C'était cette après-midi sans succès, mouillée, comme ces après-midis qui s'éternisent, le ciel peint dans un nuancé de gris, celles que l'on contemple vainement de chez soi, la vague à l'âme. Et puis le froid caressant, une gifle mordante sur les joues, le vent venait soulever un grincement entre les roulottes puis finissait sa course dans les grandes toiles. On entendait alors un froissement surgir du grand chapiteau qui sonnait là comme d'une grande importance, ou bien donnait l'impression qu'il y avait encore une attente, comme quelque chose d'imminent qui bouleverserait l'instant, le précipiterait vers sa fin, sa chute.
Mais Salome se tenait là, vagabonde, son menton relevé lui prêtant ce petit air snob qui ne lui allait pas. Et l'air chargé d'humidité rendait ses boucles rousses tempétueuses, frisées, débordant de son chapeau cloche noire. Les narines frétillantes, la jeune femme renifla encore bruyamment en dévisageant les lieux désertés. Mais on ne s'offusquait plus de la trouver là peut-être, car elle appartenait maintenant à ces apparitions soudaines et capricieuses, indésirables et parasites qui polluaient parfois le cirque de ces âmes d'artistes égarées ; la sienne persistait à vouloir hanter une existence en particulier.
La lueur du jour se fânait toujours, mais peut-être une éclaircie coulerait dans ses regards. Car même la voûte céleste avait fini par ternir le roux trop rouge de Salome.
Leo devenait parfois cette urgence secrète nécessaire à son équilibre précaire, car ainsi l'avait-elle décidé, par son orgueil chevronné. Elle ne voulait pas le connaître pourtant, sinon entretenir le mystère qui se nouait autour du cirque et de son habitant. Léo qui portait le nom d'un lion. Léo qui faisait danser entre ses mains agiles toute une pléthore de couteaux. Léo dont elle aimait se lancer à l'abordage pour mieux se laisser sombrer, Léo qu'elle ne comprendrait jamais ni n'aimerait. Léo qui lui renvoyait le reflet de sa chaire affolée, parfois détestée, de ce goût de l'excessif qui finirait par les empoisonner.
Elle n'était pas belle à regarder, Salome. Elle portait sur sa figure les marques de l'hiver, son grand air d'épouvante, ses yeux cernés sous son maquillage coulant, les tâches de rousseurs qui viraient blêmes. Elle avait même l'air en colère, Salome, lorsqu'elle regardait les choses comme ça, bouche ouverte, regard figé. Et elle disait :
_ Leo qu'est-ce que tu fais aujourd'hui, qu'est-ce que tu fais ce soir ? Tu voudrais pas me faire ton numéro, je suis d'humeur aujourd'hui oui à te voir traîner tes couteaux, à sentir dans l'air le vol du fer, je veux de l'excitation et du danger. Pourquoi tu n'apprendrais pas à jongler, pour changer.
Et ça ne la faisait pas rire non, mais avec son air de sale humeur, on s'attendait pourtant à la voir rire à n'importe quel moment.
_ Leo sous le chapiteau.
Le Lanceur de couteaux
hellébore
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Ven 10 Nov 2017 - 18:31
La pluie pour Léo est un affront ; privé de son char de feu et de ses échardes de soleil, il jette au ciel des regards de colère divine. Et la pluie apporte avec elle son enfant terrible - sa fille des vents, ardente et épicée, qui l'attend sans crier gare comme aux portes des Enfers. Il écrase sa cigarette sous ses chaussures cirées en la voyant approcher, en l'écoutant battre les zéphyrs. Un morceau de rire s'éteint comme une cendre sur le souffle de Léo, moqueur, infantile de dédain. Entre ses doigts, il fait nonchalamment tourner une lame, moins pour se garder des Perséphones hallucinées, que pour lui laisser sur le regard l'entaille d'une arrogance assurée. ‹ T'es pas jojo aujourd'hui Salome. ›
