La nuit est si longue à tomber, ce soir. D'habitude elle arrive toujours à point nommé, mais pour une fois la belle s'est fait attendre. Jack, tout habillé sur son lit, les aiguilles du réveil qui rythme sa vie à l'instant.
C'est si précis, les secondes qui s'écoulent.
Les yeux perdus dans les étoiles, la lune ronde qui éclaire son visage.
Si belle et si inatteignable, il se garde un instant de rêverie avant que le gong ne sonne et donne la mesure.
Les notes qui vont dévaler le long de son escapade, sur le parquet silencieux sous ses pas légers.
Sac à dos, air conquérant, le gamin débloque son sésame de sortie.
La musique des belles nuits d'été l'accueil, profonde, mystérieuse, pleine d'odeur et du son de la vie (qui ronfle, couve sa profusion).
Les chaussures lacées sur le perron, à peine un cardigan sur le dos (trop grand pour lui, celui du padre mais c'est pas comme s'il lui était toujours d'utilité).
Jack est partant pour rêver un peu plus longtemps, ou plutôt pour embarquer dans sa danse l'innocence intouchable.
Ce soir il ne versera pas de larmes pour lui, après tout, malgré sa progression tranquille parmi les adultes, cet enfant semble avoir déjà compris bien plus que la plupart. Il lui fait confiance, c'est un bon gars il s'en sortira.
n'est-ce pas ?
Dévalent ses jambes sur le bitume, entre les sages maisons endormies.
Pas de lampadaires pour guider ces pas alors qu'il s'éloigne de la civilisation.
Arpente la nature avoisinante, la respire à plein poumon.
Sous le ciel bleu noir, ils ne seront que deux pour fêter l'avènement de l'enfance, de toutes les créatures qui la peuple.
Pas encore Halloween, mais peu importe (il n'a pas le temps d'attendre jusqu'à l'heure battante).
Le temps tourne, le compteur s’essouffle, si peu avant de devoir traverser. Vite, toujours plus vite, Jack a envie de tout finir de vivre avant d'avoir à partir. Et, ce soir, c'est de cette frayeur dont il veut arborer les couleurs. Ce malaise qui l'a quitté voilà plusieurs années. Le revivre une dernière fois, se remémorer dans la joie ce que c'est de hurler la peur.
Les grilles rouillées qui s'élancent au ciel saturé de toutes les couleurs, il agrippe sans plus attendre le froid métal, le dompte, passe après une maigre escalade, d'un bond par-dessus ses piques émoussées, débloque de l'arrière, ouvre en grand l'entrée -ses bras- mais toujours l'invité se fait attendre, il ne lui en veut pas, c'est mieux ainsi.
L'enfant hésite entre entrer en premier et en profiter pour lui ficher une frousse ou la jouer fair-play. Bah, c'est vrai que ça serait dommage que Sen pense qu'il s'est dégonflé en ne le voyant pas devant le muret alors il attend, se laisse glisser contre la pierre froide, passe son sac entre ses cuisses et commence à en sortir son équipement.