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Une vie serait vide s'il n'y avait pas de douleur || Earl Grey
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Mer 13 Déc 2017 - 23:45
Une vie serait vide s'il n'y avait pas de douleur
Douleur. Alors que tu avances, tu peux la sentir te traverser comme une brûlure sur tes jambes, bouffant ta peau puis en s’incrustant dans les pores de cette dernière, rongeant tes muscles en remontant jusque ton dos en plantant ses aiguilles dans son sillage. Les dents serrées, tu t’arrêtes en expirant bruyamment. Le dernier combat mené était celui de trop. Une chute, puis une deuxième, tu as pourtant vaincue mais avec difficulté. Tout le bas de ton corps est pris d’une peine pour marcher, ton coccyx te coupe le souffle quand tu te baisses de trop et le goût métallique de ton propre sang s’impose dans ta bouche. Rien de cassé, tu en es certaine, mais tu vas devoir te ménager pour les prochains jours.

L’heure inconnue, seule la lumière des lampadaires indique qu’il est trop tard pour rester éveillé. Ou trop tôt pour se réveiller. Le froid te mord la gorge et tu reprends ta route en gémissant, grimaçant sous la contrainte de devoir aller le voir. Erreur était la pensée d’être tranquille après le défoulement de tes poings. Tu y arrives, ce quartier trop beau et riche pour une personne comme toi. Non tu fais tâche avec ton apparence et la poussière de tes vêtements à force d’être au sol, tu n’as pas ta place dans le luxe de cet endroit fait pour les personnes qui réussissent. Tu rases les murs, tes yeux parcourent l’obscurité tandis qu’un frisson remonte le long de ton échine. Tu aimerais être plus rapide, mais l’image d’une tortue boiteuse te vient, tu te dis que tu dois être similaire à ça maintenant. Étouffant un juron, tu continues ta route en restant dans l’ombre, même si le noir te fait peur au point de devoir parfois dormir avec de la lumière.

Tes sourcils se froncent quand ton souffle se transforme en buée, tu resserres ta veste contre toi face à la température basse que la nuit t’apporte, tes côtes te font légèrement souffrir et tu soupires. Décidément, les bleus se feront ressentir quand tu iras travailler.

Finalement tu la vois, la résidence illuminée de son chic et son élégance, endroit où vit celui qui te soigne quand tu es dans un état déplorable. Comme maintenant. Un pas, puis un autre, et tu atteints les boutons avant d’appuyer sur l’un d’eux presque sans regarder tellement tu as l’habitude. Tu remarques alors tes mains que tu n’as pas lavée après ton combat, une autre grimace se dessine avant de les frotter contre ta veste sombre. Non pas qu’elles soient très sanglantes, mais la poussière et le peu d’hémoglobine ne les rendent pas très présentables. Tu entends alors sa voix et tu réponds presque immédiatement.

« - Earl, c’est Wynnona… Désolée si je te dérange, je sais qu’il est tard mais… J’ai besoin de toi. »

Pas besoin d’en dire plus, la porte se démagnétise et tu l’ouvres alors en le remerciant rapidement. Ce n’est pas la première, ni la dernière fois que tu te ramènes à ces heures pour qu’il te soigne. En soi ce ne sont que des blessures primaires, celles qu’on peut se faire en se prenant des coups de poings ou de pieds de plein fouet, ceux qui coupent le souffle quand on les encaisse et qui procure cette rage de vaincre qui t’est tant caractérisée. Tu vas y aller plus que des bleus si tu continues Wynnona, mais ça tu le sais déjà. Tes cicatrices en sont une preuve. Tu appuies sur le bouton de l’ascenseur en adossant ton épaule sur le mur, presque aveuglée par l’éclairage du couloir. Vraiment pas un endroit où tu pourrais vivre. Le « DING » retentit, les portes s’ouvrent et tu t’engouffres à l’intérieur, les yeux fermés et appuyée contre la cage qui t’amène à l’étage voulue. Tu sors, tu regardes autour de toi avant de reprendre ta marche dans ce couloir familier, copie parfaite des autres avec les mêmes lampes accrochées aux murs, les mêmes plantes dans les recoins, les mêmes tableaux qui décorent. Horrible. Comment fait-il pour vivre dans un tel lieu ?

La porte te fait enfin face, tu toques légèrement pour ne pas faire trop de bruit, signe qui montre que tu n’es pas quelqu’un qui se veut vraiment imposante.

« - Earl ?... »

Même si ce n’est pas quelque chose que tu apprécies d’être soignée, tu dois bien admettre que tu serais dans de beaux draps s’il n’était pas là.
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Sam 16 Déc 2017 - 2:50

Ça ne s'arrête jamais vraiment, si ? Non. Le monde tourne encore et les murs s'étirent tandis que les ombres des meubles glissent sur le papier peint d'un blanc semblable aux couloirs d'un hôpital. Même quand Earl s'allonge sur son lit, même quand Earl ferme les yeux, il voit quand même les silhouettes des avions filer au plafond, entend le bruit des moteurs vomissant l'huile et la propagande nucléaire. Claude, Claude, qu'est-ce que tu as fait ? Qu'elles demandent les voix de sa tête. Claude, Claude, pourquoi ? Qu'elles répètent sans cesse, immémoriales, comme un vieux disque rayé. Ouais merde, Claude qu'est-ce que t'as plutôt pas fait, qu'il voudrait savoir Earl quand dans ses songes apathiques se dessinent ses pensées. Si le médecin dort si peu c'est bien parce qu'il est hanté. Putain de première vie.
C'est presque une délivrance quand le crissement strident de la sonnette l'extirpe de son demi-sommeil de névrosé. Ah oui, ça ne s'arrête jamais vraiment.

