Elles accouchent brusquement d'enfants qui n'ont que le temps de mourir
@"alpha jet"
père, mère, soyez fiers votre fils est un soldat. je baigne dans le sang et dans la violence, le froid nous ronge et nous rendent faibles.
le soleil des étés me manque et j'ai l'impression que j'aimerais entendre vos rires et vos douceurs contre tout ce qui m'appartient. prenez mon cœur, mes yeux ou ma bouche : ils me sont inutiles face à cette inhumanité.
plus de larmes et de sang que d'eau pour s'abreuver, les heures les plus arides dans les champs semblent maintenant être des doux songes- des rêves que je me remémore pour vaincre la peur des nuits les plus profondes.
j'aimerais vous dire tout cela, j'aimerais te dire tout cela john- comme je t'aime et que tu m'es précieux, mon ami de l'horreur.
au delà de vivre- survivons ensemble.
john, tu es beau et tu es fort- john tu es important et j'ai peur que tu meurs avant moi.
comment ferais-je, dis ? si tu venais à nous quitter sans m'emmener avec toi ? avec qui jouerai-je aux cartes ? tu n'as pas le droit, car on s'est promis- et même si je n'ai pas envie, cela arrivera peut-être. alors j'ai déposé dans ton cœur mon ami des serments pleines de sens : nous prendrons soin de l'aimée de l'autre si au bout du tunnel il n'en reste qu'un seul, nous ne pleurerons pas sur la tombe de l'autre.
père, mère, soyez fiers votre fils est un soldat.
cette nuit, tout a cessé- tout le monde est fatigué et les foyers manquent.
cette nuit, c'est noël et nous sommes loin de nos proches. au final n'es-tu pas celui qui tient au mieux mes tripes et mon esprit, au delà de mes liens du sang ? à force d'y baigner ensemble, nous sommes sans doute devenus frères.
amants de la guerre et de la patrie- nous n'avons plus de réponse de cette dernière, consolons-nous dans les bras insistants de la terre.
j'ai faim de tout- faim d'exister, faim d'aimer, faim de rire et faim de pleurer- assis à côté de toi, là, dans la tranchée je me demande à quoi bon si tu n'es plus là.
si tu disparais, si tu donnes ton corps aux ennemis et aux rats, je ne te pardonnerais pas- ou dans ce cas retrouvons-nous au paradis pour une dernière accolade.
la mort entre les lèvres, elle ne me fait plus peur car elle est partout- ici et là, dans nos cœurs et sous nos pieds : elle grouille et infeste tout ce qu'elle trouve.
je prends une bouffée qui me réchauffe et te propose entre deux doigts terreux
t'en veux ?
je partagerais ma dulcinée, mon foie (ma foi) et ma mère s'il le fallait- alors une cigarette ce n'est rien.
j'arrive pas à réaliser qu'c'est noël, z'auraient pu faire un effort pour faire un repas d'fête quand même.
plaisanterie amère je cherche ton regard dans le mien, je cherche les traits de ton visage pour me rappeler que j'en possède encore- je ne suis pas un soldat sans visage, je ne suis pas une cible à abattre.