Rien.
Elle n’est qu’un fantôme, qu’un semblant d’humanité. Arsène vit des autres ; de la haine qu’elle inspire, des pleurs qu’elle arrache, de la colère qu’elle ose étendre tout autour d’elle. Et maintenant ? Maintenant que tous ont disparu, maintenant qu’elle se retrouve seule, désespérément seule, Arsène s’enfonce dans les tréfonds d’un océan d’ennui, de tristesse.
Elle
coule.
Il n’y a pas de main tendue (il n’y en a plus), elles ont toutes été effacées par le temps, les erreurs, les regrets. Sick. Et maintenant, Weary.
Elle ne comprend pas.
Ou peut-être le refuse-t-elle ?
Elle demeure là, assise à ce bar, les jambes pendant dans le vide, à fixer la liqueur brunâtre qu’elle fait tourner dans son verre. Un soupir quitte l’antre dans ses lèvres. Arsène n’a plus de larmes. Elles ont toutes quitté l’habitacle de ses yeux depuis le départ de l’être aimé — et aujourd’hui, elle fixe le temps s’écouler inexorablement sans oser bouger.
Le monde est sourd autour d’elle. Le monde s’agite, se déplace, tandis qu’elle demeure figée dans sa temporalité.
réveille
toi
arsène
réveille
toi
s’il te plait.Le verre se brise à ses pieds. Sensation de déjà vu.
Sa poitrine se déchire un peu, et elle fixe les débris sur le sol, couverts de la substance dorée.
Quel gâchis.
Quelle infamie.
Quelle triste vie.
Elle se courbe avec souplesse
De ses doigts délicats ramasse les brisures
Se coupe un peu (à peine)
Avant qu’un courant d’air vienne soulever le pan de sa robe, ses longs cheveux d’argents.
Arsène se retourne, regarde les nouveaux arrivants. Elle les détaille lentement du regard, les fixe ; elle remarque leurs joues rouges et leurs poitrines qui se soulève (trop) rapidement. En voilà d’autres qui échouent. Elle a la désagréable sensation que les hellébores s’affaiblissent ou que les derniers recrutés sont de moins en moins bien formés, plus médiocres. Une grimace se dessine sur son visage.
Arsène
visage de la haine
Arsène
qui se démène
pour apporter la victoire à ceux en qui elle a choisi de croire.
Arsène épave qui pourtant incarne parfaitement cet idéal – elle terrorise elle terrifie car
(sans doute)
sait-on tous de quoi elle est capable
(remercions weary)
devenue
r e d o u t a b l e
On la devance.
Elle voit une femme s’approcher, les regarder de la même manière que la jeune fille le faisait un peu plus tôt, du mépris imprimé sur le visage. Elle devance Arsène et s’arrête devant eux ; leur demande pourquoi ils sont revenus si faibles, si misérables, si déplorables –
et un seul nom revient insaisissable qui se suspend un instant dans le vide qui entoure la jeune fille.
n o x f r e y j a
son corps manque un battement quand elle comprend que tu es toujours traquée ; poursuivie inlassablement par ceux de ton clan. ils sont toujours à ta poursuite, car ces quelques miséreux ne sont en réalité que la première vague parmi l’océan rouge qui menace de s’abattre sur toi, ô (fidèle ?) amie.
Arsène tend l’oreille, saisit les dernières informations et s’éloigne ; de ses pieds nus elle foule le sol pavé, les routes goudronnées trempées par l’orage ;
ses longs cheveux se balançant dans son dos et son souffle saccadé rythmé par ses pas précipité au travers de Foxglove Valley.
Oui,
Arsène est devenue pathétique à ce point.
(elle n’est qu’un semblant d’humain)
(elle n’est qu’un fantôme hautain)
Enfin elle te voit ; là-bas au loin qui s’écroule dans une cicatrice de tempête, laissant ton instrument claquer subitement le bitume. Un léger sourire se forme sur ses lèvres tandis qu’elle reconnut celle qu’elle avait toujours bizarrement considérée comme une amie. Elle eut comme la sensation que tu étais son seul et unique parachute. Elle voulait te hurler de la retenir, de lui permettre de voler un peu plus longtemps – comme Weary lui avait permis, comme Sick y était parvenu quelques années auparavant.
Détresse.
Sur vos deux visages tuméfiés par la vie.
Arsène presque apaisée l’espace d’un instant te regarde attirer ta guitare dans tes bras ; démarrer une légère mélodie qui l’absorbe dans une contemplation sous cette pluie battante – ses bras ballants contre les pans de sa robe détrempée se rejoignent dans son dos et ses doigts se tordent en même temps que ses lippes se contorsionnent dans un sourire empreint de tristesse.
Ses pas lents vous rapprochent et elle la regarde encore un instant ; elle n’ose briser ton chant, elle se contente de l’observer, d’attendre sa fin. Tu avais vieillis mais pourtant tu restais à peu près la même que dans tes souvenirs ; ces mêmes yeux, ce même visage un peu dénué d’expression mais tellement profond, cette tendre mélancolie qui te caractérise.
Et puis la chanson touche à sa fin.
L’harmonie se rompt.
La lumière disparait.
(ce fut trop beau)
Non tu ne la prends pas dans tes bras (qui viendrait enlacer le démon), non tu ne l’accueille pas pas (qui saluerait le monstre), non tu ne lui souries pas (car après tout tu es comme un cauchemar) ; tu t’éloignes, tu la menaces de ce si sublime objet et ta voix tremble de colère et d’inquiétude à son égard.
Tes mots la frappent mais ne vois tu pas qu’elle est déjà à terre ? Alors elle ne répond rien, elle se contente de tirer de ses mains les manches de son pull trop grand pour contenir sa nervosité. Elle ne sait pas trop comment te parler ; Arsène n’a jamais été douée avec les mots. Alors que fait-elle ? Elle se contente d’esquisser l’ébauche d’un sourire, légèrement moqueur.
Elle revêt si bien l’allure de la méchante.
(Weary tu as fais si bien ton travail s’en est déconcertant, vraiment).
Si j’avais voulu finir le travail je ne t’aurai pas vraiment laissé le choix.
Sa tête se penche légèrement sur le côté et l’un de ses doigts trop pâle vient ramener l’une de ses mèches derrière son oreille.
Mais je ne suis pas venue pour ça, pas vrai Nox ? Pourquoi me fuies tu ? Pourquoi es-tu silencieuse Nox ?
Elle fait référence à tous ces mots ces courriers ces mails désespérés, abandonnés
tu l’as jetée, elle, arsène
et tu as froissé cette amitié.
Son sourire ne s’efface pas.
Diantre, quelle ironie. La vie a un humour bien pourri.
Mais finalement on se retrouve pas vrai ?
Elle continue de s’approcher, comble l’espace entre vous. Ses doigts s’approchent un instant dangereusement de ton visage mais elle se stoppe.
Non Arsène ne va pas te contraindre à être ce que tu ne veux pas.
(pourtant elle l’a fait tant de fois)
sûrement qu’elle t’aime encore trop pour ça.
((((illusion d’enfant)))))
((((pathétique mirage))))
1100 w. |avec nooox | #dea2a2 | JE SUIS GRAVE À LA BOURRE PARDON