Le légiste fait tomber sa couette et traine des pieds jusqu'au visiophone. Son bâillement devient une flopée de jurons quand il aperçoit le minois gonflé de l'irlandaise. Celle-là ne manque pas d'air dis donc. L'idée de la laisser crever de froid sur son palier lui traverse l'esprit mais s'évapore bien vite quand il se souvient que même lui a prêté le serment d'Hippocrate. Il faut bien réparer les vivants de temps en temps... Quoiqu'Earl préfère la gratitude muette et tranquille des décédés. Ceux-là, en principe, il ne s'en occupe qu'une seule fois et c'est déjà bien suffisant.

▬ J'espère qu'au moins t'as gagné parce que t'as une sale gueule de merde. A-t-il raillé dans l'interphone avant d'ouvrir la grille, grand seigneur.


La porte est déjà entrouverte quand Wynona appelle timidement son nom. Elle a le ton d'un enfant qui a encore fait une connerie, d'un chien qui couine la queue entre les pattes. Tant mieux. Peut-être que cette fois elle aura compris.

▬ Entre. Ordonne-t-il en fermant le dernier bouton de sa chemise. Froid. Et il a beau avoir les vêtements repassés, ses cheveux longs détachés et en bataille trahissent sa sortie du lit. Ses cernes, quant à elles, ne disent rien car il a constamment l'air fatigué.

Le salon d'Earl est à l'image de son occupant. Lisse, impeccable et dérangeant. Sur un parquet parfaitement ciré c'est à peine si trônent une table et deux chaises qui semblent presque se battre en duel avec le canapé en cuir gris posé contre un mur, vierge, face à une bibliothèque quasiment vide où ont été rangés ici et là quelques manuels de médecine et une fausse succulente en pot qu'on lui a sans doute offert par dépit. Pas de photos, pas de télé, à peine un épais tapis noir, quasiment pas de décorations. C'est encore plus malaisant que les maisons témoins, les fausses chambres d'enfants des magasins Ikea. Il y a bien dans un coin, le perchoir de Missile, son faucon de compagnie, mais l'animal est cruellement absent car c'est Philomène qui l'a embarqué pour qu'il prenne l'air cette semaine. Et en l'absence du volatile, le dernier semblant de confort de l'appartement s'est envolé, ne laissant derrière que l'ambiance glaciale de cette salle de vie pétrifiée où Earl a rapporté l'odeur du désinfectant et la froideur de la morgue.

▬ C'est quoi le problème ? À part son teint ravagé de rage et de fatigue, à part ses mains salies par la gloire vermeille des combattants et sa démarche désarticulée, entend-il.

Sur le visage d'Earl se lit l'agacement. Mais ce n'est pas l'exaspération théâtrale et exagérée du quotidien qu'on devine dans son regard, mais bel et bien une irritation aussi glacée et tranchante que l'atmosphère de ses propres quartiers. Là où d'ordinaire, le médecin se serait lancé dans un sermon parsemé d'injures et de menaces, Earl n'a rien ajouté car il ne trouve pas les mots appropriés aux maux qui rongent Wynona au point qu'elle finit toujours par atterrir, là, dans son salon, nonobstant ses avertissements et son manque d'hospitalité. Elle est aussi terrible que lui à sa façon, rongée par ses propres démons, mais différemment. Il voudrait être assez magnanime pour ne pas la juger mais n'en trouve pas la force. Il se contente dès lors de sortir la trousse de premiers secours qui dans son cas tient plus de la valise et laisse Wynona s'expliquer toute seule pendant qu'il aligne soigneusement bandages, alcool à désinfecter et anti-inflammatoires.
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Dim 17 Déc 2017 - 2:13
Une vie serait vide s'il n'y avait pas de douleur
Pas très assurée, tu entres dans son appartement alors qu’il boutonne sa chemise, les cheveux un peu en bataille et ses éternelles cernes se dessinant sous ses yeux. La fatigue doit le hanter et toi tu l’extirpes du peu de sommeil qu’il peut avoir. Égoïste non ? Un peu. Tu baisses la tête alors que tu refermes la porte derrière toi et ton regard se balade sur ce qui t’entoure. Peu de décoration, à peine quelques meubles. Malaisant, ce n’est pas comme dans ton espace d’habitation. Non toi il y a trop de choses, des babioles et des romans, des livres traitant sur différents sujets, une télé dont la télécommande est portée disparue, des vêtements trônant sur un canapé qui te sert plus de lit que ce dernier qui n’a presque jamais été utilisé.

Non, chez lui c’est presque trop vide. Il prend la parole, te sortant de tes pensées décoratives et tu le fixes alors. L’irritation est présente dans son timbre et, coupable, tu détournes les yeux.

« - J’ai gagnée mon combat, c’est ce qui me vaut d’ailleurs ma visite chez toi. »

Tu restes debout, sans bouger. De toute façon, ce n’est même pas sûre que tu puisses t’asseoir sans y laisser quelques muscles au passage. Pourtant la fatigue et le besoin pressant de te poser envenime ton corps, tu fronces tes sourcils en sentant tes jambes un peu trembler, suppliant d’avoir du repos pour ne plus avoir à supporter ton poids. Tu ne peux exaucer ce souhait mais pour l’heure, tu t’arranges pour au moins t’appuyer sur son mur trop blanc et trop propre, adossant tes épaules dessus pour te soulager un peu de ce forçage qui dure depuis trop longtemps aujourd’hui.

« - Je suis désolée de t’avoir réveillé… J’te paierais un café à l’occasion. Et aussi pour tes soins. »

L’endettement ce n’est pas ton truc. Tu as toujours remboursée la guérison qu’il t’apportait même à ces heures perdues au milieu de la nuit. Soufflant sur une mèche qui te tombe sur le nez, tu reprends alors la parole d’un ton un peu plus sérieux. Et honteux.

