Maman laisse-moi.

Je ne sais pas, je crois que c’est tout ce qu’il a dire, parce que sa mère, elle le couve depuis l’enfance, elle l’étrangle presque, avec ses doigts tout fins et la hanse de son sac à main.

Laisse-moi vivre tranquillement ce n’est pas parce que papa est parti que je vais faire comme lui.

Ça aussi, il lui a dit : qu’il ne s’envolera pas, qu’il ne s’évanouirait pas dans l’atmosphère comme son joli père. C’était une promesse, je crois qu’elle l’a sentie parce qu’après ça, elle l’a laissé volé de ses propres ailes le gamin, elle ne l’accompagnait plus partout, elle le laissait faire un peu de tout. Il peut enfin profiter de l’adolescence Karyan, se noyer dans la liberté qu’offrent les années folles. Sauf que Maman, elle l’a tellement lâché que c’est elle qui est tombée dans un trou, dans le cercueil. Une maladie, mais c’est la vie, c’est comme ça, faut avancer même si on a tout de même le droit de pleurer. La mère, on la savait faible de toute façon, elle tremblait dans son coin, s’arrêtait parfois de bouger dans l’ombre. Tout le monde le savait qu’elle n’en avait plus pour longtemps, elle et Karyan aussi, mais ils faisaient semblant pour se rassurer, faire comme si eux deux ensembles ça pouvait exister encore longtemps.

Papa, je ne veux pas te déranger, mais je crois que j’ai besoin de toi.

Il lui avait dit de l’appeler en dernier recourt et que de toute façon, elle, elle ne devrait rien savoir, qu’elle devait encore croire à ce mirage, qu’un jour, il reviendrait pour elle et l’amour qu’il lui portait. Mensonge, beau mensonge qui ne servait maintenant plus à rien. Qu’il se ramène, putain, qu’il traverse l’océan pour aller rejoindre son enfant.

Merci papa, merci.

Le sourire, il sort les mots dans un sourire avant qu’on le serre et qu’on l’étrangle à nouveau, mais là, cette fois, il en a vraiment besoin. Là, c’est lui qui demande, le temps de se remettre de toute ça, le temps qu’il soit moins fragile. Il sait que la présence et la chaleur ne seront qu’éphémère, que le père, il repartira un jour ou l’autre vers la Tour Eiffel, vers d’autres gens qu’il aime. Il sait qu’il va lui proposer de prendre l’avion, de quitter l’endroit, de recommencer à vivre ailleurs. Comme lui qui est parti, parce qu’il se sentait prisonnier, acculé, en sursis avec sa dame bougie. Mais lui, il pouvait rien faire de tout, il l’avait promis, qu’il resterait ici. Il ne voulait pas que son squelette se retourne, que son âme se consume un peu plus.

Mon cœur, il est troué, tu sais, elle en a la moitié, je ne peux pas la quitter. Mais papa je t'aime, je jure que je t'aime autant qu'elle.

Je crois qu’il lui a caressé la tête et qu’ils ont chialé ensemble. Qu’ils se sont noyés tous les deux l’un dans l’autre. Je t’assure que c’était beau, qu’il n’y avait pas de haine, rien de tout ça, que du chagrin. Il aurait pu l’emmener de force son fils, mais d’après moi, il respectait trop sa décision pour la remettre en question. Puis ils échangent tout le temps maintenant, il vient souvent Papa dans leur ancienne maison, puis il donne des sous aussi, de loin ou de près, je ne sais pas bien. Ce dont je suis sûr c'est qu'ils donnent toujours des fleurs quand il revient. C’est silencieux, un de ces moments à eux, un moment pour elle surtout.

Désolé, je ne sais pas ce qu’il m’a pris.

Non, il ne sait pas pourquoi il l’a repoussée, la personne. Violemment, sa main l’avait fait descendre, du lit, des draps. On le regardait l’air estomaqué, on ne comprenait, ils étaient bien ensemble à s’échanger des flammes, à brûler l’oxygène dans la bouche de chacun. Sa main à Karyan, on l’avait senti, frôler la peau chaude, s’insinuant sous les vêtements comme un serpent. Mais sa mine malicieuse avait disparu alors que lui aussi on l'épluchait à son tour. L’un sur l’autre, ça avait rappelé des brûlures, des brûlures invisibles qui n’étaient même pas à lui. Il a crié comme s’il y était, comme s’il souffrait et c’est là qu’on est tombé, qu’il l’a poussé. Il a parlé tout apeuré, puis il a couru, je ne sais pas où, mais il a couru comme s’il avait le feu au cul.



Enlève lès s’il te plaît.

Personne ne saurait dire comment il s’est retrouvé à terre, il tire sur du tissus, une manche ou le bas d’un jean.

Je ne les supporte pas.

Des griffures le long du bras et une marée sur ses joues.

Je ferais ce que tu veux

Mais là, j’en peux plus

Je veux plus d’elle

Je ne veux que moi

Vivre pour moi

Vivre pour les gens que j’aime

Pas vivre pour elle

Je ne la connais pas

Tue la

Ce n'est pas moi.

Fragile garçon, chose de coton.
Il fleurira plus tard, loin du noir et des cauchemars.
Mais manque les Lumières, la Mère, le Père.
On verra ce qu'il pourra faire sans nous.
On verra ce qu'il pourra faire avec vous.
Peut-être bien que vous le ferez briller.
Peut-être bien que vous l'éteindrez.
On verra, c'est ça, on verra.   
    


Nom  des étincelles.
Prénom des cendres.
Avatar facultatif.
Nationalité américaine.
Occupation des épines sous les doigts.

Laissez moi vivre, je n’y suis pour rien, s’il vous plait, laissez moi vivre. Une phrase que n’en est pas une, du moins pas vraiment, c’était pas le genre de chose qu’on dirait en rigolant, c’est pas le genre de chose qu’on dirait dans un discours. Non, c’était dit dans les larmes, une belle lave qui coule sur les joues. Elles brûlent les coulées, elles brûlent comme elles soulagent, un peu comme cette voix qui sort et qui déraille, elle hurlait la jeune femme, elle hurlait et pleurait comme jamais parce que c’était la dernière fois qu’elle pourrait faire tout ça. Ce n’était pas maintenant, non, c’était ailleurs, un autre temps, une autre époque, il faisait chaud, on étouffait ici. Elle avait du mal à cracher de l’air avec ses poumons, ça l’écrase, pourtant, elle crie, comme une folle, elle crie. Ses poings lui faisaient mal, elle tapait, contre la chaire griffant ceux qui auraient pu l’approcher d’un peu trop près, elle tapa contre le sol aussi quand on la fit tomber contre celui-ci. Non, non, non, non. Des murmures qui s’échappent, mais c'est trop tard, elle va mourir dans les enfers.

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