il a les yeux qu’ont l’air d’avoir vécu qu’ont l’air d’avoir tout vu et la cruauté ça fait longtemps qu’elle le choque plus. quand on lui demandait pourquoi il défendait pas ses camarades alors que c’était le plus grand de sa classe il répondait
à quoi bon j’serai pas toujours là. et on s’était dit
quelle drôle façon de penser pour un gamin d’douze ans.
marche ou crève gravé dans sa tête alors qu’il est loin d’avoir été élevé à la dure, au contraire. mais qui sait, l’amertume c’est peut-être dans les gènes.

ou ailleurs.
on sent bien que c’est pas vraiment à lui ces airs désabusés et conciliants, ça a comme gangréné sa personnalité sans qu’on sache bien pourquoi. Sen, la douceur incarnée qui voulait aider les autres quand il sera grand. forcément. on était tous sûr qu’il allait devenir un type bien.
un mec gentil Sen oh si j’vous assure. au fond. qui pourrait être pleins d’attentions mais qui se contente d’observer, qui voudrait faire preuve de compassion, vraiment, mais qui sait pas, qui sait plus trop. plus jeune il prenait tout à cœur quitte à se noyer sous les sanglots quitte à se couper la gorge avec les éclats de rire, il avait des airs espiègles et une envie insatiable de tout savoir alors il posait tout un tas de questions, ponctuées d’une risette. mais y a un truc qui a déconné un jour.
oh pas grand chose, juste un soir où t’étais vraiment
vraiment casse-couilles.

on t’a foutu le revers patriarcal que tu méritais
et ça t’a retourné l’cerveau.

souvenir souvenir.
ah,
alors c’était pour ça, les parents sympa, le gentil petit-frère, l’adorable petite-sœur, la jolie petite vie. t’avais quatorze ans.

depuis il alterne, oscille. entre la sérénité de son existence tranquille et l’angoisse de celle d’avant. Sen un coup il sourit comme un fou et quel joli sourire
et on l’aime
un coup il siffle des horreurs et qu’est-ce qu’on a envie de lui en coller une. surtout que ça empire avec l’âge. un amour à la maison, il s’efforce, mais parfois dès qu’il a le pied dehors il a cette urgence de haïr le monde. alors il s’en est prit, des coups. pourtant ça a pas l’air de lui suffire. envie d’en savoir plus.

Sen un jour on l’aime un jour on peut pas le voir en peinture, terriblement addictives ces mimiques joueuses qu’il éparpille, cette soif d’amour dont il serre la gorge pour ne pas qu’on l’entende, ces expressions d’enfant, son rire. insupportable, quand il se met en danger bêtement et qu’il fait comme si de rien n’était, qu’il ment avec le smile. atroce, quand il crache des mots qui font mal et qu’il tourne le dos, qu’il hurle va-t’en fous moi la paix.

ça aurait du être un type bien mais c’est rien qu’un bordel sans nom,
qu’on étreint qu’on frappe qu’on embrasse et qu’on jette,
un peu comme avant.

sens de l'humour et répartie à toute épreuve ✕ aimant à emmerdes ✕ beaucoup de sarcasme et d'amertume ✕ pas tout le temps heureusement ✕ des phases d'euphorie où il entraîne le monde avec lui ✕ des phases beaucoup moins marrantes où on le déteste presque ✕ personnalité addictive ✕ attendrissant mais c'est souvent lui le charmeur dans l'histoire ✕ des colères noires parfois ✕ en phase down il affiche un air désabusé à souhait ✕ ça donne envie de lui foutre des claques ✕ espiègle et joueur ✕ pro des répliques provoc' ✕ ça lui arrive de se poser (il paraît) ✕ peu d'empathie ✕ peu d'implication ✕ tient rarement ses promesses ✕ fucked up

Sen on t’aime on t’aime on t’aime dans cette vie-là, t’étouffe sous les sourires sous les étreintes sous l’amour tout court. T’as une jolie maman, un papa avec de l’humour, un petit-frère turbulent et une sœur cadette avec des fossettes. T’as une bonne gueule, une santé qui déconne pas, et certes tu roules pas sur l’or mais t’as de quoi bouffer et un toit, et des parents prudents qu’ont épargné pour tes études.
Alors pourquoi tu fais chier.

• Histoire banale famille charmante, depuis tout petit Sen il rêve d’imaginer des baraques, jusqu’à ce qu’il apprenne le mot pour ça et qu’il rêve alors de devenir architecte.
À la maison c’est l’espièglerie incarnée, une petite chose pleine d’énergie qu’on reconnait à son rire.
Un gamin avec un fort caractère aussi, qui est souvent dans la confrontation et qui ouvre toujours sa bouche, comme si on l’avait jamais autorisé à parler dans une ancienne vie.
Et tout allait pour le mieux.

• Un jour Sen il a eu quatorze et il a commencé à prendre la tête sérieusement, normal c’est un adolescent. Rien d’grave mais un soir il est rentré comme si de rien n’était alors qu’il est même pas allé en cours, spotted direct, et quand on lui a demandé, il a menti, et puis il a avoué et il a dit que de toute manière l’école c’était d’la merde et qu’il en avait marre qu’on attende des bonnes notes en maths juste parce qu’il est asiat’, allez chier.
Sauf que le paternel il supporte pas les grossièretés donc il lui en a mit une,
alors qu’on avait jamais levé la main sur les enfants jusque là.

• Sen il a ouvert grand les yeux comme s’il s’était réveillé d’un coup
ou comme si y avait une résistance dans le circuit d’son esprit qui avait cramé
on sait pas trop on saura jamais.
Il s’est souvenu d’un truc,
d’une autre façon qu’on avait de lui dire je t’aime, y a bien longtemps, tellement longtemps qu’à l’époque, il était même pas lui.
Je t’aime un peu beaucoup passionnément à la folie avec des claques et des hurlements et des brûlures de cigarette sur les mains.

• Depuis c’est plus pareil, Sen il fonce plus en premier faut le pousser et qu’est-ce qu’il est lourd à rechigner. Il a tenté de s’y remettre à sa vie d’aujourd’hui mais ça marche pas, plus du tout synchrone avec cette réalité ça lui parait si futile.
Au collège il répondait au prof,
au lycée il se battait
et sur le campus on se disait tous que ce type allait finir le bide ouvert dans un caniveau, un de ces jours. Obligé.

• Mais c’est pas sa faute il est juste curieux. Il veut en savoir toujours plus sur ce qu’il s’est passé avant, et plus il en apprend plus l’instant présent lui parait abstrait, étranger.

• Sen il a lâché ses études d'architecte, et y a pleins de dessins qui trainent dans son studio.
Il switch Sen il alterne entre le passé et le présent, sans jamais savoir sur quel pied danser.