S.O.S d'une terrienne terrien en détresse
Elle file la grâce
Je ne dis rien quand elle passe – elle a filé la grâce – adieu ma bénédiction
Elle m’abandonne à l’amnistie – je suis désormais seul aux portes de ce lointain paradis
Je marche – je fais courir mes sens sur les mots que la distance a décomposé – tout cela me paraît si vain et si futile ; poèmes brisés ; amours qui meurent ; les lettres, ça ne va jamais nulle part ; les lettres, ça n’atteint jamais le cœur
Les lettres ne sont jamais graciées
Parce qu’elles échappent aux mains des anges, à la majesté toute bienfaitrice des idoles qu’on se damne à adorer
Et je me sens désolé – parce que les lettres échappent à la grâce et chutent maudites et réprouvées en pluie blafarde, renvoyée des Cieux, pour venir se poser délicatement cadavres de papier
– entre mes doigts à moi sculptés d’insanité
Je n’ai pas honte de vous tromper, vous, les exaltés – car je déteste les fétichistes et votre flamme morne de dévots dévoyés n’est pas mon problème ; vous m’êtes bien égaux, vous et votre aliénation risible, car vos chaînes vous les forgez, complaisants, enthousiastes – je ris, vous m’écœurez
Mais j’ai honte de me couler – de devoir me couler – dans le tombeau de la Sainte
Son auréole est lourde son aura à mon ineptie sourde – j’ai honte de te tromper Grace
Car je suis laid – j’entache ta gloire
Je suis – pour toi, c’est certain
disgrâceEt pourtant tu m’accueilles – comme on absout un martyr
Je crois que tu a pitié de moi, et de ma saleté
Mais que puis-je faire d’autre, à part prier ?
(J’ai peur qu’à la fin, comme les autres, tu finisses par m’abandonner)
« Et toi Molly ? Qu’est-ce que tu en penses de tout ça ? Si tu avais un petit frère… Ou une petite sœur… Ça serait bien non ? »
Bien sûr tu n’en penses sans doute rien Molly – tu te dis peut-être que les enfants tombent du ciel, un peu comme ça, comme par hasard, comme les oiseaux
Comme les lettres, au fond
« Si tu savais tout ce que ta maman reçoit comme jolis billets moches, Molly… Dans celui-là, ça dit que ta maman est la plus belle personne du monde. Et dans celui-ci, qu’elle est si émouvante, comme actrice. Et là, quelqu’un lui dit qu’il aimerait une photo dédicacée. Les gens ne sont pas très polis, pas vrai ?... »
Je babille pour toi pour nous pour accompagner le silence
Je babille pour rien des petits mots vains qui s’écrasent contre le timbre fort et assuré rassurant de ce petit personnage mouvant brillant et coloré de dessin animé
Ne m’écoute pas Molly – reste loin de moi
(Je ne veux pas te perdre…)
–
alors, ça dit quoi..?Je lève les yeux
embrasse ton exemption
Voici la grâce qui passe
Belle, belle Grace...
« Rien d’important. C’est comme d’habitude. Et vous ?... »
Je connais la réponse
Ça n’est pas comme toutes ces lettres négligeables dont les mots maladifs s’effritent comme des antiquités sur des pages et des pages inutilement blanches
Ça n’est pas comme ces mots qui hurlent stérile noués dérisoirement les uns avec les autres jouant à appeler échouant toujours à vraiment aimer
Ils n’ont rien d’important – pour toi belle belle Grace
Qui a besoin des psaumes des dévots quand on a les berceuses
Et qui lit encore la Bible quand il y a les comptines...
Ainsi – prudemment, je pose ma main sur la tienne
Je me retiens pour ne pas la retirer précipitamment – j’ai peur de te brûler et de te geler
J’ai peur de vicier ton halo
Je pose ma main sur la tienne et je te rends ton auréole
Reprend-là Grace – garde ta lumière elle n’est pas faite pour moi
Je suis moins que ton ombre – mais j’abolirai ton échec
Car je suis pion – et j'ai besoin d’une reine.
« Grace… Peu importe ce que vous décidez de faire, vous prendrez la bonne décision. Il faut penser à vous… Et… A Molly aussi. »
Tout ira bien je te le promets
Je repousserai les mots serviles qui s’écrasent tout contre ton halo
J’éloignerai les missives rampantes qui font de l’ombre à tes sculptures
J’essayerai – je te le promets.