Léo fait celui qui n'a pas besoin, celui qui n'a pas le nez pour le danger ni la faim du vertige. Il minaude comme ça, entre le cliquetis agaçant des couteaux et son sourire de soleil mangé, mais Salome à son seuil réveille toujours un cynisme inévitable. Des pléthores de moqueries à son reflet faussement céleste, des cynismes qui font monter sur les ponts. Il a un rire rose et déployé pour se défaire de la nuit hagarde, où il a déjà les deux pieds. ‹ Tu veux toujours beaucoup mais tu ne mérites rien ma pauvre fille. › Pauvre fille, il laisse tes lèvres sanglantes de cinglée à la portée de ses couronnes dorées : dès que tu lui marches sur les pieds, tu te renverses sur son ego. Salome lui fait concours à la pointe de ses cils fous, elle lui régurgite les outrances dont il aime se parer, et son nom sans fantaisie. Ça pique dans les plaies, ça le fait sourire. Cette petite misère folle, il ne manque jamais de vouloir l'écraser : comme ça, à la volonté de ses lames, crever la boursouflure rougeoyante de son exubérance juste pour se faire plaisir. Comme pour la contrarier, il referme la lame dans l'intérieur de sa paume, et la remet dans sa poche. Elle veut le spectacle : Léo a décidé que ça sera lui qui fait le théâtre aujourd'hui. Les yeux espiègles, il croise les bras sur sa poitrine, se balance drôlement sur les talons de ses pieds. ‹ Pourquoi tu postules pas au cirque si tu veux tant t'amuser ? Des bêtes de foire dans ton genre, jamais plus on n'en croisera. ›
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Ven 10 Nov 2017 - 23:26
vinegar & salt
salome & leo
Elle tiquait un peu, rien qu'un peu. C'était vrai qu'elle était pas jojo Salome, elle y pensait parfois, mais elle ne se vexait pas, sur tout mais pas sur ça. Car elle savait se rendre désirable, car elle savait comment les faire courir les hommes, car elle savait pour toutes les autres fois de la vie. Et puis dans le fond, ma pauv' fille, être jolie, quand on manquait de grâce, être jolie lorsqu'on avait le style maladroit. Etre jojo devant un homme qu'on ne convoitait même pas. Etre jojo pour les beaux yeux de ces gens-là.
-J'm'en fous. J’ai pas besoin d’être jolie, pas pour toi.
J'm'en fous. J'm'en fous de ce que tu penses de moi, j'me fous de tout. C'est pas tes mots qui changent quoique ce soit. J'veux pas être belle, parcequ'être belle quand on a rien, c'est se moquer de soi. J'veux pas de cette chance là si le reste ne vient pas. Mais un jour tu verras quand même, tu verras et ça te rongera. Mais j'veux pas de votre beauté lisse, j'en veux pas moi de tous vos artifices, de votre bien-pensée, de votre conformité. Je veux être moi comme j'ai le droit d'avoir envie d'être moi. Et puis y'en a qui disent qu'être moche ça rend beau. Tant pis. Qu'est-ce que t'en sais d'abord du jojo des gens, de ce qu'ils méritent. Comme si même ça, ça n'appartenait qu'à toi.
-On ne vit pas en méritant ce que l’on veut. On prend, c’est tout. Mais tu n’y connais rien de toute façon : t’es juste un lanceur de couteaux, un de trop. On en fait à la douzaine dans la ville d’à côté. Tu as tes couteaux mais qu’est-ce que tu as d’autre ?
Et il devait avoir tellement plus que ça, mais est-ce que ça lui creuvait le cœur de se dire ça, est-ce que sa lame ne se jouait pas déjà de sa chaire alors qu’elle se sentait défaillir sous le cynisme du lion. Et la colère remuait en elle semblable à une mer houleuse. Ca glissait à l’intérieur d’elle-même, comme une baignoire que la pluie ne cessait plus de remplir. Sa langue se teintait d’acidité, elle s’aiguisait sûrement en secret, car il y avait tellement de raisons. C’était une fièvre folle qui ruisselait le long de ses tempes. Les lames des couteaux de Léo se reflétaient à la lueur de ses prunelles ; l’inclinaison les faisait luire. Et ça sortait déjà flétri, précipité puis jeté du versant de sa bouche fétide, douce immondice.
-De l’égo.
Et dans cet apparat de moquerie qu’il revêtait si bien, dans ce reflet qu’il lui tendait, lui rejetait depuis le plat de sa lame, pacotille d’artiste, Léo le lanceur de couteaux était certes riche de son arrogance mais bien pauvre du reste. Mais la sale Salome se serait indignée de se faire ainsi injurier. Elle serra les poings jusqu’à s’y enfoncer les ongles, là dans les poches de son grossier imper kaki bien à l’abri du cynisme de l’artiste. Quelle bête de foire était-elle, elle dont l’exubérance avait tout à réclamer aux hypocrisies et aux sourires factices. Elle n’était pas de celles non qui trompaient la fougue, ses exécrables manies pour un sourire qu’elle savait perfide.
