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people help the people (vitoche)
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Jeu 22 Sep 2016 - 16:44



i guess the loneliness came knocking
Il est minuit et tu ne détestes pas la pluie.

Tu aimes bien regarder les gouttes s'aventurer sur les vitres. C'est apaisant et tu es comme beaucoup d'humains, toujours prompte à accueillir la nostalgie que le temps maussade procure.

Tu hais cette pluie.

Celle qui te chope au détour d'un virage. Qui s'abat sur toi comme une colère divine. Comme le karma qui se venge d'une faute. Celle qui t'étouffe un peu. Tu ne peux pas t'abriter.

Tu divagues à droite et à gauche, un peu à la dérive, à cause des petites rafales de pluie qui s'écrasent sur ta capuche. Une avalanche d'eau. Il pleut depuis deux heures mais tu as l'impression que cela fait une éternité. Les ruisseaux se forment à côté des trottoirs. Les gens esquivent les flaques d'eau. Les enfants sautent dedans. Tu as finis plus tôt ce soir. Les soirs d'averses, les clients sont moins enclin à se divertir dans ta maison hantée. Tu devais réparer un encadrement de porte en bois, à l'extérieur. Impossible, avec l'humidité. Alors tu as fermé boutique. Il est seulement minuit. Mais ce n'est pas la pleine saison. Tu préfères rentrer chez toi, regarder un film ou quelque chose. Ta vie, elle est monotone. Peut-être trop.

Quand tu accèdes enfin à ta vieille carcasse roulante sur le parking qui semblait aussi long qu'un terrain de foot d'Oliver et Tom, tu ouvres la porte en stoppant ton regard sur la station d'essence de l'autre côté de la rue principale. Pile en face du parc. Un peu plus sur la gauche, peut-être. C'est qu'un détail mais tu ne le remarques que maintenant, après trois années.

J'y vais ou j'y vais pas.

Une simple hésitation qui peut changer beaucoup de choses, en fait. Tu t'y rends tous les jours. Tu ne sais pas pourquoi. La salle de repos du parc, avec sa machine à café, son distributeur et son réfrigérateur en panne toutes les semaines, tu n'y mets presque jamais les pieds. Pour tes pauses, c'est un hamburger à l'espace restaurant de la station. Petit mais agréable. Le matin, tu viens prendre une tasse de café. Le soir, tu viens acheter des broutilles. Des chewing-gums. Un café, encore. Des chips. C'est une routine.

J'y vais.
Que tu décides finalement en posant tes mains sur le volant. Tes doigts sont fatigués, ils craquent au contact du faux-cuir. Tu soupires. Tes épaules se lâchent un peu et tu accélères. Deux minutes plus tard, tu te gares un peu à l'écart des pompes à essences, sur le petit parking clientèle.

La pluie, elle t'aveugle. Tu marches en regardant tes pieds. Tu n'enlèves pas ta capuche. Ton pull est trempé. Tu vas rattraper, au final, la mort.

La carillon tinte alors que tu pousses très légèrement la porte en levant la tête. Tu aimes bien regarder la vie de la station à travers cette façade vitrée. Comme la pluie. Tu frisonnes à cause de la météo. De cette fraîcheur qui se glisse sous ta peau.

Il est minuit et tu es témoin d'un crime.

Les cordes qui tombent ont masquées le bourdonnement aigu de ta tentative. Le malfrat est bien trop occupé à menacer le caissier. Ce caissier.

Tu n'y échappes pas. C'est ton instinct.
La cloche sonne. Tu entres, de tes hauteurs. De tes airs forts et sérieux. Tu as l'air aussi louche que lui sous ta capuche.

▬ Hé, gringo.  

Commences-tu avec une voix grave, sérieuse en remuant ton portable allumé, le numéro de la police manifestement composé.

▬ J'pense que d'ici deux minutes, tu vas finir en taule alors si j'étais toi, je commencerais à courir, vite.

