humains s'agiter dans tous les sens et s'exciter, ce qui est plutôt drôle - si on se sait à l'abri. Ceci étant su avec certitude, ce placard auquel je n'avais jamais vraiment accordé la moindre attention m'empêcha sciemment de l'ignorer plus longtemps en me tentant avec son eldorado.
[...]
Dans certaines croyances, les cycles successifs de réincarnation qu'une âme peut traverser doit pouvoir lui permettre de s'élever vers une existence qui lui est supérieure. Une telle vision de ce phénomène est probablement la meilleure puisque ce qui n'était auparavant qu'un être humain a apparemment réussi à se hisser au sommet de la chaîne alimentaire en devant un chat. Et ce chat, c'est moi, ce qui rend l'exploit encore plus significatif qu'il ne l'était déjà. Avoir des souvenirs qui entrent en contradiction avec ma nature actuelle ne change strictement rien au fait que, par dessus tout, je suis actuellement un chat. La différence qualitative d'une telle découverte, malgré l'intérêt que celle-ci a, est minime. Du moins, c'est ce que l'on aurait pu croire
a priori. La réalité ne correspondant, en fait, pas à un tel modèle.
Parce que, si être au dessus des humains est une évidence, être
théoriquement au dessus des autres chats était une découverte. L'important ce n'était pas tant les souvenirs que les connaissances auxquelles ils permettaient d'accéder, le savoir qu'ils procuraient sur le monde en général, expliquant pourquoi les humains agissaient aussi étrangement et comment l'étude des déformations structurales d'un composé solide peut être effectuée à travers le calcul d'un nombre de coordination effectif et en le comparant au nombre de coordination de Pauling qui s'appliquerait au polyèdre régulier correspondant. Ça et le pouvoir de communication.
En plus d'être un chat sachant des choses, j'étais devenu en mesure de les transmettre non seulement à mes éminents confrères félins mais également à ces humains si nombreux - et qui avaient besoin de ces connaissances. Non seulement les manipuler pour obtenir ce que l'on en voulait devenait plus simple mais établir une relation concrète de supériorité
via la transmission de savoirs d'un professeur à ses élèves, ce qui permettait de conditionner ceux-ci à prendre soin de moi - et accessoirement des autres chats, - venait d'entrer dans le champ des possibles. Ah et aussi la possibilité d'accroître ses relations amicales et de disposer de moyens sûrs pour obtenir quelque chose de correct à manger.
どこで生れたかとんと見当がつかぬ。Dans sa vie d’antan, James était un humain. Si ses souvenirs quant à celle-ci ne sont pas très précis, il a néanmoins une connaissance générale et suffisante de la société humaine, en plus de savoirs plus précis généralement liés aux sciences de la matière. Après tout, il était professeur de chimie et ça, il s’en souvient. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles il a décidé de reprendre ce métier maintenant qu’il en a les - douteuses - capacités.
Mis à part ça, il semble se souvenir de l’existence d’une certaine personne, un peu trop insistante, peut-être ? C’était une fille, ça il en est sûr, mais il n’en sait pas beaucoup plus et, au fond de lui, quelque chose lui dit que ce n’est pas vraiment un souvenir qui lui serait agréable, loin de là. En effet, si les réincarnés semblent généralement avoir des histoires que peu envient, ce sentiment bizarre qui le serre et l’empêche de maintenir son calme lorsqu’il y pense doit exister pour une raison.
Des images, des mots, des voix se succèdent dans son esprit. Mais il ne les recherche pas particulièrement. A la place, il se contente d’essayer de faire tenir ses dix huit heures de sommeil par jour dans son emploi du temps - et c’est déjà bien assez difficile sans se soucier d’autre chose que les cours et la nourriture.
derrière l'écran
Je suis un nekocat qui passe ses journées à se dorer au soleil. Sinon, de temps en temps, je baille et je mange. Avouez que ça serait bien, hein ? Mais non. A la place, je me coltine la place d'étudiant de 21 ans, attiré par tout un tas de sujets tous différents et aimant bien rester chez moi parce que c'est confortable et que j'y suis bien au chaud.