Salome voulait de la scène, Salome voulait des lignes et des lignes de textes à réciter, à débiter, à vivre et à ressentir, elle rêvait d’illustres tragédies, et celles-ci dansaient dans les regards pointus de Léo, à la frontière de ses lèvres maudites. Salome avait tout oublié. Tout sauf le secret d’une vie qui s’était un jour brisée, et elle savait que sur les récifs de jadis son âme n’avait pas été la seule à se fracasser. Le cynisme de Léo n’était qu’un odieux mensonge et Salome oubliait parfois qu’il suffisait de se contenter de ce jeu de miroir qui les dépassait parfois, de ces relents d’exubérance qui coulaient naturellement entre eux, devant eux, par eux, pour eux. L’éclosion.
-Causes toujours, t’as le nom d’un lion mais tout le monde sait que tu tiens du chiot.
Léo réveillait en elle des grimaces déchirées par les frasques et affres de jalousie, d'envie. Elle aurait désiré tout abandonner encore pour ne vivre qu’un soir d’innovation sous la chaleur des projecteurs, la tiédeur de la nuit plus chaude sous les teintures et les costumes de magie. Et puis la lame s'en était allée après sa ronde, et l'idée volatile, des rêveries de cirque s'étaient évanouies en même temps que le couteau de l'artiste. Silence sur la piste.
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Mar 14 Nov 2017 - 19:26
C'est quoi, cette petite indolente à la langue effilée - cette Méduse mal léchée, elle lui prend son accent et son auréole. Leo dénudé n'a plus que des petites flaques de colère pour pleurer. Ça monte dans sa gorge et derrière ses yeux, c'est acide et un peu vilain, de la boue dans l'œsophage couleur Salome. A défaut de savoir se hisser au soleil, elle le tire dans le noir ; dans la fange plébéienne de sa misérable existence. Il touche terre, privé de son éclair et de ses chevaux ; Leo redécouvre le vide vertigineux des hommes. Alors Salome devient un reflet malade, à l'angle déchaîné de son regard maintenant infiniment terrestre ; un reflux des passions, la maladie spectaculaire des rêves mal cautérisés : rousse et affriolante, refoulée à toutes les portes des paradis.
Mais cette souillon, ne doit-elle pas lui manger dans la main ? Ne lui a-t-il pas appris à retirer les échardes des souvenirs de ses yeux ? Au lieu de le couvrir de merci dorés, elle brise sa couronne. Leo moqué du fond de lui-même pince ses lèvres (égoïstes), fronce un peu ses sourcils (lacunaires). Il est pris au cœur par la sorcière. ‹ Au moins j'ai un talent, personne n'applaudit les vendeuses. › Alors les doigts sur les gouffres, ça déchaîne le lion des dernières heures sur la colline, ça le fait rugir méchamment. Il brise un sourire qui est rictus, fier et brûlant comme la torture. ‹ Moi je suis un artiste et toi t'es qu'une godiche. › Laisse les anges voler, les petites gens comme toi ça se presse sur les bancs du cirque. Moi un artiste - même les pieds au bord du gouffre, il sera acclamé. C'est une certitude aveugle qu'elle peut bien essayer de déliter : il n'y a qu'à ça qu'il puisse se raccrocher. Ça plutôt que de mourir dans le noir : il s'est déjà fait mille tombes à Chicago.
Il connaît déjà la petitesse de son horizon, il en sait la démesure - face aux mers de feu, de Salome et l'exubérance. Mais Leo veut ravaler la terrible jalousie, et la brûlure de la vérité ; sait surtout la différence entre le chiot et le lion : que cette petite conne reste à lécher ses plaies à l'ombre, lui il veut paralyser la savane. ‹ La preuve : c'est toi qui vient aboyer chez moi. ›
Méchant car il n'a que lui pour se sauver, et puis l'autre fille.
Percé d'acidité et redécouvrant la suffisance, Léo ne résiste pas à l'appel du vide. ‹ Crache tant que tu veux - au moins, moi j'ai quelqu'un qui m'aime. › Toi Salome, personne ne t'empêchera de sauter.
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Mer 15 Nov 2017 - 22:33
vinegar & salt
salome & leo
Son sale tic nerveux était revenu grignoter les marges de ses lèvres. Et la figure défigurée par l'ombre rougeoyante de la colère, Salome grinçait. Oh elle grinçait, mouvementée, et la pluie ruisselait toujours mais Salome passait de la rage marine au souffle du volcan. Elle crépitait, et soudain le ciel n'était plus assez gris pour couvrir son grondement.
Salome aspirait les infamies de Léo et car elle était mauvaise, elle ne ressentait point la tristesse. Mais il ne lui apprenait rien, rien qu'elle ne savait pas déjà, un rien qu'elle ne supportait pas. C'était dans ses veines, le sang bouillonnant comme autant de petites billes de lave nageant à contre courant sous l'épiderme, des vaisseaux peints en rouge pour aller en guerre.