Dommage, il n'a pas l'air convaincu alors qu'il fonce sur toi plutôt que vers la porte de sortie. Il te pousse sur l'encadrement de la porte. Le bruit de fracas est intense. La vitre est fissurée. Une douleur dans le dos apparait, à l'arrière du crâne aussi. Mais tu le chopes. Sa tête est comprimée entre ton bras et tes côtes et tu resserres la prise sur sa nuque. Il se débat. Mais son raclement de gorge est équivoque. Tu le maîtrises. Tu as plus de force. Et l'adrénaline n'y change rien. Tu le relâches en le poussant. Son arme est factice puisqu'elle s'est cassée dans la foulée.
Un petit rire.

▬ J'te retrouv'rai, 'culé !

Dit-il en replaçant sa cagoule mal mise.

▬ Oui, oui. Fais attention à la route en rentrant chez ta mère.

Cinglant. Tu te lâches un peu. Tu es limite saoulé quand il se tire en courant, avec quelques broutilles sous le bras.

Tu le regardes s'enfuir, la porte se referme. Elle étouffe le bruit de l'averse. Le tintement, encore.

Et tu regardes la victime.

▬ Un café... ?

Tu ne sais pas si c'est une question ou une affirmation mais oui, c'est la première chose que tu dis à un caissier qui vient de se faire braquer. Possiblement en état de choc. En fait, tu l'es un peu aussi. L'adrénaline du héro est redescendu un peu. Tu n'es plus un pompier, après tout. Tu n'es plus grand chose. Tu restes juste là, planté devant lui. Un peu en retrait.

Comme toujours.

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Jeu 22 Sep 2016 - 20:20

Vito aimait bien son boulot. Vito aimait bien la nuit, la tranquillité, ce côté hors du temps que pouvait avoir une station service à minuit. Vito aimait bien la paix, et avec un métier pareil, il était plutôt satisfait.
De base, il n'était pas le genre de personne à qui l'on venait chercher des noises spontanément. Il ne se démarquait pas vraiment physiquement. Nul doute que s'il avait été caissière et pas caissier, son quotidien aurait été tout autre - mais les faits étaient là. Vito n'avait pas vraiment une tête de bouc-émissaire, et c'était pour le mieux.
Sauf aujourd'hui.

Immobile, son regard était fixé sur le bout du canon. Vito ne comprenait pas.
Un pistolet était pointé vers son front et Vito ne comprenait pas.
Au bout de ce canon, il y avait un doigt posé sur une détente, une poigne gantée qui serrait la crosse. Puis un poignet, un bras relié à une épaule, puis à un cou, puis à une tête couverte d’un bandana. Un foulard. Quelque chose qui empêchait de distinguer ses traits.
« File-moi ce qu’il y a dans ta caisse, » avait dit la voix étouffée par l’étoffe.
Oh merde, s’était dit Vito.

Malgré le côté plutôt héroïque de son nom de famille, Victor Emil Shepard n’était pas exactement la définition même du courage. Du moins, pas vraiment dans ce genre de situation. Son corps entier était tendu, figé - ses yeux écarquillés, fixes, toute notion de clignement oubliée.
Il avait un flingue rivé sur le visage.
Il allait mourir.

C’est un « oh, bouge ton cul ! » de la part du charmant invité qui le fit sortir de sa transe morbide. Son cœur, qui avait l’air de s’être arrêté pendant quelques secondes, repartit  à toute vitesse et ses mains d’habitude si précises s’affairèrent à ouvrir la caisse, murmurant des « okay, okay, okay. »
Son manager l’avait briefé sur ce genre de situation, deux ans plus tôt. Comme quoi il y avait des caméras, qu’il fallait faire ce que le voleur demandait, bla bla. Honnêtement, c’était plus à l’instinct de survie qu’aux souvenirs que Vito fonctionnait en cet instant.

« Hé, gringo. » Vito aurait pu se mettre à hurler. « J'pense que d'ici deux minutes, tu vas finir en taule alors si j'étais toi, je commencerais à courir, vite. »

La Mort, c’était la Mort. La Mort était là pour l’aider. La Mort avait appelé les flics, et la Mort allait mourir, parce que le braqueur avait foncé sur elle et le braqueur avait un pistolet. Vito le savait, parce qu’il l’avait braqué vers son crâne.
Vito ressemblait à s’y méprendre à une biche devant des feux de voiture, mécaniquement tourné vers la scène qui continuait à se dérouler sans lui.
La Mort se fit plaquer contre la vitre qui se fissura. S’en suivit un combat assez peu impressionnant et plutôt pathétique où la Mort gagna haut la main, littéralement, et où le voleur s’en alla comme un adolescent irait s’enfermer dans sa chambre en claquant la porte.

