quand je traîne seul en ville, je ne peux m'empêcher de bousculer les passants ; je ne prends même pas la peine de m'excuser et leur ris au nez lorsqu'ils ont le culot de m'insulter. c'est pas mon passe-temps favoris, mais entre ça et rester chez moi pour reviser comme on m'a demandé de le faire, mon choix était vite fait. alors je me suis éclipsé quand personne ne faisait attention - ce qui n'a pas été très difficile, et j'arpente maintenant les rues à la recherche d'une distraction à ma hauteur. j'ai déjà dix-huit appels manqués de mes parents, j'en déduis qu'ils ont découvert que je n'étais plus dans ma chambre et les messages vocaux menaçants qu'ils me laissent m'empêchent de me sentir mal d'avoir déserté.
c'est là que je l'aperçois, ma distraction ; une voiture de police garée dans le parking d'un mini-market, son propriétaire sûrement parti s'acheter des donuts et de la bière. je cherche à détourner mon regard mais la tentation est trop forte et un rayon de soleil vient faire briller son capot. je sors les clés de chez moi et m'approche dangereusement de la voiture pour m'accroupir devant et, avant de réaliser ce que je suis en train de faire, je commence à rayer la portière côté conducteur pour former des lettres.
j'aurais pu être un genre d'artiste incompris, avoir des pensées profondes à exprimer, mais la première chose qui me vient n'est ni poétique, ni philosophique et ce n'est sûrement pas un message pour lequel on va m'applaudir. je souris quand même, fier de mon oeuvre mediocre et me relève pour l'observer d'un peu plus loin.
"fuck you"... ouais, c'est naze. eh vous deux ! j'aperçois un policier qui court vers moi, un sachet de viennoiseries et un pack de bière entre les mains. je me retourne et comprends qu'il ne s'adresse pas seulement à moi, mais aussi à une fille que j'ai déjà croisé plusieurs fois au bahut et qui se trouvait juste à côté.
merde, cours ! je passe devant elle et m'enfui à toute vitesse. l'adrénaline m'empêche d'aligner deux pensées cohérentes, je zigzag entre les voitures sur la route, escalade plusieurs murs et finis par m'écrouler dans une ruelle étroite où je suis sûr qu'il ne viendra pas me- nous chercher. elle a survécu à la course-poursuite, tant mieux. pour une fois, je pense que c'est une bonne occasion pour m'excuser.
désolé, je voulais pas te mettre dans la merde avec moi, je crois que le flic a cru qu'on était complice ah ah. sérieux, désolé. je réalise qu'elle s'en serait peut-être sorti si je ne lui avais pas crié de courir et incité à me suivre devant un poulet, mais c'est un peu tard maintenant.