-Parce que jeter des couteaux de cuisine autour des fesses de ta copine t'appelles ça de l'art ? T'es un merdeux Léo, un sale merdeux.
Il se sentait tellement important, tellement privilégié d'être aimé. Et ça lui laissait tantôt un goût d'amer, tantôt une morsure acide aux commissures.
-Aaaah... Et poussant un petit soupir d'aise, trop exagérément doux, Salome enferma son visage entre ses dix doigts. Sa bouche en forme de cœur pour murmurer tendrement, à cœur innocent. Le petit Léo est aimé ? Il se sent spéciaal, si unique, si privilégié, enfin quelqu'un qui pense à lui, et ça le met au-dessus de tous les autres... Un vrai artiste oui. Versé dans le pathétique et la pacotille.
Un sourire cruel ourla finalement ses lèvres, et la fausse innocence creva dans ses yeux comme son visage s'évadait pour mieux jeter contre Léo ses désillusions mauvaises, ses prédictions de malheur.
-Qu'est-ce que tu crois ? Tu vas l'épouser et vous allez prendre un chien ? Quel grand dessein monsieur l'artiste en herbe ! De la chiffonnade d'amour oui !
Mais elle se précipitait, berçée d'acidité tandis que même sa diction semblait vouloir lui échapper, car Salome était vive et le corps élancé elle gagnait soudain de cette noblesse d'antan, sa dignité ébourriffée mais toujours droite comme un sordide épouvantail, mode de sorcière œil fendu de mépris.
-Ecoute ça bien l'Artiste, parce que la godiche elle a deux trois trucs à t'apprendre : ta copine, elle va te larguer. A la seconde où elle se rendra compte que t'as rien d'unique. L'amour c'est comme une fleur, d'abord ça éclos en infidélité et après ça te crève entre les bras.
Et agitant ses longs doigts osseux devant les yeux de Léo, mimant la chute des pétales d'un amour fané, la voix ralentie un "boom" secret décrit dans l'air, joie terrible de l'explosion ; ce fut un éclat de pitié enfin qui plongea son visage dans l'obscurité. Alors elle pensait Salome que ce qui gonflait Léo de vanité, ce n'était pas grand chose pour le savoir pour l'avoir vécu pour l'avoir regretté pour s'en être enfin débarrassé. Elle aurait voulu lui chuchoter de ne pas s'inquiéter car même ainsi on pouvait très bien s'en passer, mais elle n'en fit rien car il ne le méritait pas après tout. Il méritait qu'on lui empoisonne l'ombre de son bonheur, qu'on ternisse oui cet élan de certitude insupportable car rien n'était jamais acquis. Il méritait de croire ne serait-ce qu'une seconde funeste qu'elle était le futur de ses amours bannis. Folie folie folie.
Mais si Salome pouvait s'arrêter, mais si Salome pouvait maîtriser les éboulements de lave en fusion, l'incendie ravageur. Car la pluie oui cascadait toujours sur les rivières ensanglantées de ses cheveux, car ses tâches de rousseurs éclataient comme des bulles de savon sous les flots du ciel.
Elle avait pour elle le style hardi au-dessus de ses bas résilles, le faux cuir de sa petite jupe pour l'impudence, et tout clamait trop haut la violence pas jojo alors que se succédaient dans ses regards sa foule de sentiments, fougue d'emportement. Dis-lui toi Salome comme tu le hais quand il croit, juste comme ça, qu'il vaut tellement mieux que toi. Tête basculée en arrière pour ne rien manquer de cet air suffisant, regard endurci, c'était toute sa cage thoracique qui se soulevait lorsque du bout du nez elle aspirait l'énergie artistique qu'il lui inspirait, lorsque les mots jetés, crachés réclamaient encore l'abandon. Cela partit comme le cri d'une rage couvée, précipitée soudain dans le grand horizon emporté par les ailes enflammées de la déraison.
-Tu crois faire quoi ?! Tu crois que je suis jalouse de ton pauvre amour ?! Tu crois que je t'envie ? Tu crois ? Tais-toi ! Ses doigts tirant sur les bordures de son chapeau noir, enfonçaient sa tête sous le tissu, tremblante acharnée pour un ultime hurlement décimant l'orage car le tonnerre gronda.
-TAIS-TOI !
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Dim 19 Nov 2017 - 19:05
Un orage aussi vrai que le ciel gonfle dans le cœur de Léo, aussi noir que celui qui noie les vipères ; et qui menace de sa foudre d'offense toute la boue des hommes. C'est aussi réel que les aiguilles des scorpions, à même sa moelle d'amours de cinéma, et ça met des venins endoloris dans sa langue, ça jette les éclairs chauds dans sa prunelle. Il ne sait pas se défaire de ce cheval de colère, en boule infantile dans la poitrine ; qui enfle de sa certitude souveraine de la fin des temps. Léo est jeté au bord de lui-même, les couteaux sur la nuque et la furie dans les paumes : et il se révèle comme ça, avec la fièvre de les tendre, pour étrangler de ses soleils ce Léviathan de noirceur. Il bouillonne de sa propre flamme ne voyez-vous pas, huilée par les langues d'une gorgone des caniveaux.