Le calme revint instantanément, après une punchline de la Mort.

Pour dessiner, Vito avait l’habitude d’écouter rainymood. Ca l’apaisait, lui permettait de faire le vide. C’était généralement plutôt radical. Là, la course de la pluie battante contre les fenêtres ne fit rien pour calmer le rythme effréné des battements de son muscle cardiaque.
Toute expression s’effaça de son visage blanc comme un linge. La Mort lui avait adressé la parole (ce qu’il avait dit, il n’en avait aucune idée), et Vito, qui avait gardé les yeux rivés sur les fissures, tourna d’un seul coup la tête vers lui.

« J’ai cru que j’allais mourir. »

Sa voix était monocorde.
Il fit le tour du comptoir et son regard tomba sur l’arme en plastique brisée au sol. Il n’arrêta pas ses pas et se dirigea machinalement, mais avec cadence égale, vers la machine à boissons chaudes.

« C’était un flingue en plastique et j’ai cru que j’allais mourir. »

Son index s’écrasa comme une nuée de météores sur le bouton expresso, expresso, expresso. Il avait absolument oublié la nécessite d’une pièce.

« J’ai cru que j’allais mourir. »

Il ne vivait pas très bien cette expérience.
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Ven 23 Sep 2016 - 7:42



i guess the loneliness came knocking
Le portable toujours en main. Les gouttes tombent sur le sol en y formant une petite flaque, juste à côte du paillasson noir marqué d’un bienvenue légèrement ironique après les aventures de la soirée. A côté du faux flingue, cassé, aussi. Tu es trempé, à en choper une pneumonie. C’est peut-être le froid qui a atteint le cerveau et qui demande un café aussi subitement. Aussi décalé de la réalité de ce qu’il vient de se passer.

▬ J’ai cru que j’allais mourir.

Comme un fantôme, le caissier se déplace. Et enfin cela te revient en pleine tronche. Animé. C’est un mot. Animé. Tu le regardes se mouvoir, comme un automate. Sans émotions. Le visage livide. Tu ne bouges pas d’un centimètre, si ce n’est la nuque qui se tord un peu pour l’observer vers la machine à expresso.

J’ai cru que j’allais mourir.

Tu réalises que tu es dans le même état, en fait. Tu y as crus aussi. Mais tu savais que ce n’était qu’un gamin. Qu’un faux pistolet. Comment ? Quand tu l’as touché. Oui, tout simplement. Et tu ne voulais même pas savoir que sa mère travaillait comme infirmière. Qu’il avait un père alcoolique. Mais tu le sais. Ce gamin voulait montrer à ses potes qu’il était un dur. Ce n’est pas rare que ton habilité se déclenche sans ton consentement. Instabilité émotionnelle, par exemple. Ou l’adrénaline, la peur, dans ce cas précis.

Tu soupires en retirant ta capuche. Les épaules craquent. Tu trembles un peu et tu entends le caissier marteler le bouton de cette pauvre machine à expresso.

J’ai cru que j’allais mourir.

La rengaine est lassante mais tu avances légèrement, levant la tête dans les airs, sur le plafond. Il y a plusieurs caméras. Tu regardes ton portable et hésite à presser le bouton call. Parce que les flics, ils ne vont pas venir. C’était du bluff. Tu es intervenu un peu comme un super héro sans pouvoir et pour ça, tu es totalement idiot. Parce qu’en franchissant la porte, tu ne savais pas que c’était un gamin avec un jouet. Alvar, c’est si important de vouloir sauver les autres, franchement ?

Tu avances vers lui, parce qu’il ne va clairement pas bien.

▬ Ça va ?

