Tu as simplement pris ton téléphone, tapoté un simple ''viens à l'appart ce soir'', et appuyé sur envoyé. Pas d'emoticon avec un sourire pervers, pas de ponctuation, pas de sous entendus comme vous saviez d'ordinaire en écrire. Mais rien d'inquiétant. Pas de il faut qu'on parle, j'ai quelque chose d'important à te dire. Du banal, du froid, de l'insipide, des mots qu'on dit et qu'on oublie l'instant d'après.
T'avais vomi au salon en début d'après midi, et tes collègues t'ont poussé à rentrer chez toi. Mais toi tu avais compris, et c'était pas vraiment la meilleure solution que de rester enfermée dans un espace si familier, si quotidien. Pour t'occuper l'esprit, tu avais passé plusieurs heures à ranger, trier, jeter, nettoyer. Tu as même changé certains meubles de place, notamment dans l'agencement de ta pièce à vivre cumulant salon, salle à manger, cuisine bureau et parfois théâtre d'étreintes folles, lieu de réception de quelques soirées arrosée, de consolation de chagrins inconsolable. Tout te semblait déplacé, mal rangé, pas à sa place. Comme toi. T'avais à nouveau vomi, pleuré, tu t'étais même lavée à l'eau froide pour te calmer. Puis t'avais attendu. Qu'il se pointe, qu'il t'appelle, qu'il te réponde, qu'il frappe à ta porte. Que t'entende des pas un peu lourd dans les escaliers. Tu te retenais de fumer une clope, tu en avais déjà allumé deux par habitude, avant de les écraser aussi subitement dans le cendrier. Tu aurais voulu descendre une bouteille de n'importe quoi, tant que l'ivresse t'emporte après. Mauvais plan. Donc t'avais sorti de l'eau. Fraîche. Et deux verres.
Maintenant, l'attente. Oppressante, terrifiante, insupportable. Viendra, viendra pas, viendra, viendra pas, c'était comme un refrain dans ta tête. |