Mais c'est bien ça, qui interrompt sa main et l'incendie de sa folie : il y a dans ce pétrole, l'odeur entêtante de la jalousie. Ça étourdit Léo dans l'absence des justes, et il y a un rire fou qui éclate finalement au silence, craché de ses nerfs. Il passe une main sur son visage toujours brûlant, sans jamais se faire tarir, hilare d'ivresse, ivre de son reflet : c'est parti tout seul. ‹ Tu es folle ! › Il écrase dans un geste ostensible une larme de rire au bord de son œil. ‹ Salome tu es folle ! › Mais il ne peut pas retenir, c'est ce qu'elle a demandé : avec Léo c'est toujours le théâtre. Son souffle prend le feu furieux d'une autre salve. ‹ Tu es folle, ah, et tu me fais pitié. ›
Ses yeux ne rient pas du tout, mais sa bouche, rose, dangereuse, sa bouche ouvre la pluie et le soir. Il rit du piège, surtout, il rit de s'être cru aveugle, et d'avoir voulu brûler pour se souvenir de la lumière. Ça finit par mourir sur le sourire des victoires certaines, comme il sait bien le faire, sur la suffisance rayonnante de son étoile. Il sourit pleinement dans la fleur de ses amours, pour Salome qu'il a crue bonne adversaire - mais la risette n'est que pour une harpie aride. ‹ Tu es jalouse et ta vie c'est de la merde. Le silence même ne peut pas avaler ça ma fille. › De la musique pour lui - ‹ Tu es jalouse de moi. ›
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Lun 20 Nov 2017 - 12:00
vinegar & salt
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Le haut du visage complètement enfoncé sous la cloche noire de son chapeau, Léo était un tumulte qu'elle devinait sans voir, qu'elle sentait du bout du nez comme un parfum délicat. Elle en cornait fébrilement les bords de son chapeau. Les lèvres qu'elle se mordait doucement, elle maudissait en silence leur nature respective. Car elle était la lave impuissante qui après avoir tout englouti venait s'écouler pour mourir dans le fleuve tranquille qu'il était.
▬ Tu dis ça parce que tu es fâché.
Et cela devait la réconforter. Il y avait des mots qui écorchaient d'un peu trop près son épiderme, comme une blessure pas si grande, pas si importante, mais que Léo savait malgré tout très bien pincer : c'était là un couteau qui n'était pas assez émoussé.
Elle voulait bien le mordiller sans lui faire saigner des rivières. C'était un sentiment inattendu qui la saisissait sans prévenir lorsqu'elle l'avait sous les yeux, peut-être parce qu'il lui semblait qu'elle était encore une fois la seule à bouillir vraiment. C'était une gêne au niveau de la mâchoire, des joues qu'elle creusait et qu'elle creusait jusqu'à s'en faire mal, et des yeux qui roulaient une fois dans leur orbite avant d'abandonner tout à fait toute fougue trop invective. Et des soupirs las devant le chuchotement de sa voix. Elle ne voulait pas être raisonnable pourtant. Mais c'était ce sentiment curieux qui l'interdisait tout à fait d'aller trop trop loin, qui l'empêchait aussi de couper le lien qui l'unissait, qui lui faisait froncer les sourcils, l'abandonnait un bref instant dans l'hébétement, la laissait un peu démunie aussi. Embêtée. C'était le sentiment désagréable et détestable de devoir éponger une dette trop lourde ; Léo était en quelque sorte le créancier de ses souvenirs égarés.
Elle écrasa son talon dans une motte de terre, encore et encore.
▬ Je veux pas de ta pitié.
Et cela lui venait malgré tout difficilement, avec un mépris juste, une mauvaise foi de soi derrière des lèvres tremblantes, des regards qui ne s'apaisaient pas. Mais elle taisait dans un effort surfait les médisances qui se tordaient dans des petites grimaces qui ne cessaient d'enlaidir encore son visage. Léo la rendait laide.
Et redressant enfin son chapeau elle se retourna pour ne plus le voir, balaya le sol boueux, l'herbe baveuse et essuya d'un revers de manche la pluie sur son visage. Puis en relevant les yeux vers le ciel, elle distingua un petit point très haut au-dessus d'elle. Alors, brusquement, elle changea d'humeur, esquissa un pas en avant puis un autre et se précipita.