C’est clairement une question stupide et tu roules des yeux en la posant parce que tu te trouves très inutile mais tu ne sais pas quoi dire. C'est comme cela qu'on t'apprend à rassurer les individus en état de choc chez les pompiers ? Pas vraiment. Mais t'es secoué, toi aussi. Il faut le temps que la raison et le calme reviennent dans ton esprit, même si tu parais étrangement calme. Comme la boutique d'ailleurs.

Tout est silencieux. Il n'y a que le bruit de la pièce qui se fait avaler par la machine. Ta pièce, que tu glisses dans la fente alors qu'il continue d'appuyer comme un robot souffrant d'un bug très sévère. Tu ne dis rien. Tu ne ricanes pas. Tu le fais, simplement. Comme il ne bouge pas de la machine, tu es obligé de le coller un peu, de le bousculer. Une différence de taille se dénote dans ton esprit, observateur au mauvais moment. Petit rire attendrit intérieur. Comme si tu voyais un petit animal inoffensif au zoo.
Un ours et une biche. C'est un peu ça, le contraste physique. Même si tu exagères.

Toujours cette pluie, dehors.

▬ Merci, pour le café. Je pense que ça ira…

Tu retires la tasse de café qui déborde en bousculant très légèrement le bras du caissier, qui a programmé environ une centaine d’expresso dans le vent. Heureusement que les machines s’arrêtent si elle ne détectent pas de tasse. L’inondation de caféine aurait été l’autre problème de la soirée. Tu te permet donc cette intrusion un peu involontaire. Parce qu'il est clairement choqué.

Tu as rangé ton portable dans ta poche et tu le regardes avec un visage mortellement sérieux. Un peu hésitant.

▬ Les flics vont pas venir… Je me suis dit que le gamin méritait une seconde chance mais je peux les appeler… Surtout que la vitre est dans un sale état.

Et que j'ai pas envie qu'on m'accuse parce que j'ai une sale gueule.


Tu t’interromps en réalisant l’ironie de tes mots un peu plus tôt. Une seconde chance. Une seconde vie. Et tu soulèves plusieurs interrogations. Comment savoir que c’était un gamin, que c’était sa première tentative ? Tu es perspicace mais pas devin. Enfin, d'une certaine manière, si. Tu ne réfléchis pas vraiment avant de parler, pour le coup.

Une tasse dans la main, tu utilises l’autre pour soulever les petites mèches trempées dont les pointes passe à peine devant tes yeux. Tu remarques qu'ils ont trop poussés, d'ailleurs. Un coup de tondeuse est à prévoir.
Tu tournes ta caboche légèrement, attendant que le café se refroidisse et tu regardes la vitre fissuré. Toujours plus ou moins proche du caissier, celui dont tu ne te souviens pas du prénom. Un comble pour un mec qui peut savoir tout d'une personne en le touchant. Tu lui offres ton profil, d'ailleurs - magnifique vue sur ta nuque légèrement ensanglantée. Le col de ton pull est légèrement tâché. Tu ne t'en rends même pas compte. Un nouveau bobo, génial. Comme si ta gueule n'avait pas déjà assez de cicatrices.

Merde.

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Ven 23 Sep 2016 - 15:48
« Ca va ? »
« Ouais… »

Les yeux de Vito se fermèrent quelques secondes, et il prit une grande inspiration par le nez. Son index reste enfoncé sur le bouton sans qu’il n’y fasse vraiment attention, jusqu’à ce qu’une présence se fasse sentir derrière lui sans qu’il ne la remarque réellement.
Il y  eut le bruit d’une pièce entrant dans les entrailles du distributeur, une série de cliquetis satisfaisant, un bip sonore, le poc du plastique creux contre le métal et le frsh du café soluble heurtant le fond du gobelet. Bientôt, une odeur de café bon marché s’éleva, et c’étai réconfortant.
Ca avait suffit au caissier pour reprendre un peu ses esprits. Il avait eu besoin de disjoncter un peu, extérioriser un peu. Ca irai mieux dans quelques minutes. Il recommencerait vite à réfléchir normalement.
Mais d’abord, un café.

« Merci, pour le café. Je pense que ça ira. »

Et le café s’en alla.
Hein ?