« - J’peux plus m’asseoir. J’ai le coccyx qui me hurle dessus dès que j’essaie et mes jambes sont en compotes. »

Tu ne parles pas de tes côtes qui sont douloureuses ou même du sang qui nimbe ta bouche dès que tu la fermes, mais il n’est pas stupide. Il le remarquera forcément. Tu fixes un point invisible sur la bibliothèque, un des seuls livres présents sur une des étagères en ravalant sa salive ensanglantée. Tu as dû te mordre ou quelque chose dans le genre. Tu n’as pas assez serrée les dents Wynnona.

« - Merci au fait… De bien vouloir me soigner. »

Un minimum de politesse, l’air blâmable te sied à merveille. Les yeux baissés, les bras qui se serrent sur ta veste pour te cacher, tu ressembles à un gamin qui a fait une connerie et qui se retrouve face à un parent mécontent. Froid. Qui au lieu de faire le sermon se contente du silence comme seule expression à sa colère. Sauf que Earl n’est pas un parent, il doit avoir ton âge à peu près. Et pourtant le niveau de maturité n’est pas le même. Peut-être qu’en étant médecin, on se rend compte plus du danger qui nous fait face tous les jours. Combien de vie a-t-il sauvé avant de te connaître ? Tu te tortures toute seule, l’autopunition que tu t’infliges vaut toutes les remarques sur ton attitude dérisoire.

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Mer 20 Déc 2017 - 22:31

Gagner, gagner. Qu'est-ce que tu gagnes avec tes phalanges bleuies et tes cicatrices, sinon peut-être une excuse pour venir le faire chier au milieu de la nuit ? La vraie question c'est surtout de savoir ce qu'elle à perdre, Wynona.
Il grimace rien que d'entendre le mot « café ». Earl et la caféine ne font guère plus bon ménage depuis qu'il a overdosé. Franchement pas le moment le plus glorieux de sa vie.

▬ Je ne bois plus de café et je ne veux pas de ton argent, ni de tes remerciements. Répond-il sèchement en se retournant, une paire de gants en latex entre les mains. Elle sait très bien qu'il ne peut pas en pleine conscience la laisser comme ça, qu'elle devrait filer direct à l'hôpital. Mieux encore, qu'elle n'aurait sans doute probablement pas du se mettre dans cet état. Est-ce que ça vaut vraiment la peine de s'infliger tout ça pour trois minutes d'adrénaline et l'amour de l'hémoglobine  ?

Il écoute, la regarde de haut en bas sans rien ajouter, analyse, note mentalement. Qu'elle fait petite soudainement Wynona d'un coup malgré la balafre qui embrase sa joue et le le rouge sous ses ongles. Enfant sauvage du vieux continent mais enfant tout de même du haut de sa vingtaine bien entamée. C'est une drôle de force terrible et pourtant confuse qui se tient devant lui, baisse les yeux quand il la dévisage dépité. Elle a presque l'air fragile sous ses airs de durs mais Earl ne s'y trompe pas car elle serait sans doute capable de le foutre à terre en deux temps trois mouvements. Il s'étonne presque de la voir aussi penaude, la championne des arènes crasseuses du Fight Club, et se demande même si elle ne simulerait pas la honte pour mieux l'amadouer. Ça ne fonctionne pas vraiment, finit par le mettre plus mal à l'aise qu'autre chose car d'ordinaire personne ne le prend aussi sérieusement.
Alors ils se fixent un moment sans rien dire. Moment de gêne. On se croirait dans un mauvais drama. Bah alors, qu'est-ce qu'elle attend, plantée là ? C'est pourtant évident, non ? Merde. Elle l'oblige à briser le silence, lui casse les burnes jusqu'au bout puisque le Myosotis finit par ordonner :

▬ Enlève ta veste et ton pantalon, je suis médecin pas magicien je peux rien faire sans voir. Ah qu'il déteste ça. Ça sonne sale peu importe la froideur de son ton. Ça ne se voit pas car il se donne la contenance d'un professionnel mais il se sent un peu dégueulasse de dire ça à une nana qu'il ne connait presque pas dans son salon. Et même si son appartement a l'atmosphère stérile des hôpitaux, il n'en demeure pas pour le moins un lieu d'intimité.
Puisque ce serait vraiment, vraiment, bizarre - et mal convenu, de la regarder se dévêtir, Earl lui tourne le dos, file dans la cuisine où il attrape sa bouilloire qu'il remplit et allume tout en aboyant :

▬ Allonge toi sur le canapé si tu peux. Par contre je te préviens, si je pense que tu as quelque chose de cassé c'est direction l'hosto pour des radios. Sauf si elle veut marcher comme un pingouin toute sa vie. Jetant eau chaude et sachet de thé dans une tasse, il attache ses cheveux à la va-vite puis continue à meubler la conversation , histoire que ce soit moins gênant pour tout les deux :Bon bin puisqu'on en est là : thé, whisky ou vodka ? Ou les trois en même temps, je juge plus.

C'est pas parce qu'il vit seul qu'il n'a pas le droit de boire. Puis, quitte à la foutre en culotte, autant lui offrir un verre au passage, galant qu'il est.
Hors RP:
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Sam 23 Déc 2017 - 17:54
Une vie serait vide s'il n'y avait pas de douleur
Un soupir. Pourquoi faut-il qu’il soit si désagréable dans tes vaines tentatives d’être redevable ? Une moue se dessine, vite remplacée pourtant par un sourire narquois quand il te demande d’enlever tes vêtements. Oui c’est un médecin, normal qu’il doit examiner tes blessures pour pouvoir faire un diagnostic, tu sais très bien comment ça se passe, mais même si c’est déplacé, tu trouves ça amusant. Il paraîtrait presque pervers s’il n’était pas médecin. Mais tu obéis Wynnona, non pas que tu sois réellement pudique ou bien que tu ailles faire ta difficile au vu du moment. Il ne faudrait pas l’avoir dérangé pour jouer la Sainte Nitouche.