Elle rêva une éclaircie contre sa peau, elle rêva une étincelle sur le rouge criard de ses cheveux, et étirant ses bras, déliée, toute offerte à la fureur du ciel, elle aurait semblé attendre un foudroiement qui ne venait pas, et fermant les yeux comme le tonnerre grondait toujours sans s'abattre, envahie d'un sentiment de toute puissance elle cria :
▬ Va te faire foutre avec ta pitié va te faire foutre avec ta vie d'artiste va te faire foutre avec ton amour et va te faire foutre tout court !
Dorée sous les rayons de pluie elle tourna alors sur elle-même jusqu'à s'étourdir la vue, jusqu'à s'embrumer l'esprit. Et les couleurs du chapiteau défilaient comme des arcs-en-ciel fugaces, et Léo, le tout petit Léo au loin devenait un éclair invisible qui surgissait par instant pour mieux être balayé ensuite par un rideau mouillé.
Elle rit aux éclats. Puisqu'il la voulait folle.
▬J'emmerde la jalousie !
Le Lanceur de couteaux
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Mer 22 Nov 2017 - 19:10
Fâché, il l'est - comme on fâche les cieux peut-être, comme on menace du doigt les nuages et qu'on appelle la foudre : il veut croire ça, avec son rictus pincé, et son regard en velours furieux. Tout à coup isolé au pied du chapiteau, Léo bouillonne à l'ombre de ses lèvres ourlées : il est jeté aux coulisses, il y a une souillon qui lui vole les projecteurs. Il n'y a plus que les éclats de sa voix sorcière qui le touche, trop occupée à reluire de sa folie ; ses yeux rougeaux ne le regardent plus. Salome bien égoïste en circonvolution sur ses planètes d'insanité, là il reconnaît bien les femmes hein, ça se détourne du soleil pour se faire révolution. Pourtant, c'est bien elle qui a traversé la bourbe pour venir lécher ses rayons ; est-ce que c'est comme ça que Salome vit ? En suçant les sangs divins. A la petite mort de son sourire, Léo la regarde tourner et il voit une succube : qui réclame la lumière, et qui se jette ailleurs lorsque ça la brûle.
Il s'élance avec le regard qui dit que ça ne se passera pas comme ça. Si elle se traîne à son astre alors elle va connaître l'incendie aussi, Léo piqué de frénésie se fiche de la boue. Là, le visage terne et le regard allumé, il met fin aux ellipses ; il l'attrape par les deux bras : maintenant ça ne l'amuse plus. ‹ Arrête ! › Sa voix porte comme l'orage : privée de fuite, elle sera foudroyée ; par le regard et ses poumons dépassés d'orgueil. En la secouant, il ne se rend pas compte qu'il crie aussi. ‹ Arrête, tu n'écoutes pas quand je dis que tu es folle ? ›
Léo enflammé des perfidies se moque bien de sa soudaine insouciance : ce petit cafard carmin, elle n'emmerde rien du tout. Il sent entre ses mains comme elle est sombre et entomologique, de qui croit-elle se défiler ? Elle est venue ici, n'est-ce pas, se traîner sur les marches de marbre et quémander l'ambroisie : ah, comme toutes les autres elle va rester. ‹ Quoi, tout à coup tu te crois mieux que moi ? Qui t'a donné cette idée ? › La menace a pris à Léo ses sourires, et a assombri sa mine solaire. Il lui rappelle qu'il est Phoebus sanglant et il serre ses maigres bras dans ses mains : c'est une pauvre fille pauvre fille pauvre fille, qui rêve de trop de choses de lui. La pluie ni les astres n'oublieront pas ça. ‹ Moi je n'oublie pas si vite que tu es une petite tarée. ›
Spoiler:
sur intervention divine de Liloudou
Au nom du féminisme je suis dsl que Léo existe
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Mer 22 Nov 2017 - 21:52
vinegar & salt
salome & leo
Si le corps s'immobilisait dans l'étreinte, l'esprit de Salome voguait toujours. Et dans sa tête tournait encore les décors du cirque, les nuages en colère. La grosse voix de Léo était un médiocre bourdonnement qui venait couvrir là, déranger les fureurs divines des orages. Mais la figure de Léo mourrait derrière les paupières closes de Salome avant d'avoir eu le temps de s'y imprimer, car elle lui fermait au nez si forts ses regards comme une porte qui claque. Elle riait encore, plus fort, plus fort pour faire taire le jeu de l'Artiste. L'ovation qu'elle aurait dû lui rendre était scellée ; le public se comportait parfois à la manière d'un enfant juge, insatisfait et capricieux. Elle ne voulait pas arrêter. Alors, la sorcière rouge se gaussait du garçon. Car il ne tenait pas du lion. Alors même entravée, emprisonnée, Salome vivait toujours l'ivresse. Elle sentait le vent battre, et puis les cris de Léo déversaient des flots sur ses joues. Il avait raison. Elle était folle. Le mot roulait comme un délice à l'intérieur de ses lèvres.
