ça me glace de savoir que nous aurions pu verser nos deux sangs pour cet amour en boîte
elles sont là les carcasses d'adultes, agglutinées dans les bureaux couleur société : les chiens en cellule et ceux qui se prétendent humains à déambuler menton levé dans les couloirs. pourtant aujourd'hui monsieur n'a pas le regard haut. les prunelles d'une inexorable fatigue (seulement quand on ne le regarde pas), il soupire, frotte ses doigts dans sa paume pour s'assurer qu'il les sent encore, s'impatiente du manque de résultats des cadavres fraîchement trouvés, appuyés là, menton sur sa main. même l'humanité lui est mécanique car c'est plus facile ainsi, de faire semblant. même si john tremble, monsieur serre les poings et va toujours bien, monsieur n'a pas les iris tristes des hommes énamourés des mauvaises femmes : alors le mari, le père, l'homme, enferme toute cette négation dont il est le créateur dans une petite boite qu'il pose au-dessus des boites d'autres tailles. c'est dans ce coin là qu'on agglutine ce qu'il ne faut pas dire. un jour peut-être que cette pile informe (lui qui est si carré !) tombera et qu'il explosera mais à l'instant même elles semblent tenir et ne pas faillir alors tout va bien il peut continuer à agir comme une marionnette. il se lève là en silence et fouille dans la poche de sa veste, négligemment posée sur la chaise, et glisse une cigarette entre ses lèvres sans l'allumer le briquet va droit dans la poche de chemise. le soleil intime qu'il se dénude là, abandonne le noir du costume pour ne garder que l'éclat intact des chemises bien repassées. alors c'est sans se faire prier qu'il traverse le poste et s'arrête sur sa route (sans la tracer, monsieur a toujours une oreille pour les biches effarouchées même quand john est exténué). c'est drôle comme vos boucles lui semblent familières ce visage poupin oscillant entre jeunesse et devoir vos yeux de chienne mouillée de chienne triste bien sûr qu'il vous connaît ! après tout vous êtes la femme d'un collègue mais c'est au-delà au-delà vraiment au-delà de tout cela. plus intime, sans être comme lola (ah ! ahah), sans être tellement différent toutefois : ça ne l'avait pas saisi les autres fois. il retire la belle de ses lippes, le tabac aimé et chéri pour vous intercepter d'une main aimable sur l'épaule. madame maruyama ! bonjour, cela fait un moment depuis la dernière fois. je peux vous aider ? il affiche bien gentiment un sourire succinct et contre-façonné, ses yeux bleus plantés dans les vôtres.
Le ciel a des couleurs que ses prunelles absorbent lorsqu’elle franchit le seuil de sa porte et que son regard s’attarde sur la plaie blanche qu’un lointain avion découpe dans un nuage. Elle regarde l’heure sur son téléphone, elle s’assure qu’elle n’a pas pris de retard. Dix minutes plus tôt elle avait décroché sur un numéro inconnu et à l’autre bout du fil la voix tendre d’Adam qu’elle ne s’attendait pas à entendre, elle imagine encore la moue de ses lèvres et ses yeux qui s’égarent et s’empressent, elle devine les traits de son visage au ton de son verbe et elle sourit, elle ne veut pas être en retard. Elle dépose la sacoche sur le siège passager de la voiture, les rues sont presque désertes ou alors elle s’efforce de ne pas regarder, les yeux résolument fixés sur le rose holographique de ses ongles, elle tapote doucement sur le volant au rythme d’un air de guitare qu’elle ne connait pas jusqu’à ce qu’elle se rende compte qu’elle a le soleil dans les yeux.
Elle s’arrête à l’ombre même si elle sait qu’elle ne reste pas. Sa jupe s’accroche au rebord du siège lorsqu’elle se penche pour récupérer la sacoche, et elle manque de basculer – elle en rit toute seule par embarras, personne ne la voit ni l’entend. Elle se dit que ce qu’elle tient est fragile, précieux, et elle le garde contre sa poitrine lorsqu’elle franchit les portes et qu’elle se perd dans les couloirs. Elle sait exactement où aller pendant une seconde et puis toutes les portes se ressemblent et les visages et les bruits sont une tempête mais elle sait comment s’y prendre, elle sait comment les couleurs de maintenant s’enchevêtrent aux souvenirs et s’accrochent à sa mémoire comme des fils de soie sur sa nouvelle robe d’été, elle essaie de s’en détacher et elle bloque ses synapses, et elle ne réalise pas la voix qui l’appelle à l’autre bout, quelque part – à l’arrière de sa tête ? Il lui semble ; un souvenir ou quelque chose de loin, jusqu’à ce que le poids d’une main sur ses épaules étroites devienne réel – chaud. Que la voix à l’autre bout soit quelque part ici, qu’elle se retourne pour capturer ses mots sur la commissure de son sourire. Elle ne sait plus, pendant un bref instant, qui il est.