« - Très bien, j’espère juste ne pas finir à l’hosto, ça pue là-bas. »

Oui, les médicaments. Et la mort. Ton nez se plisse rien qu’au souvenir de l’endroit, cette froideur que les chambres dégagent malgré la chaleur que peuvent émettre les médecins ou les infirmières pour essayer de détendre l’atmosphère tendue en permanence. Savoir si l’on allait s’en sortir ou pas peut provoquer des réactions parfois extrêmes. On ne joue pas avec la vie d’autrui. Tu retires ta veste en y pensant, la posant sur le rebord du canapé, mais tu dois très vite réfléchir à la façon de faire de même avec ton pantalon. Sans avoir mal. Enfin, le but est surtout d’y parvenir. Tes sourcils se froncent, tu fixes le canapé alors qu’il est dans la cuisine en te proposant une boisson.

« - Euh… Je crois que j’aurais besoin d’un bon whisky. Merci. »

Au moins pour calmer la douleur que tu allais devoir endurer dans les prochaines secondes. Tu serres les dents. Aller, ça ne va pas faire aussi mal que les coups que j’ai pu prendre. Tes mains tiennent fermement le jean et au début ça va. Jusqu’à ce que tu doives te baisser. Juste au-dessus des genoux. Et là le drame. Une maladresse de ta part en essayant d’user de tes jambes pour faire descendre le vêtement tout seul, tu t’emmêles les pieds dedans avant de faire une belle chute sur le meuble dont les coussins amortissent ta chute sans pour autant ne pas avoir provoqué une vive douleur à ton coccyx. Un cri s’étouffe dans un coussin dont ta tête se prend en pleine face, tu es à plat ventre sur le canapé, le jean seulement jusqu’aux genoux. Les larmes aux yeux presque sous le choc, tu sens ton corps t’envoyer des signaux comme quoi il n’a pas apprécié du tout ce que tu viens de faire, même involontairement.

« - … Je peux plus bouger. »

Ta voix est à peine audible, couverte à cause du tissu qui t’empêche presque de respirer. Au moins tu es dans la bonne position pour qu’il t’examine. Non pas que ton boxer en coton en vaille vraiment la peine après. Tu retires le coussin de ton visage pour prendre une bonne inspiration et tu soupires.

« - Putain si j’ai quelque chose de cassée à cause de ce connard j’vais lui briser autre chose il va me comprendre ce sale… ! »

Tu fronces les sourcils, sentant ton sang bouillir de rage à l’idée qu’il ai pu te priver d’un plaisir aussi simple que de t’asseoir ou t’allonger. Tes yeux reportent leur attention sur Earl et tu te calmes presque sur le coup en remettant ta tête dans l’oreiller.

« - Désolée… »

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Jeu 4 Jan 2018 - 0:18

Il n'a même pas le temps de prendre une gorgée de thé qu'un bruit de chute molle suivi d'un cri à demi-étouffé lui parviennent aux oreilles. Le légiste lève les yeux au plafond, devinant pertinemment ce qu'il vient de se passer et sort la bouteille de Jack Daniel de son placard. Il empoigne un verre sans prendre la peine d'y ajouter les glaçons et revient vers la pièce principale en raillant :

▬ Franchement je te laisse cinq minutes avec les trois meubles dans la pièce et tu trouves le moyen de te battre avec mon canapé. Et si son ton est toujours bourru, il est toutefois plus léger comme si Earl était amusé. En plus tu perds, tu l'insultes et tu te venges sur mes coussins. Y'a pas de respect. Il trempe ses lèvres dans sa tasse pour cacher un sourire.

Ceci dit on peut dire que la maladresse de Wynona tombe - ahahahaha, à pic puisqu'elle a suffi à réchauffer un peu l'ambiance glaciale. Les silhouettes des bombardiers et leurs vrombissant moteurs de cauchemar se sont à présent évanouis, remplacée par cette saugrenue balafrée qui s'en prend à son mobilier. Tentant de ne pas s'attarder plus longtemps sur l'aspect comique de la scène, Earl déverse le liquide ambré dans son verre, le dépose sous le nez de sa patiente improvisée, puis enfile ses gants en latex qu'il fait claquer par réflexe avant de se souvenir que, merde putain, c'est un être humain encore chaud et vivant et pas un cadavre qu'il a sous la main. Enfin pas encore. Les gants c'est sûrement de trop. Et en même temps ça lui fait bizarre de se souvenir du contact tiède et souple d'un corps en vie sous le bout de ses doigts en comparaison à la rigueur paisible et indifférente de ses maccabés. Fais chier, il se rend compte qu'il est vraiment chelou à penser des trucs pareils. Peut-être que sa mère et Cosmo ont raison de lui dire qu'il devrait sortir plus souvent et socialiser. Mais il faut admettre que les vivants plus que les morts le fatiguent, peut-être autant que les fragments d'antan qui n'ont définitivement pas fini d'hanter ses nuits. Alors plutôt que de continuer à se prendre la tête, il s'assoit sur le rebord du canapé et explique :

▬ Tu as un énorme bleu en bas du dos. C'est jaune, violet et marron à la fois. S'il avait été à la morgue il aurait probablement dit dans son magnétophone quelque chose du style « ecchymose sur la partie dorsale inférieure, probablement provoquée par de multiples coups de poings ou de pieds portés avant le décès ». Mais puisque Wynona n'a pas rendu l'arme à gauche, il se contente de débiter : T'as pris un coup ou tu es mal tombée ? Je vais toucher pour voir si tout me semble en place alors évite de gigoter. Si t'as mal contente-toi de crier mais pas trop fort s'il te plaît ou mes voisins vont se faire des idées. Hashtag comment bien foutre le malaise à la Earl en trois chapitres. Enfin c'est ce qu'il ressent parce qu'en s'entendant il se trouve pas super rassurant. Qu'elles sont loin les années de médecine et les stages en hôpitaux parce qu'il a pourtant fait et vu bien pire. Cependant, de mémoire il a toujours été cruellement gênant avec ses malades. Les choses ne changent pas.

