histoire
ISous la porte de bois, un reflet bleuté luit
On peut entendre un souffle, puis plus de bruit ;
Reprennent soudain les chuchotements, un rire, le bruit du rideau qui glisse et la porte qui s’ouvre.
Les deux enfants se précipitent sous leur lit, retiennent leur rire d’une main maladroite. S’élève la voix de la mère, ferme :
Ca suffit maintenant, il est l’heure de dormir.S’éteint sur un souffle bienveillant. Les deux sortent, rampant, lèvent les yeux, hésitants. C’est le garçon qui parle le premier, chaque parole appuyée par le regard suppliant de la fille.
Encore cinq minutes maman !Elle pose les mains sur les hanches, regardent les petits monstres. Un soupir, un sourire,
(
un deuil à venir)
Elle tourne sur ses talons et ferme la porte. Le garçon regarde sa petite sœur, le visage triomphant.
II Il tressaillit, croit entendre un bruit
Il n’est salué que par la fraîcheur de l’automne, l'ululement d’une chouette qui a du s’oublier
Il passe la main sur son front, y découvre de la sueur ; regarde ses draps, et en ressent la froideur. Ce n’est plus le lit de leur chambre, chambre d’une maison qu’il a quittée il y a deux ans déjà, et pourtant, ((elle)) est toujours là. A chaque réveil, à chaque coucher, il l’entend l’appeler. Et à chaque réveil, à chaque coucher, il ne parvient pas à la sauver. Il s’en veut parfois d’être resté, pour son sommeil torturé et ses yeux gonflés – puis il l’imagine, seule, en train de pleurer et il a une douleur dans la gorge que certains appellent culpabilité.
(l
ui aime à penser que c'est l'amour)
il s'égare encore, la tête ailleurs
Nikolas.Se tourne brusquement, et de ses yeux tombent une larme silencieuse, alors qu’une fois de plus,
Il ne reste que la vérité, amère vérité.
Il regarde la photo de sa petite sœur, le visage attristé.
IIILe brouhaha tout autour et les lumières tamisées, deux conflits d’ambiance qui lui martèle le crâne autant que son verre de sky, le troisième, le quatrième ? Se pose sur son épaule un bras indiscret, vient railler dans ses oreilles la voix de son ami imbibé, et il soupire en écoutant ses discours.
Profite, Nikolas, on a qu’une vie ! Et Nikolas le laisse parler, car au fond, il s’en fiche de connaître la réponse ; il l'a. Il y réfléchit, chaque jour. Se morfondre dans les bras d’une inconnue pour mieux s’enfuir le matin venu, remplir le vide dans son cœur par beaucoup de chaleur, faire danser une dame toute la soirée et parfois un homme s’il est tenté. Il est l’enfant qui a grandi avec un trou dans la poitrine , l’adolescent qui a essayé de l’oublier en se droguant, le jeune adulte qui cherche désespérément de quoi passer le temps. Il dévore les livres comme il dévore la musique, passe son temps dans un monde de bruit et crie à s'en briser la voix pour couvrir celle qui – reste et reste – lui chuchote à l’oreille des sanglots, il se mure dans les gémissements et les hurlements, Nikolas veut être sourd mais n’y arrive pas, Nikolas évite la solitude comme on évite son huissier, avec hargne et effroi, Nikolas pourrait courir des kilomètres et des kilomètres pourvu qu’un jour ((elle)) se taise, Nikolas a mal et souffre mais rien ne remplit ce trou qui grandit et grandit, et pourtant les adultes lui avaient promis
Tu verras, tu feras ton deuil mais les adultes mentent souvent et il le sait, car il en est un, car il ment à lui à tous, à elle à eux, il est resté pour lutter, il est resté pour qu’elle arrête de le hanter. La culpabilité a laissé place à la colère dans son cœur fragile, et Nikolas ne dit rien mais il a la rage des combattants car il se sent mourir et il lutte contre ça car ce n’est pas juste, car ((elle)) n’a pas eu le choix – et si lui, le grand frère, se laisse avoir, qu’est-ce qu’elle dira, quand il la rencontrera là-bas ?
Il aimerait pouvoir la confronter, le visage souriant.
IVLe soleil luisant haut, ses rayons caressant
Les deux enfants penchés sur la fenêtre, observant le ciel bleu et les deux amoureux
Que sont leurs parents
Chuchotent le front collé à la vitre que ce jour est bien heureux
Prennent les crayons et dessinent ensemble ce paysage chaleureux
Écoutent la porte s’ouvrir et la cheminée crépiter, un soupir, c’est la fin de l’été
Reniflent l’odeur des pancakes, main dans la main ils y vont
Des boucles dorées dansant dans la maison, un sourire du fier petit garçon
Deux choses à jamais perdues
Le jour où ((
elle)) ((
Estelle)) a disparu.