Ils se tenaient debout, mais c'était un leurre : ils dérivaient en mer. La tempête était grondante, et Salome tremblait car ces bras-là se serraient autour d'elle et la secouaient : elle se croyait submergée. De fait, ils étaient deux incendies idiots qui croyaient faire des ravages, qui croyaient arracher les chaires calcinées tandis que la pluie les battait, plus forte pour séparer leurs voix.
Mais soudain entre deux éclairs dans le ciel Salome s'immobilisait tout à fait, deux mains posées de part et d'autre de ce torse étranger, et sa tête renversée, elle découvrit deux émeraudes qui vinrent miroiter, suspendus aux regards allumés de Léo. Et on ne sut si elle les découvrait, si elle s'en repaissait à la manière d'un animal sauvage, si elle s'en défiait. Mais la bouche ouverte dans une immobilité étrange, un soupir déjà flétri glissa dans l'air. La jeune femme articula soudain, la voix rauque. Qui lui avait donné cette idée?
▬ C'est toi, pauvre fou.
Et il y eut l'espace d'un instant l'ombre d'un rictus diabolique, une lueur mesquine que l'eau vint gommer dans une précipitation nouvelle. Mais Léo était fou ! Léo était fou, l'orgueil crevait son visage, sa bouche ! Le soleil, la dorure de sa peau s'étaient effacés et il ne restait plus que l'ombre d'un spectre monstrueux. Alors Salome se jeta dans le feu. Le feu qui se reflétait dans l'émeraude de ses yeux.
▬ AU SECOURS !
Elle se mit brusquement à hurler, exubérante. Tellement fort elle hurlait, se débattait, cherchait des ombres, des regards derrière leurs deux statures. Ses jambes devenaient molles, et elle tombait presque, et ses cris se chargeaient d'agonie, ses mains se retenant dramatiquement à moitié à l'homme. Mais derrière ses paupières folles, derrière ses yeux exorbités, il y avait le fantôme de son sourire mesquin qui s'amusait.
▬ AU SECOURS AU SECOURS ! A L'AIDE A MOI AAAAH IL EST FOU IL EST FOU AU SECOURS IL EST FOU !
hrp : c'est n'importe quoi xD
Le Lanceur de couteaux
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Avatar(s) : Jean Kirschtein - Shingeki no Kyojin
Lun 27 Nov 2017 - 0:03
Leo perd au ciel et à la boue sa patience. Il serre sur Salome ses os calcinés aux articulations chauffées à blanc, essoufflé de colère dans les vapeurs maniaques. Ça ne ressemble pourtant pas à Leo, de faire tomber sa couronne en soleils cyniques : après tout il connaît déjà très bien le bronze de la fange, qui sature les poumons des pataugés, des hallucinés plus bas que terre. Mais Salome lui arrache son visage en or, du crochu de ses ongles jaloux - comme tous les assassins : elle veut lui troquer l'écarlate de sa vulgarité. Alors la vulgarité de la violence joue avec les fils drôles et toujours roses dans sa poitrine : voilà qu'il perd son calme.
Mais ce doit être fini : avalé par la nuit, Leo se retire avec la froideur des étoiles mortes. Il trouve dans la rue la fureur par-dessus le flegme nihiliste des ombres ; son orgueil devient noir et mauvais. Qu'elle s'étouffe sur sa rousseur : il devrait la jeter. ‹ Quoi, ça t'amuse de m'humilier ? › Il siffle, fulmine comme les vieux volcans. ‹ Tu n'as pas honte ? › Sous ses doigts, il sent battre des tambours fous et les ingratitudes des autres temps. Leo mieux que personne il paraît, trouve sur les peaux de feu les crevaisons de la pudeur : n'a-t-elle pas honte de cette face qu'elle montre au monde ? Il le demande sans sérieux : n'a-t-elle pas honte de s'épancher là, comme les porcs, dans la pluie et à la merci des regards ? ‹ Tu n'as pas honte de toi, Salome ? › Mais bien sûr que non : il sait que cette couleuvre miteuse, elle n'a honte de rien.