Il y eut un contact sur son bras et Vito tourna la tête à la vitesse de l’éclair. Ses yeux s’agrandirent un peu. Il ne l’avait pas du tout entendu, la première fois, quand il était venu au comptoir. Il avait eu envie de ce café.
Bon, c’est vrai, ce n’était pas sa pièce.
Il était encore un peu confus.

Après avoir fait trois allées-retour du regard, du gobelet au visage - haut perché - de la Mort, il se recula pour regagner le comptoir.

« Les flics vont pas venir… Je me suis dit que le gamin méritait une seconde chance mais je peux les appeler… Surtout que la vitre est dans un sale état. »

Trois pièces de monnaie entre les doigts, Vito leva les main dans un geste d’incompréhension. Il était encore un peu tremblant, et ça se voyait un peu.

« Gamin ? Seconde chance ? Il a essayé de me braquer ! »

Quelque soit le pourquoi du comment, Vito était plutôt partisan du fait d’assumer ses conneries. Et puis il n’avait eu l’air d’avoir dix ans non plus. Il même probablement plus grand que lui, physiquement. Pas que ce soit bien difficile.
Mais pas autant que la Mort, qu’il regardait maintenant avec plus de calme, et c’était un type impressionnant. En se mettant un instant à la place du voleur, on pouvait s’imaginer la peur qu’il avait dû ressentir en voyant cette montagne arriver.
Ca n’empêchait pas Vito de ne pas être d’accord avec ce qu’il disait.

Avec un soupir et un pas cadencé - mais moins automatique - il glissa à son tour un dollar dans la fente de la machine et lui commanda un expresso. Une seule fois.
Le temps que cela se fasse, il s’adossa au distributeur et croisa les bras, le regard levé vers la Mort.

« Il a pas pris grand chose et il est loin maintenant, donc j’imagine que c’est pas la peine, mais il va quand même falloir que je prévienne ma boss. » Pas au milieu de la nuit, la pauvre n’avait pas besoin de ça.

Par la suite, le visage de Vito se détendit un peu - ses sourcils se dénouèrent, et un sourire apparut au coin de ses lèvres. Un peu fatigué, le sourire, mais sincère.

« Merci, au fait. Je sais pas ce qu’il se serait passé si t’était pas arrivé. »

Le ronronnement dans son dos était agréable. Le contrecoup de la peur le laissait épuisé. Il se demanda un instant s’il devait fermer boutique ou finir. Il n’y avait jamais beaucoup de monde, et il ne se sentait pas vraiment de rentrer tout de suite chez lui, seul, à vélo. C’était irrationnel puisqu’il ne lui était rien arrivé jusqu’ici.
Quelque part au dessus d’une table, la lumière d’un néon trembla dans un crépitement.
L’expression adoucie de Vito se raffermit lorsque son regarde capta un éclat rouge.

« Tu es blessé. »

Vito ne lui avait même pas demandé comment il allait, lui. Il avait maîtrisé le braqueur et s’était pris un grand choc dans le dos. Et il saignait. Merde.
Faisant confiance à la machine à café pour s’arrêter quand le gobelet serait rempli (et même aux deux-tiers, comme la radine qu’elle était), Vito s’en décolla après un « attend » pour disparaître un instant derrière une porte ‘staff only’. Il revint avec une boite blanche marquée d’une croix rouge, et un rouleau de scotch marron de déménagement.

« Ca c’est pour la vitre, t’inquiète pas, » fit-il en désignant l’adhésif. « Mais ça, » il posa la boite sur la table haute non loin d’eux, « c’est pour toi. »
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Ven 23 Sep 2016 - 18:43



i guess the loneliness came knocking
Gamin ? Seconde chance ? Il a essayé de me braquer !

