caractère
La tête dans les nuages, Céleste.
La tête dans les étoiles, Céleste.
Un peu trop tête en l'air, Céleste, on te l'a toujours dit.

Trop perchée sur ses calculs et ses théories et ses travaux et son tableau et l'oeil fixant inlassablement la lentille.
À trop regarder en l'air, elle en a oublié de regarder en bas.

Ô, Céleste, on lui a bien souvent reproché
d'oublier un peu trop souvent son environnement. Comment veux-tu comprendre l'univers si tu ne t'efforces même pas de comprendre ce qui t'entoures?
Quelle valeur donner à la vie, avait-elle répondu
si nous ne sommes que de la poussière d'étoile.
Penses-tu que ce soit aussi simple? lui avait on rétorqué.

Mais pourquoi cela serait-il compliqué?
L'univers s'explique bien par les mathématiques.
Il faut juste trouver les réponses.
Trouver les réponses trouver les réponses trouver les réponses trouver les réponses et
tout finira par s'éclairer
aussi facilement que 2+2 = 4.
enfin, la lumière

Elle essaie de faire bonne figure, Céleste.
Oiseau de nuit, elle parcourt les étoiles et connait les constellations et ne vit pas le jour elle en oublie la vie alors que pourtant
elle cherche des réponses sur la mort
la trouvera-t-elle dans les étoiles?
peut-être, pense-t-elle, puisqu'autrefois nous étions poussières d'étoiles
et qu'elle passe son temps à
observer des êtres morts.

Quelle sensation étrange dans son coeur lorsqu'elle avait comprit que
ces merveilleuses lumières dans le ciel qui avaient montré la voie à tant d'aventuriers
étaient déjà mortes depuis des années déjà
et elle, l'était-elle aussi?
et sa maman, était-elle en vie?

Céleste veut comprendre
elle veut
savoir
la vérité
elle veut
savoir
où est maman

alors peut-être qu'en observant les étoiles
qu'en étudiant des morts inaccessibles
en essayant de comprendre ce que tous ont peut-être été un jour
en essayant de voir où elle se trouvait avant
alors elle pourrait savoir
enfin
ce que la religion n'avait jamais su lui dire.

C'est à la sueur de ton visage que tu mangeras du pain, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre, d'où tu as été pris; car tu es poussière, et tu retourneras dans la poussière.


Ingenieur, docteur, ce sont des jolis titres.
Mais du haut de ses 30 ans résolus, Céleste a besoin d'aide pour qu'on lui dise où elle se trouve.
pour qu'on lui raconte la vie
pour qu'on la suive à la trace pour qu'elle ne se perde pas et ne se dérobe pas.

Un peu trop curieuse, sans doute, Céleste
Un peu stupide, aussi, Céleste
quand ça ne concerne pas ses stupides cailloux volants.

Un peu trop obnubilée sa vie orbite comme un corps céleste autour d'un objet plus gros encore. Attirée par l'attraction dont elle ne peut se défaire.

Et l'angoisse de la mort et de l'inconnu et du début du début du début du début du début du-
qu'y avait-il avait le commencement de tout?
car il y a toujours un début et
une fin
et ce frisson et ce froid glacial qui parcourt encore et encore sa nuque et son crâne tout entier quand elle se retrouve seule
isolée
face à des choses qu'elle ne comprend pas et dont l'univers refuse de lui confier la réponse
elle le déteste.

Elle en a la haine, comme de tout ce qui lui échappe.
Céleste doit savoir. Elle s'accroche comme une vipère qui ne lâchera jamais
oh non jamais
son étreinte mortelle avant d'avoir dévoré toute sa connaissance.
Elle veut poser des chiffres et des choses rationnelles sur tout ce qui l'entoure et même les
hommes
et ça en devient agaçant
de la voir toujours chercher une raison et un but et une utilité alors que parfois
il n'y en a tout simplement pas.

À trop chercher pourquoi elle existe
Céleste en oublie d'exister
alors en attendant,
elle pianote encore encore et encore sur un clavier usé
observe les étoiles de ses yeux myopes
et dort quand la lune cède sa place au soleil.

Elle sort parfois de son antre
le visage trop maquillé et le sourire faux
faisant croire qu'elle a laissé ses chiffres de côté mais
elle n'écoute qu'une demi oreille ce que vous lui racontez.
Céleste réfléchi réfléchi encore encore encore encore et
on lui hurle stop stop stop stop stop
Mais le soir réussi toujours à se délivrer des chaines du soleil et sa cape sombre vient silencieusement déverser le sommeil sur la citadelle et l'isole encore une fois.

Mais si Céleste s'isole
c'est pour mieux retrouver
les sourires et la joie et les larmes et
les tumultes d'une vie joyeuse
comme celle qu'elle possédait avant ses 17 ans.

Car elle pensait que savoir
lui permettrait de se défaire de cette peine et cette tristesse qui la dévore et
retirer cette culpabilité et faire fuir ce sentiment dérangeant qui gratte gratte gratte sa peau et son crâne et murmure à ses oreilles de sombres pensées
mais l'éclipse en avait vraisemblablement décidé autrement
et dans un rire moqueur
a déchiré un à un
tout ses carnets ses dossiers ses feuilles de calculs ses théories
toutes
ses
connaissances

étaient fausses.