gabriel ne redoute pas il est bien fatigué pour émettre ce genre d’aura de questionnement il se doit juste de l’annoncer proprement pour tourner la page (comme si cela suffisait quand le livre est pourri jusqu’à sa couverture)
l’instant est solennel avec la droiture des annonces sans retour des
je pars
sans mouchoir blanc
il laisse croître un faible sourire d'apparat un sourire masque (il sait que vous savez ludmilla lui sait lire dans les cartes grâce à son esprit bleu myosotis grâce à un pouvoir qu’il préfère taire)
il sait que vous vous doutiez mais c’est aussi à lui gabriel d’étaler les cartes et de vous expliquer leur signification une à une dans son histoire de les replacer oui
il toque là régulier et lent comme une pendule nez sous écharpe
il attend quelques instants et ouvre la porte en saluant du bout du nez
d’un mouvement de tête respectueux
il retire la laine là sans se presser minutieux et sans maladresse avant de s’installer face à vous
merci à toi de me recevoir.
il est droit dans son siège et il sourit un peu gêné- son regard est planté dans le vôtre mais il semble contempler un immense vide
tu te doutes de la raison de ma venue ici. je voulais te remercier de ta bienveillance, surtout que mes absences ont été plus régulières depuis l’arrivée de daphné et léo.
il reprend une respiration calme pour continuer de sa voix monotone et fade : le gabriel sans passion qui ne s’éteint toutefois jamais
c’était une fuite de venir parmi vous et il faut croire que ça ne suffit pas, le passé revient toujours au galop avec ses indésirables. il me doit donc de fuir encore.
il ne sourit pas il ne pleure pas il énonce- comme une fatalité sans ponctuation
un calme olympien faisant battre lentement ses veines

elle est bien courte l'éternité puisqu'on ne sait où est son bout : il n'y'a peut-être aucune promesse de fin et peut-être qu'au fond- qu'au fond ne pas savoir a un aspect rassurant.
il ne soulève rien mais ses fuites à lui sont pour toujours, après tout elles sont en lui- dans ses regards et ses maigres soupirs ; ses départs se déploient dans son rien ; elles se complaisent dans cette fadeur creuse que l'on nomme gabriel.
peut-être y'a-t-il un mince sourire qui s'échappe à ses lèvres sans charme à vos mots
peut-être oui, est-il heureux de vos tendres injonctions et de votre sincérité à son égard (l'est-ce ?)- il ne pense pas savoir rendre les gens épanouis ou tranquilles mais il peut croire oui, il peut avoir l'audace d'imaginer que c'est possible qu'il vous ait arraché un sourire.
une ode à la joie dont la dernière mesure est présente à l'instant
c'est bien aimable pour une mère corbeau, ou peut-être noire colombe, d'avoir accepté qu'un vieil oiseau écorché vienne se nicher parmi vos oisillons : il vous est infiniment redevable (de cet infini qui n'a toujours pas de fin- ni court ni long)
où ira-t-il avec ses ailes nouvellement écorchées par d'autres pies moqueuses tout en droit de l'attaquer, c'est une bonne question ! alors il pèse ses mots en entrouvrant sa bouche et se permet enfin sans éclat
je ne sais pas.
il regarde ses mains comme un enfant, fuit la raison et son devoir d'adulte de vous fixer droit dans les yeux : il le sait ! il sait, que vous êtes aussi une fausse adulte car les gens de cette maison font bien semblant d'avoir grandi.
ce sont de fabuleux imposteurs quand il s'agit de mentir à ceux qui sont raisonnés
vous lui pardonnerez bien de parfois, s'échapper sans fierté
il me reste encore un peu d'argent, je finirai bien par trouver : il y'a du boulot à foison dans cette petite ville. il me suffira de toquer à la bonne porte.
les manières le veulent alors il ne peut pas terminer sur cela- il se doit de faire semblant de dégorger d'humanité
savez-vous comment daphné se porte ?
il a bien jeté cette donzelle à la poubelle, il l'a chassé de sous son toit l'autre soir mais il ne doit pas passer pour le sans-coeur
il n'est pas le méchant de cette histoire, il en est persuadé.