Tu baisses légèrement la tête et sourit très légèrement. Tu ne peux rien dire. C’est certain que le gosse a commis un crime mais tu ne peux pas le défendre sans révéler tes capacités. Et défendre des criminels, ce n’est pas non plus ta spécialité ou tes hobby. C’est juste que, sur le moment, tu n’estimais pas devoir répondre par la violence contre un gamin de dix-sept ans - car oui, tu sais son âge, son prénom, son nom, même. Tout ça rien qu’en lui bloquant la nuque, le temps d’un contact physique rapide. Tu as agis avec instinct paternel, toi qui t’estime peu doué pour ces choses-là. Protecteur, peut-être trop. Aveuglé sûrement. Naïf, un peu. Mais après tout, tu n’étais pas celui braqué par une arme à feu.

Il a pas pris grand chose et il est loin maintenant, donc j’imagine que c’est pas la peine, mais il va quand même falloir que je prévienne ma boss.

Tu l’observes s’adosser au petit distributeur alors qu’il se fait, à son tour, un café. Tu réalises seulement maintenant, en jetant un regard à ta tasse, qu’au final, cela ne t’était peut-être pas destiné. Tu pensais qu’il te faisait ton café, même si c’était plus qu’étrange, étant donné que ce n’était ni son job, ni le moment.

Une douleur s’éveille à l’arrière de ton crâne. Ton dos, aussi, craque légèrement. Tu essayes de rouler des épaules pour faire passer le mal. Mauvaise idée. Une grimace apparaît sur ton visage. Mais tu caches tout ça derrière la tasse que tu portes à tes lèvres, ayant attendu suffisamment longtemps pour ne pas te brûler. Ça serait dommage. Tu ne dis pas grand chose.

Une fois la gorgée avalée, tu regardes le caissier, qui fait de même à ton encontre. Vos regards se croisent sans bruits. Le choc passe. La pluie ne s’arrête pas. Il te sourit, très légèrement. Toi, tu ne fais que porter le bord de la tasse chaude à tes lèvres, encore.

▬  Merci, au fait. Je sais pas ce qu’il se serait passé si t’était pas arrivé.

Ta bouche s’entrouvre. Tu ne prononces qu’un mot.

C’est.

C’est normal ? Non, pas vraiment. Beaucoup se seraient enfuis ou auraient sorti leur portable pour filmer. C’est mon devoir ? Plus maintenant. C’est rien ? Tu as risqué ta vie, donc non.

Tu refermes les lèvres, riant de toi-même, à l’intérieur. Ton regard est légèrement nostalgique, voire triste. Alors qu’il te remercie, oui. Non, toi tu es responsable de la maison hantée. Tu dois faire peur. Pas être un sauveur. Tu reprends, en te corrigeant, te contentant de hausser les épaules en guise de pas de quoi.

▬ J’aurai peut-être le droit à un plein gratuit, avec tout ça, non ?

Dis-tu, levant ta tasse, comme pour trinquer, la voix faussement amusée. Le visage faussement joyeux. Et tu finis ton café, d’une traite.

▬ Tu es blessé.

▬ Hein ?  

Attends.

Tu ne comprends pas grand chose alors que tu le regardes disparaître puis réapparaître avec une trousse de secours et un rouleau de scotch. Pour la vitre, et pour toi. Il précise évidemment que le scotch est pour la fissure sur la porte vitrée, pas pour ta tronche. Ça te fait sourire.

Un peu dubitatif, tu suis le regard du caissier, fixé sur ta nuque. Tu bouges un peu la tête, oui, tu sens clairement quelque chose de bizarre depuis quelques minutes. Tu lèves la main pour la coller sur l’arrière de ta caboche et tu sens une vive douleur qui te fait siffler des dents. Tu enlèves très vite tes doigts pour les ramener sous tes yeux. C’est simple, ils sont tâchés d’un rouge vif. Ce n’est pas un hémorragie mais tout de même. La plaie ne semble pas profonde. Tu as l’habitude. Ton ancienne carrière, ton ancienne formation certes mais tu es aussi un aimant à coupures.

Blessé par un gamin, la blague. Tu ricanes un peu et ressent de plus en plus la douleur. Peut-être parce que tu sais que tu es blessé, maintenant. Tasse vide vers la machine,  tu t’assoies sur la chaise haute qui borde la table. Haute qu’elle est, tu touches tout de même le sol avec tes chaussures noires.