« Monsieur - » elle ne sait plus, vos traits, votre voix, le nom que le monde vous a donné cette fois, un collègue d’Adam, un mari ? elle vous a vu quelques fois, ce sera monsieur pour vous, monsieur et un sourire, les yeux qui se perdent sur le blanc éclatant de votre chemise, votre femme les repasse si bien, qui se lèvent ensuite sur votre visage, un instant, pas très longtemps, les doigts sur le velours de la sacoche comme si elle se voulait polie, douce, elle est bien docile sous le poids de votre main. « John. » Elle débloque ses synapses et les bruits sont à nouveau une tempête, elle est fière de s’en souvenir, brutalement, des vagues entières de votre voix – John, le collègue, voilà, ce sera John pour vous, c’est étrange ? « Bonjour, oui, pardon, merci. » Elle présente ses mains occupées comme elle récite les mots comme un enfant qui apprend à parler, bonjour oui pardon merci, elle a envie de rire. « Je cherche Adam, je me suis perdue je crois. Il a oublié ses lunettes et son téléphone. » Elle se retourne une fois, espère le retrouver là ; il la retrouve toujours lorsqu’elle se sent coupable de parler à quelqu’un. Ensuite elle regarde John, encore, elle regarde la cigarette pour un bref instant seulement. « Vous pouvez m’appeler Lullaby. »
codage par joy
Spoiler:
cette bouse est la définition même du "better late than never" je mexcuse
Invité
Invité
Mar 10 Juil 2018 - 16:51
ça me glace de savoir que nous aurions pu verser nos deux sangs pour cet amour en boîte
entre ses lèvres blanches de craie, encore tirées dans une risette, s'échappe un léger rire : un soupçon de merci, une poignée de bonjour et deux pincées de pardon. vous êtes là sur vos deux pieds pourtant ! pourtant, le rose de vos joues, semble d'autre part : peut-être des champs ? non- ce sont les tournesols qui étaient entre les amants en france, alors est-ce le soleil de votre chevelure qui renvoie aux pétales ? cette douceur terrasse les bohèmes bleues, mélancoliques comme un picasso. vous avez des mots simples et il retire sa main pour ne pas paraître trop insistant, est-ce lui ou avez-vous réellement cette odeur de rosée, d'herbe fraîche qui colle à votre peau ? ah eh bien, dans ce cas vous pouvez m'appeler john aussi. il fronce les sourcils et examine les alentours calcinés de malheur et de froideur, ou la vie grouille sans resplendir : où est la mécréance qu'il ne soupçonne pas ? tant mieux ! tant mieux s'il n'est pas là car même s'il ne le sait pas, ça l'empêche de vous pousser dans les bras de la violence elle-aussi- elle aussi azure. il semblerait que le bleu soit une bien maudite couleur dans cette ville. mh... il ne semble pas être revenu de sa pause, ou peut-être est-il en vadrouille. il revient à vous avec ses yeux qu'il ne veut pas couleur ciel puisque c'est une teinte de malheur. je peux vous proposer un café pour patienter peut-être ? puisque vous êtes pêche, il n'y'a pas de cyan par ici je m'en allais fumer dehors, si vous souhaitez m'accompagner. toujours là, cette demi-lune au visage pleine d'indulgence ; vous êtes un bien joli et jeune couple. john aime votre ferveur à venir déposer ce que votre aimé a oublié sans broncher (ça ne lui arrive jamais, il n'oublie jamais rien), monsieur est contrarié par la maladresse de son collègue. ne vous a-t-il pas dit qu'il était john ? alors il se contentera d'apprécier votre dévouement. il attend votre réponse quiètement.