Inspire, expire, pro avant tout, ce n'est qu'un examen comme un autre. Seulement avec une nana pleine de poussière et de jurons qui voudrait probablement être partout ailleurs sauf ici. Ça tombe bien, lui aussi. Il tâte d'abord délicatement le bas de la colonne vertébrale, descend doucement, compte les lombaires par automatisme et s'assure qu'elles sont bien placées. Rien à signaler mais en même temps pour ce genre de choses il n'y a que la radio qui puisse trancher.

▬ Hum je pense pas que t'aies un truc de fracassé sinon tu serais pas arrivée jusqu'ici. Marmonne-t-il en se frottant un menton impeccablement rasé. Je vais appuyer un tout tout petit plus fort pour voir si t'as pas un oedème parce qu'à l'oeil nu c'est tellement moche, que j'ai du mal à déterminer si c'est gonflé ou juste dégueu.  Probablement un claquage ou un truc du style. Le muscle en a sûrement marre lui aussi qu'elle l'enquiquine. Dis quand t'es prête. Si elle veut vraiment son whisky c'est probablement le bon moment d'enfiler son verre.
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Dim 7 Jan 2018 - 4:24
Une vie serait vide s'il n'y avait pas de douleur
Tu ne relèves pas la tête mais tu sens pourtant, presque bien caché, l’ombre de son sourire quand il parle. Son ton est moins froid et quand tu redresses ton visage pour mieux le regarder, tu arques un sourcil en voyant sa tasse de thé qui peut cacher son expression. Tu pourrais parier à cet instant qu’il s’amuse bien de te voir ainsi. Mais ce n’est que supposition, hypothèse basée sur ce que tu entends, ce que tu crois percevoir dans son timbre. Alors tu soupires, haussant les épaules même si tu es allongée.

« - Moque toi ! En attendant ton canapé me laisse gagnante, alors ne dis pas que j’ai perdue ! »

Son meuble ne risque pas de répondre à tes insultes, muet jusqu’à sa destruction. Tel est le destin de tous les objets sans âme et sans conscience. Au moins la souffrance leur est inconnue. Il avance pour déposer ton verre d’alcool en face de toi et tu fixes le liquide à l’intérieur. C’est une mauvaise idée Wynnona, mais ce n’est pas ça qui va te saouler. Enfin, pas de suite du moins. Une grimace se dessine sur ton faciès quand tu entends les gants en latex, tu remets ta tête dans le coussin en te demandant bien à quoi ça allait lui servir. Il n’allait pas te piquer avec une aiguille non ? Tu n’as pas besoin de ça, si ? Mince, tu aurais voulue éviter ça. Eh merde, une piqûre sérieux… Putain. Mais non, il s’assoit près de toi sans avoir rien dans les mains, tu as tournée la tête pour vérifier et tu arques un sourcil à sa remarque.

« - Hm… J’ai reçue un coup. Ce con avait des chaussures de sécurité et n’y ai pas allé de main morte alors… Ça n’a pas fait du bien. Pas du tout. Après tant que t’appuis pas trop je devrais pas hurler non plus. Faudrait pas que tes voisins viennent pour tapage nocturne effectivement. »

Tu as un mince sourire car si jamais tu devais crier, ça ne serait certainement pas de plaisir. Aux dernières nouvelles, tu n’es pas masochiste malgré ce que peuvent en penser certains. Pas un mouvement de ta part alors qu’il pose ses doigts sur ton dos, les glissant sur le bas de ce dernier alors que tu poses tes yeux sur le verre d’alcool. Quelque chose te dit que tu ne vas pas tarder à le boire. Cul-sec même. Il reprend la parole et tu lèves alors le bras pour prendre la boisson.

« - Je prends ça comme une bonne nouvelle. Tant que je peux marcher c’est que ce n’est pas si grave. Après je vois pas mais je te fais confiance concernant le dégueu à regarder. »

Tu prends une grande inspiration et d’une traite, tu vides ton verre avant d’expirer bruyamment, sentant les frissons dû au whisky te parcourir le corps. Heureusement qu’il n’y avait pas de glaçon sinon ça aurait été pire. Tu grimaces et tu poses le verre avant de mettre tes mains sous l’oreiller, le serrant contre ton visage en prévision de la douleur qui risque d’arriver.

« - Tu peux y aller. »

Et tu fermes les yeux si fort que ça t’en donnerait un mal de paupières, tout comme ta mâchoire qui te signale que tu serres les dents avec un peu trop de pression. Tu es consciente que ça va te faire mal, alors autant se préparer.
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Sam 27 Jan 2018 - 23:16

Miséricordieux, Earl laisse à la jeune femme le temps d'engloutir cul sec son verre. Sa poitrine se soulève et retombe doucement quand il lance le compte à rebours :

▬ Bon j'y vais après trois. Un, deux... Et pas la peine de compter plus loin parce que c'est sur le deux qu'Earl appuie fermement sur l'hématome et vu comment le corps de Wynona se cambre, ça ne doit pas faire du bien.
C'était peut-être pas nécessaire mais au moins d'un côté Earl voit ses doutes confirmés et de l'autre ça apprendra à Wynona ce qu'il peut bien se passer quand on pénètre à trois heures du matin dans l'appartement du médecin légiste. Faudrait pas qu'elle se plaise chez lui histoire qu'elle assimile que son appart c'est pas la clinique pour bras cassés de la ville.