Tu tires sur le col de ton pull avec ta main droite pour essayer d’empêcher le tissu mouillé de coller contre la plaie et pour essayer d’y voir quelque chose. Mais derrière le crâne, c’est compliqué et tu n’es pas possédé par le démon pour faire un trois cent soixante degrés avec ton cou.

▬ T’as pas un miroir, ou quelque chose…  

Dis-tu de façon distraite, tout en ouvrant la boite aux soins. Tu y vois tout le nécessaire pour te soigner et même de quoi recoudre, si jamais.

Et tu essayes difficilement de te souvenir de son prénom pour finir ta demande. Si tu pouvais le toucher, là, maintenant, ça irait mieux. Mais ça serait bizarre, non ? Alors tu puises dans ta mémoire et tu en ressors quelque chose d’approximatif.

▬ Valo, c’est ça ?  

Presque. En même temps, votre rencontre date, il était tard, après une longue journée et tu étais encore déguisé en squelette. C'est pour dire.

En tout cas, il faut y voir plus net. La capuche gène. Tu grelottes un peu grâce à l'humidité et au final, tu ne sais pas bien où est l'entaille, exactement. Donc tu retires ton pull trempé sans rien ajouter, pour le poser sur la table, pas si grande que ça, il pendra légèrement dans la vide. Tu fais tout ça assez lentement et en dévoilant la moitié de ton torse - puisque ton tee-shirt blanc part un peu avec - mais tu finis par y arriver. On peut y voir des cicatrices sur ce torse mais aussi une brûlure assez impressionnante au niveau de la hanche droite.  Le sang s’écoule sur la nuque et le haut du dos. Des gouttes d'eau de pluie s’y mêlent - ce qui aide le petit torrent sanguinolent à dévaler ton échine. Tes cheveux sont courts - voir rasés - à ce niveau, donc la plaie est plutôt simple d’accès.

Et ton t-shirt. Il attire presque plus l'oeil que les muscles en-dessous. Un magnifique xenomorphe d'Alien s'y trouve. C'est un collector et tu y tiens. Tu pries secrètement pour que le sang ne l'ait pas ruiné.
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Dim 25 Sep 2016 - 21:20
« C'est pas que je veux pas, mais faudra voir ça avec ma manager aussi. Mais elle te sera reconnaissante. »

Peut-être qu'il blaguait, peut-être que non, pour l'essence. Comment savoir. Ils ne se connaissaient pas.
Et au pire il le lui payerait, le plein.

Le goût âcre du café contre sa langue est un énième point d’ancrage dans la réalité de Vito. Il n’attendit pas avant de lever le gobelet vers ses lèvres – le breuvage était brûlant. Il avait besoin de ça. (Et d’un peu de chocolat. Mais ce qu’on veut n’est pas toujours ce qu’on a.)
La Mort avait un air confus. Il était étonnant à regarder, là, perché sur cette chaise. La table semblait écrasée par sa présence immense, le tabouret rapetissé. Ce n’était pas un homme hors normes à proprement parler. Les gens grands, ce n’était pas si singulier. C’était peut-être le contraste. La violence de l’heure passée contre une grimace inconfortable, grande main sur petit récipient. Et tout était relié par une petite coupure sur la nuque.

« T’as pas un miroir, ou quelque chose… »
« Euh. »

Un miroir portable, non. Il y avait des miroirs dans les toilettes, mais Vito se voyait mal lui dire « si, dans les chiottes, là bas. »
C’était propre. L’espace où travaillait Vito était propre. Ce n’était pas lui qui nettoyait, mais il était là depuis deux ans et ne serait pas resté si l’espace n’était pas propre.
Vito ne détestait pas grand chose. Il n’aimait pas être pris pour un idiot devant un film, mais il était bon public. Il n’était pas très exigeant dans le rôle de critique artistique, parce qu’il voyait toujours ce qu’il y avait de bon (c’était différent lorsqu’il s’agissait de lui-même, parce qu’il était humain et que son assurance n’était pas toujours au beau fixe). On pouvait lui servir de simples poivrons sautés dans du curcuma et il était content. Quelqu’un qu’il appréciait venait le voir personnellement pour lui dire bonjour, et son humeur se voyait améliorée de 75%.
La saleté ne faisait pas partie de cette simplicité d’esprit. Chaque germe devait être éradiqué. Chaque trace. Chaque miasme. Chaque mauvaise odeur.
C’était un pro.

