histoireCostar cravate vissé, serré. Wiat ne va pourtant pas au bureau pour travailler... Mais c'est le seul moyen qu'il a trouver pour camoufler le manque de réussite qui le poursuit. Costume de super-héros pour acquérir la force de mener une vie ordinaire. Du moins... En donner l'impression.
Malgré tout ce que Wiat n'a pas, on ne peut pas lui retirer cette classe naturelle parfois entravée par les aléas de son existence. L'effet fait mouche un moment : si on ne le connait pas, si on ne lui parle pas, on se laisse piéger par l'image d'un homme qui marche droit, sourit joliment... Mais tout à coup glisse...
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Ses lacets n'étaient pas bien faits...
Charmant, certes, mais Wiat n'a jamais compris qu'il ne suffit pas de ressembler à un agent secret pour le devenir.
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Petit gosse, ses nouvelles chaussures aux pieds trempent déjà dans l'eau croupie de la cours d'école. Il regarde, stupéfait, le blanc se faire manger par l'avancée d'un brun sale. Un lacet est noyé, ses mains glissent dans la vase pour le rattraper et le ranger avec la délicatesse de doigts propres et hésitants. Il se penche doucement et des mains cruelles en profite pour le pousser.
Les coudes, les genoux et un bout de nez viennent rejoindre les mains plaquées contre terre et l'incompréhension de Wiat le fait s'écrouler un peu plus, écrasé par les rires de ses vilains camarades. Plutôt que de se relever tout à fait, il baisse la tête en regardant ses habits, pourtant si jolis, qu'on s'amuse sans cesse à salir.
Il se demande pourquoi. Il demande pourquoi. Mais ses larmes ne renvoient qu'un pitoyable message de faiblesse qui accentue les rires.
L'école est une grotte où les moqueries résonnent et s'enchainent sans cesse. Une prison où Wiat ne veut pas aller, un supplice qui se répète chaque jour. Alors l'intérêt pour les cours s'efface, remplacés par la peur du prochain lynchage.
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Dès qu'il en a eu l'occasion, Wiat s'est tiré et il a couru. Couru après des boulots d'adultes taillés trop grands pour lui, comme ses costards qu'il a commencé à porter avec obstination. Parce que ses rêves se cachaient dans la police, le FBI et l'espionnage, embrumés par des films et des séries qui faisaient briller ses yeux de gamin martyrisé. Wiat a essayé, tout tenté, mais les rires le poursuivaient où qu'il aille, sans arrêt. Les mains dédaigneuses lui disaient de se trouver un job à sa mesure : insignifiant.
Le regard fatigué, il s'est un peu résigné sans se rendre compte des quelques talents dont la vie l'a doté. Lui et son frère enchainent des petits boulots divers au point d'ouvrir leur propre petite boîte : L'Agence Tourisk. Plutôt que de chercher sans cesse des tâches à remplir, la ville entière les appelle directement pour de petits travaux pas compliqués. Les habitants aiment bien le duo de frère mais les prennent surtout de pitié.
Mamies en détresses, objets ou animaux perdus, la fratrie se lance à corps perdu pour rendre service tant qu'une jolie récompense les attend. Wiat, qui a le sens de la discussion s'occupe souvent de distraire des personnes âgées qui s'ennuient, son charme maladroit égare les dames de leur quotidien gris.
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