▬ Ça a l'air d'être un claquage ouais. Donc je vais nettoyer ça et te faire un bandage. Retirant et jetant négligemment ses gants au sol : Je reviens, bouge pas.

C'est pas comme si elle allait se carapater de toutes façons qu'il se dit en ricanant intérieurement avant de disparaitre dans la cuisine, non sans embarquer au passage le verre vide de sa patiente. Bruit du robinet, du congélo qu'on ouvre et de la glacière qui déverse son contenu, quelques pas jusqu'à la salle de bains et en moins de deux minutes la silhouette lugubre du médecin est déjà réapparue, une bassine remplie de glaçons entre les bras, sur laquelle il a jeté une serviette et le verre désormais rempli d'eau.
S'accroupissant près du canapé, il tend le breuvage ainsi qu'une plaquette d'Ibuprofen à l'irlandaise, place la serviette sur son dos et commence à y empiler de la glace tout en expliquant :

▬ Bon la bonne nouvelle c'est que ça nécessite pas de traitement particulier. Et l'autre bonne nouvelle c'est que tu as une excellente excuse pour glander tout le mois prochain. Prends-toi un abonnement Netflix ou une ps4 ou je sais pas quoi. Il sait d'avance que ça va ne pas trop lui plaire mais c'est pourtant la vérité alors il insiste tout en s'asseyant à même le parquet : Je vais attendre dix minutes que ça dégonfle avec la glace mais j'insiste sur le fait que tu ne dois absolument rien faire de physique pour au moins les trente prochains jours sinon tu risques la déchirure. Idéalement ce serait massage et rééducation chez le kiné mais on va dire que le fait de ne pas te faire éclater la gueule suffira. Il marque un court de temps de silence, l'air grave, puis conclut par une interrogation qui sonne cinglante, presque comme une réprimande :

▬ Pourquoi tu t'infliges ça Wynona ? S'il était vraiment médecin, il ne se permettrait probablement pas de juger mais Earl est légiste, pas généraliste alors voilà, il se permet de se mêler de ce qui ne le regarde pas car merde c'est vrai quoi, qu'est-ce qui peut bien pousser cette sauvage à aller se faire caillasser à coups de bottes ? Elle peut pas juste se mettre à fumer, glander sur Facebook et Twitter et trimer dans un job de merde juste dans l'espoir de partir en week-end comme tout le monde celle-là ?
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Mar 20 Fév 2018 - 23:39
Une vie serait vide s'il n'y avait pas de douleur
Tu t’es attendu à ce qu’il n’aille pas jusque trois. Tu le connais depuis le temps Wynnona, et aller jusque trois n’est pas son fort quand il doit faire quelque chose qui ne manque pas d’apporter une certaine douleur. Alors tu te retiens de hurler sur le coup, tu enfonces ta tête dans le coussin en étouffant ce hoquet de souffrance qui te brûle la gorge alors que tes poings se serrent. Tu passes en revu tous les jurons que tu connais, tu en craches même quelques-uns sur le coup en te cambrant tellement ça te fait mal.

« - Nom d’un chien ! »

Le reste, trop vulgaire, est prononcé trop rapidement pour qu’il puisse comprendre, mais il te connait aussi depuis le temps, il a donc conscience que ce ne sont pas des gentilles choses que tu cries presque. Il analyse un claquage et tu fronces les sourcils, te promettant de bien faire payer à cet enfoiré et ses pompes de merde. Tu entends ses gants tomber et tu le regardes en redressant la tête, tes prunelles émeraudes le suivent alors qu’il a prit ton verre vide, tu crois entendre un truc bizarre s’ouvrir et il revient avec un bac à glaçon accompagné d’une serviette et d’un verre d’eau. Il te tend ce dernier avec un médoc que tu crois bien connaître aussi et tu t’en enfiles un en vidant ensuite ton verre.

« - Sérieusement ? Un mois ? »

Tu tournes la tête alors qu’il s’assoit au sol, l’expression presque outrée et agacée. Bordel un mois à rien foutre ! UN PUTAIN DE MOIS SANS ME BATTRE ! Tu grimaces, mais tu sais qu’il a raison. Il ne faudrait pas que tu finisses handicapée ou autre parce que tu n’as pas su te tenir. Comme si déjà de base tu savais te contrôler… Tu serres les dents et tu restes silencieuse quelques secondes après sa question. Pourquoi ? Pourquoi t’infliges-tu ça Wynnona ? Tu soupires, tu ne bouges pas alors que tu sens le froid envahir ton coccyx, tu fais la moue comme une gamine qui veut esquiver ses conneries mais finalement tu te rends parce qu’il serait temps qu’il sache pourquoi tu viens chez lui à cause d’une baston.

« - C’est… C’est stupide, enfin… J’ai l’impression que ce n’est pas valable surtout. »

Trouver les mots, expliquer ces cauchemars. Juste ça dans un premier temps. Tu espères juste qu’il ne va pas plus te juger que ça.

« - En fait… Depuis que je suis très jeune, j’ai… J’ai des cauchemars. C’est toujours le même et… »

Et quoi ? C’est pour ça que tu te bats ? Parce que tu as des cauchemars ? Non, c’est pour une raison plus profonde, plus forte que tout ça. Seulement, elle t’échappe encore. Et tu ne sais pas comment gérer tout ça. Parce que tu ne guéris pas. Jamais.