« On en vend peut-être quelque part, par contre. Je vais aller voir. »

C'était une meilleure idée.
La station n'était pas immense, mais c'était en endroit où les camionneurs s'arrêtaient, parfois. Du coup, en plus des snacks, des magazines porno et des chewing-gums, ils avaient ajouté des nécessaires de toilette à vendre. Avec le comptoir à burgers qui avait ouvert, ça fonctionnait plutôt bien.

« Valo, c'est ça ? »

Pour la première fois de la soirée, de la nuit, Vito pouffa de rire. Valo. Il ne s'y attendait pas, alors ça fit un prrffrr un peu nasillard et bizarre, incontrôlé.
Ses pas l'avaient mené un peu plus loin, dans les rayons, où il chercha des yeux les miroirs embalés dans des boites de plastique transparent. Il était certain que sa manager ne lui en voudrait pas s'il en prenait deux pour aider la Mort à se soigner, lui qui avait sauvé la caisse, et évité à Vito un oeil au beurre noir probable. Sa manager était gentille. Stressée, mais gentille.
Dans son dos, la pluie redoubla d'intensité. Il n'y avait aucune voiture de sortie, et la lumière extérieure fonctionnait mal. Les fenêtres, que longeaient une rangée de tables hautes, donnaient sur du noir. Les sillons étaient presques invisibles à cause du reflet de l'intérieur de la pièce. Les néons grésillaient toujours au dessus des stores.
Vito pensa qu'ils auraient pu changer de dimension et se retrouver dans l'espace sans qu'ils ne le remarquent. Peut-être qu'ils l'avaient déjà fait et qu'ils étaient retournés à la normale, quelques secondes après. Il ne le saurait jamais.

« Pas exactement, non. C'est Vito. »

La suite était un peu intattendue. Instinctivement, Vito cherchait toujours le regard des gens lorsqu'il leur parlait. Certaines personnes n'étaient pas à l'aise avec cela -- lui l'était de cette manière. Il était possible de savoir tant de choses, rien qu'en observant le regard de quelqu'un.
Lorsqu'il se retrouvait face à une personne qui masquait ses émotions, qui avait un niveau de maîtrise tel qu'il parvenait à mettre un voile sur les démonstrations de son âme, Vito ne savait pas quoi faire. Il avait du mal à grapiller le reste - tension des épaules, flexion des mains, courbure de l'échine.
Pourtant, il y avait des éléments physiques qui racontaient des histoires. La Mort en racontait beaucoup. Il lui faisait dos et son regard était incaccessible, mais il y avait cette cicatrice immense sur laquelle Vito se focalisa.
Vito avait deux cicatrices sur le genou gauche, si vieilles qu'il ne se souvenait pas de l'origine. Il en avait un peu partout, en réalité. Des petits accidents ménagers, des chutes enfantines, les légères mésaventures de la vie. Mais ça ? Ca, c'était un tout autre niveau.
Vito ne vit pas vraiment le reste, parce qu'une brûlure, c'était vraiment impressionnant.

« Et toi ? Je crois que j'ai jamais su comment tu t'appelais »

Il faut dire que la Mort c'était un surnom assez badass.
Il repassa fit le tour après avoir un peu observé sa nuque et grimacé. C'était petit, mais ça ne devait pas être agréable.Il déposa sur la table les deux miroirs qu'il avait ramené. Quand soudain...

« Oh non. »

Ses yeux s'arrondirent.

« Un t-shirt si cool, tâché de sang. »

Il hocha de la tête, comme pour acquiescer quelque chose qu'il se serait dit dans sa tête. L'air compatissant. Mais il avait un sourire qui prouvait qu'il s'en faisait plus pour la blessure que le t-shirt. Il aimait Xenokun, mais quand même.

« Je suis sûr que ça peut partir au lavage. T'as besoin d'aide, pour limiter des dégâts ? »

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