Ses mains s'ouvrent tout à coup : il se redresse et la laisse retomber à terre. C'est là son vrai domicile : elle a tout le loisir de ramper dans les turpitudes d'où elle vient. Leo décide de dompter les écarts enfantins des boulevards avec les mains du feu : peut-être que Salome se vautre sans gêne dans les nerfs éclatés des autres, mais elle ne sait pas sur quels pieds elle a marché. Elle veut se gorger des crasses de la bourbe : Leo en défaisant les chaînes de son ego doit lui montrer que c'est la boue qu'il a dans les veines. Il sort de sa poche le couteau, encore luisant de sa superbe : il lui jette comme un os à ronger. Puis ses mains se nouent devant sa bouche en porte-voix, et ses pieds le portent vers la route. ‹ Aidez-moi, il faut que quelqu'un l'arrête ! › Il joue comme les artistes, il joue plus vrai que sa vie : sa voix porte aussi vraie que le malheur réel, et plus encore que la douleur qu'il a jamais connue - parce qu'après tout : il est fou ! Il est fou ! On a crié à la Lune qu'il est fou ! ‹ Elle est folle ! S'il vous plaît, aidez-moi : elle est complètement folle ! Elle a un couteau, appelez la police ! ›
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Lun 27 Nov 2017 - 18:51
vinegar & salt
salome & leo
Cela ne devait pas se passer ainsi. Ce n'était pas juste. Il n'était pas juste que Salome subisse le revers de son propre jeu. Il n'était pas juste que Léo puisse s'en tirer si simplement. Alors Salome avait beau dire, Reviens !, le lanceur de couteau s'était offert à un nouvel art : Il se drapait du manteau de l'acteur. Et l'on pourrait croire assister à une scène. Etait-elle dramatique, était-elle grotesque ? Cela elle ne saurait dire. Elle voyait seulement qu'elle devenait pour les ombres des artistes du cirque l'incarnation de la folie furieuse. Le tableau se complétait à la perfection. Léo avait posé sa signature au bas de la toile : le couteau tombé à ses pieds lui dessinait soudain une figure diabolique ou assassine.
Mais Salome se désespérait, car quelques visages alertés se montraient les uns après les autres, sortant de leurs roulottes ou quittant les chapiteaux comme des apparitions furtives. Leurs regards étaient des agressions. Mais qu'est-ce qui ne l'était pas ? Elle pensa avec un amer furieux qu'on ne la croirait pas, que personne ne penserait que Léo pouvait être ce chef d'orchestre. Mais le suivrait-elle sur cette route ? Le poursuivrait-elle, le couteau à la main. Elle levait sur lui des éclairs furibonds. Il continuait de s'éloigner, mais elle stagnait dans l'herbe mouillée, mais elle ne connaissait pas ce sentiment d'impuissance. Car les envies de Léo ne se réaliseraient pas. La pluie laverait cet affront.
Dans la précipitation ses doigts s'emparèrent du couteau. Et soudain surgit des profondeurs un hurlement. Mais le hurlement n'était point celui de la colère, ne se faisait pas terreur, il n'était ni rancunier ni furieux : il était l'écho d'une douleur. La douleur poignante et fulgurante de l'union parfaite entre un couteau et la chaire blanche et rosée de Salome. C'était un cri salé de larmes, c'était un cri qui s'était odieusement lové dans l'air : Il portait l'odeur du sang avec lui. Et Salome était tombée encore. Son chapeau avait roulé, ses cheveux s'étaient effondrés. Elle n'avait plus bougé, les mains tâchées de sang écrasaient sur son visage des rivières ensanglantées ; elles coulaient, emportées par la pluie. Les pleurs filaient semblables à des comètes. Et Salome s'était souvenue. Salome s'était souvenue que toute sa chaire avait déjà brûlé, que les hématomes avaient ravagé son corps à la manière d'un incendie. Alors Salome avait pleuré pour sa vie passée.
Elle avait appelé son nom, comme l'unique nom qu'elle savait appeler. Car elle avait de nouveau besoin de ses contours dorés. Il faisait si froid soudain. Un jour pourtant, il avait été là. Elle l'avait regardé briller.
▬ Léo... Léo j'ai mal, j'ai mal.
Il avait raison, elle n'avait honte de rien.
C'était trop tard de toute façon. Son ventre accouchait d'une mer rougeoyante.
L'air transportait déjà dans le lointain les sirènes de l'ambulance.
( Plus tard, elle penserait que Léo l'avait désiré. Car il avait abandonné ce couteau à ses pieds. Il aurait dû savoir qu'elle ne l'aurait jamais blessé, alors qu'aurait-elle pu faire d'autre que retourner la lame contre elle-même ? Il l'avait retranché dans cette extrémité. Car elle était l'excessive Salome. Elle ne lui pardonnerait jamais de l'avoir poignardé. )