« - Je… J’ai l’impression que c’est tout con mais. J’arrive pas à m’en débarrasser, j’arrive pas à gérer ça… J’arrive pas à vivre avec ce… »

Monstre. Un faible écho qui résonne dans ta tête, ces flammes qui t’entourent encore, cette chaleur qui te brûle la peau, qui annihile tes muscles alors que tu hurles. Monstre. Ces regards qui te jugent, cette injustice présente qui te bouffe le cœur… Tu secoues la tête. Rien que d’y penser, rien que de te remémorer tout ça… ça te donne envie de vomir. Ton estomac se noue quand tu revois tes mains devant toi, espérant que quelqu’un veuille t’aider. Ton cœur donne la sensation de grossir sous tes larmes qui coincent ta gorge alors que personne, personne ne te tend un doigt pour te sortir de là. Monstre.

« - Je ne suis pas un monstre non… »

Ta voix est plus basse, tes yeux fixent l’homme sans le voir alors que tes mains tremblent sous ton oreiller. Tu es comme une enfant qui a peur de la bête sous le lit, dans le noir le plus complet avec comme seule lumière celle de la lune qui éclaire la pièce.
Effrayée au point d’en pleurer.

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Mar 27 Fév 2018 - 0:17

Il croise les bras en inquisiteur silencieux et sévère et s’attend même d’avance à ne pas être satisfait par la réponse de l’irlandaise. Sans doute prépare-t-il déjà un grommellement désapprobateur mais c’est « Oh » qui s’échappe de sa bouche tandis que ses traits se radoucissent, frôlent même le visage de la compassion quand il reconnaît la même douleur que la sienne dans la voix timide et penaude de la jeune femme.
C’est le monstre, l’ombre du mot lui-même qui se dessine sur ses lèvres qui le fait frissonner, fissure un peu son armure, son bouclier de froideur et de mauvaise humeur. Monstre. Lui aussi en a un qui le hante au plus profond de ses entrailles, bien terré dans son cervelet. Des avions, des salles de poker, des billets de banque, des jugements de divorce et des missiles, oui des missiles.

▬ Je crois que je comprends… A-t-il murmuré, plus doux que jamais. Plus désolé aussi.

Il pose une main sur l’épaule de l’écorchée et cette fois ce n’est pas un geste glacé, méticuleux du médecin à la patiente mais plutôt du mec à la nana, de celui à celle qu’il croit enfin entre apercevoir sous les bleus et les égratignures, sous les airs de dur et les jurons. C’est elle qui a fait en premier tomber les faux semblants, les prétentions de ceux qui ont l’air d’aller bien, du moins, à l’extérieur, sans l’aide de rien ni personne. Mais l’intérieur, c’est comme chez lui. Vide, aseptisé, du blanc qui dévore tout jusqu’à l’obscurité. Un grand gouffre qu’on essaye de combler tant par le travail, la baston ou les tasses de thé, juste pour oublier, ne plus voir, tout ces monstres, ces chimères, ces fantômes qui hurlent et qui cognent silencieusement. Des cris et des coups dont ils reconnaissent sans les comprendre leurs châtiments amers et tous les petits bleus qu’ils laissent à l’âme, viennent fleurir les crânes à grands renforts de pleurs doucereux.

▬ Tu n’es pas un monstre Wynona. Proclame-t-il avec une assurance soudaine qui ne laisse aucune place au doute. Un animal blessé, une fille torturée, oui, peut-être mais un monstre non. Et pas besoin de connaître tout de ses exactions passées ou futures pour qu’il en ait la certitude.

Earl pose ses mains sur ses genoux, grave, puis vient finalement enfouir sa tête dans ses paumes dans un geste qui témoigne plus sa fatigue que  son abattement. C’est à son tour de se confier :

▬ Moi aussi je fais des cauchemars depuis un moment… Ses doigts s’en vont triturer une mèche de cheveux tandis qu’il continue en levant les yeux : Il y a quelque chose en moi… quelque chose de terrifiant. Son autre main tripote un pan de chemise, glisse vers la poitrine là où bat son coeur, où se cache cette terrible double-identité. C’est la première fois qu’il le dit à voix haute : Quelque chose qui a fait du mal a beaucoup de gens et je ne sais pas ce que c’est mais je sais que c’est là et ça me bouffe de pas savoir mais si je le savais est-ce que je pourrais vivre avec ? Et comment savoir si ce truc au fond ce n’est pas tout simplement une autre partie de moi, une partie pourrie puisqu’après tout ça vit à l’intérieur de ma tête ?

Mais il se rend compte en déblatérant tout ça à toute vitesse qu’il a juste l’air d’un fou furieux. Alors il s’arrête soudainement, toussote et joint ses mains qu’il repose lourdement sur ses jambes, raides et immobiles. Même Cosmo qui doit se douter du mal qui ronge son ami n’a jamais été aussi proche de lui extirper les vers du nez.
Honteux, comme s’il venait d’avouer un secret coupable, le légiste se lève, pour s’asseoir par terre, en face de Wynona. Il prend une grande inspiration, se redonne une fausse contenance en arborant un air qui se veut rassurant :

▬ Enfin je veux dire que si tu veux en parler, je peux toujours écouter…
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Dim 4 Mar 2018 - 18:12
Une vie serait vide s'il n'y avait pas de douleur
Son expression change, tu le remarques au bout d’un certain nombre de seconde quand ses paroles se font entendre, quand il te sort de tes pensées qui s’étaient assombris face à ces souvenirs de tes cauchemars. Comment peut-il comprendre ? Comment est-ce qu’il peut savoir ce que ça fait ? Tu fronces tes sourcils, tu te demandes s’il te prend par pitié ou bien s’il est sincère. Pourtant son visage ne laisse pas place au doute, et ce n’est pas le genre d’Earl d’être hypocrite. Non, il dit les choses quand ça le fait chier et il est honnête. Du moins, tu penses qu’il l’a été avec toi jusqu’à maintenant.

