Parfois je l’avoue. Je ne pense plus à toi.
Boni, tu as disparu de ma vie, comme cette pauvre fleur qu’on arrache dans un jardin et qui ne repoussera plus jamais. Tu es devenu un souvenir, que je récupère encore lorsque je vois cette photo encadrée devant mes yeux. De toi et moi. Sur mon étagère, avec la photo de famille. Où ma bouille est si petite qu’on me pincerait les joues.
À toi aussi, Boni, on te tirerait bien tes joues sur notre photo. Tu es si belle.
Moi, à leur place, je les caresserais. Parce que ton visage ne doit pas être mutilé. Je ne te blesserai jamais sache-le.
Mais là, je commence à t’oublier.
Parce que notre séparation à laisser un grand vide dans notre cœur.
Boni, parfois, je baisse le cadre parce que je souffre de ton absence. Ma première amie. J’ai toujours voulu t’envoyer des lettres. Avec mes petits dessins d’enfants. Où je raconte mes rêves de gamin. Rêves qui me font toujours perdre la tête dans la lune.
Tu sais. Ceux qui font de moi ce type si particulier.
Ils se moquent. Les gens me jugent. Ils me montrent du doigt et rient.
Même dans la vallée du mystère… Car je suis convaincu de la vie ailleurs que sur terre. Et pour m’en rassurer, je regarde le ciel sans m’arrêter. J’observe les nuages, puis le couché du soleil. Les étoiles. Et enfin la lune.
Qui me ressemble.
Puis, parfois, ça me revient... les beaux souvenirs. Lorsque je te racontais ce que j’apprenais seul et avec passion.
Boni, ton regard émerveillé et ton sourire qui réchauffe. Il me manque parfois.
Pardon…
De ne plus trop penser à toi.
Et dire que je pense. Je pense si facilement.
Cependant, je parle avec une si grande difficulté.
Pourtant avec toi, j’ai su m’ouvrir. Un peu mieux. Toi qui m’a épaulé, qui m’a accompagné, qui a partagé avec moi.
Le cadre tombe alors que je le tenais en main.
La photo est intacte. Mais la vitre est brisée. Je n'aurais pas du nous observer de façon si insistante...
Je sors de chez moi. J'enfile ma veste écarlate.
Je fuis ma chambre.
Je fuis beaucoup trop ces temps-ci.
Ma peur de perdre mes amis. Être sûr de ne pas mériter de l’attention, de l’amour, de la gentillesse. Pourquoi fuir tout ce qu’au final, j’aimerais avoir ?
Boni, pourquoi je me détruis.
Je ne pense pas mériter le bonheur. Parce qu’il me file entre les doigts quand je sais que je commence à le ressentir.
Tu sais, je souris peu.
Il n’y avait qu’à maman, papa et toi que je souriais autant.
Mais en ce moment mon sourire inspire l’ennui. Je m’ennui, Boni. Ce monde m’ennuie. Il ne m’étonne pas assez.
Mon souhait serait de m’enfuir dans un nouveau monde.
Ah... l’observatoire, c’était un lieu que toi et moi, nous visitions si souvent. Nous passions des soirées entières, et peu importe le prix à payer pour l’utilisation du télescope.
Ah… rien ne pouvez-nous arrêté tous les deux.
Enfin.
L’accident l’a fait à notre place…
J’entre dans cette salle obscure puis je vois l’immense instrument d’observation. Dans la pénombre. Le noir qui me rassure. Car la lumière est trop néfaste pour visualiser le ciel et les astres.
Je croyais être seul. Car le silence était beaucoup trop présent.
Mais le son d’un corps qui tombe sur le sol n’a que pour effet d’attirer mon attention. Vers toi. Que je ne reconnais pas encore. Je ne sais pas qui tu es.
Il aurait pu.
Si la lumière était là. Même la lune est inutile. Joy… il s’enfonce dans l’obscurité. Ses yeux ne voient que des ombres et certainement un trône orné de roues. Puis allongé sur le sol une princesse.
Une princesse qui appelle à l’aide. Il se sent prêt à jouer les chevaliers servants.
Car Joy, lui, n’a rien d’un prince charmant.
La main tendue vers sa chevelure qui jonche le sol comme des vagues.
Je la pose doucement. En baissant tout mon corps.
Je ne dis rien, le silence m’oppresse. Et m’oblige à me taire.
Pendant quelques secondes, je l’ai cru morte. Mon cœur se froisse puis j’appuie plus fermement sa main contre son crâne.
Une petite secousse.
-
Réveillez-vous...Le murmure. Car ma voix haute serait trop horrible dans un endroit pareil. Je dois chuchoter mes mots.
C’est plus facile que de parler naturellement.
Je ne suis pas naturel.
Finalement, je m’inquiète de trop. Alors que pour moi ce n’est qu’une parfaite inconnue.
Pour le moment.
Il ne sait pas Joy.
Que la jolie princesse en détresse.
Se sent si lourde. Son corps détruit. Sa voix éteinte.
Est l’amie qui berçait son enfance.