Il te dit que tu n’es pas un monstre, ça te rassure au fond de toi Wynnona. Parce qu’il a l’air de le penser vraiment. Qu’il le dit malgré tes blessures, malgré les coups que tu as pu mettre aux gens, malgré ce que toi tu as pu encaisser. Il te l’annonce comme une évidence et tu baisses la tête, sentant l’émotion monter dans ta gorge. Ça te fait du bien de l’entendre tout simplement. Depuis des années que tu gardes ça, des années que tu te laisses peu à peu convaincre que tu peux être un monstre… Il prend la parole avec un ton différent. Ça change, c’est étrange même. Il se cache le visage, ça te rappelle les moments où tu n’arrivais pas à faire face à ces cauchemars. À ce qu’il t’arrivait, à penser que ça pourrait être vrai.

Et pourtant quand il parle, tu arrives à le comprendre. Cette idée d’avoir quelque chose de monstrueux, de caché et qui hante chaque pensée égarée, chaque instant où l’on croit avoir oublié. Mais non, c’est incrusté dans la tête comme une sangsue collée à la peau. Ça ne part jamais vraiment, on est juste distrait pour un moment.

« - Je comprends ce que tu veux dire… Un peu trop bien même. »

Tu baisses les yeux comme une coupable, encore une fois. Il a parlé trop vite, comme s’il n’assumait pas vraiment. Comme s’il en avait peur. Et toi aussi Wynnona, quand tu en as parlée avec quelqu’un, les paroles étaient plus rapides que les pensées embrouillées qui ne faisaient que retourner encore et encore la situation. Pourquoi imaginer de telles choses ? Pourquoi ce genre de visions viennent encore hanter ta tête ? Pourquoi serais-tu un monstre Wynnona ?

« - Je ne sais pas ce que j’ai fais, je ne sais pas pourquoi j’ai ces cauchemars… C’est une partie de moi peut-être, mais ça me bouffe la tête… »

Tu lèves tes mains devant tes yeux, tu les revois brûler sous ces flammes en entendant encore et encore cette insulte, ce mot qui fait écho jusqu’à ton réveil. Ta chair qui crépite, qui s’enflamme avant de t’emporter dans une douleur fatale. Mortelle.

« - Je revois la même chose, sans cesse… Des flammes, des cris, des insultes… On me fait brûler, sans que je sache la raison. Ça revient tout le temps, toutes les nuits depuis des années et… ça me bousille la vie. »

Tu serres les lèvres avant de remettre ta tête dans l’oreiller. T’en as marre Wynnona, t’en as marre de tout ça.

« - … Et je ne pense pas que tu sois un monstre non plus Earl. Sinon tu ne t’occuperais pas de moi. »

Non, il est un peu brutal, un peu froid aussi, mais il n’est pas méchant. Peut-être parce qu’il est médecin, peut-être parce qu’il te soigne sans te faire payer. Mais non, tu ne peux pas imaginer qu’il soit réellement monstrueux.


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Dim 25 Mar 2018 - 19:23

▬ Oh tu sais je suis peut-être un monstre ET un masochiste qui adore se faire réveiller au milieu de la nuit. Il se relève et la toise, mains sur les hanches de toute sa hauteur pour ajouter un hochement de tête suivi d'un ricanement : Ou alors un gros pervers qui savait très bien que tu finirais en petite culotte sur mon canapé !

Entre les confessions et l’examen à la va-vite, il n’est plus à ça près. Il laisse retomber sa blague vaseuse comme un gros soufflé et s’éclipse vers la cuisine mais revient aussitôt avec son propre verre qu’il s’empresse de remplir de whisky, non sans resservir la jeune femme. Après tout c’est une bonne occasion pour enfin finir cette bouteille et sans doute que la demoiselle appréciera plus l'eau-de-vie que Coco l’ivrogne capable de descendre le pire des cimetières et sûrement de trouver ça bon.

▬ Les gens disent que Foxglove Valley est un endroit spécial. Il repense à son fleuriste, à ces fois où lui il a parlé de réincarnation comme si c’était un fait avéré et se rassoit sur le sol en soupirant. Peut-être aurait dut-il mieux l'écouter. Il y a une rumeur qui raconte que la majorité des habitants n’en sont pas à leur première vie. Qu’on vivrait tous plusieurs fois… 'Fin peut-être que si on a tout les deux atterri ici c’est pour la même raison.

C’est terrifiant de penser qu’on en est à sa seconde chance sans connaitre la première. Il craint de devoir porter les péchés et les cadavres qu’il a semé dans un autre temps lui qui a déjà le coeur lourd et l’âme entachée de tout ces corps qu’il collectionne, étiquette et aligne soigneusement chaque jour dans son sanctuaire à la morgue. A-t-il seulement les épaules assez larges pour porter tout ça ? Ceci dit, si tout lui semble lui échapper, il trouve un peu d’espoir en se rassurant dans le fait qu’il existe peut-être des forces, un cycle, quelque chose ou quelqu’un de plus grand qui les guide et les aiguille. Encore faut-il savoir lâcher prise.
Earl lève son verre et proclame :

▬ À la tienne et au fait de ne pas être des monstres. Juste deux tarés.

Puis contre toute attente c’est cul sec qu’il enfile son verre avant de se laisser tomber sur le sol, yeux rivés sur un plafond terriblement blanc et mains derrière sa nuque avec un « aaaaaah » très satisfait. Il ferme les yeux.
Pour un soir il aimerait bien tout oublier.
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