quel plaisir d'aimer publiquement et de porter le nom de son amant
l'attente est enfin remplie le samedi soir venu et un long souffle un très long souffle de soulagement cette maison toujours animée jamais en suspens vibre de tout son être pourtant tout lui semble bien vide quand tu n'es pas là lola ça le fait vaguement sourire d'imaginer ton retour et de reconnaître cette manière qui est la tienne de fermer la porte (bien qu'il ne l'entende pas assez à son goût- père et mari que le devoir appelle peut-être un peu trop souvent) la discrétion et le charme gracieux des femmes qui progressent en silence il le sait que ce soir tu mènes votre tout dans un autre foyer illuminé par des âmes amicales- voilà c'est ainsi sa fille grandit et il la voit s'en aller dormir autre part se déloger de l'étreinte familiale ça ne lui décroche qu'un pincement aussi peu dessiné que sa précédente risette ainsi va la vie il ne lui faut pas arrêter le flot mettre un barrage- il sera là si la mer s'agite trop pour la candeur adolescente il attend patiemment dans cette maison où il ne fait jamais tout à fait nuit et repense un instant à lucien (omniprésent il est toujours là) à lucien qui n'a connu pendant sa mort ni le printemps ni l'été- ni la nuit ni le jour car les ténèbres de verdun engloutissaient l'espace-temps la fumée de la guerre asphyxiait le ciel et le drapait d'une couche acier de poussière un léger soupir il se passe une main sur le visage la cravate déjà loin quand le bruit du retour éclot dans la demeure et sa voix les pétales timides de bonheur de soulagement de n'être plus seul je suis dans le salon lola ! charles grimpe lascif sur ses genoux et s'allonge inoffensif sur ses jambes charbonnées de costume cela fait longtemps que vous ne vous êtes plus retrouvés dans un tête à tête sans réalité un tête à tête qui n'appartient qu'à vous
hrp coucou c'est moi je suis le drama @madame ️cecil/nationofulysses
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Mar 13 Fév 2018 - 17:23
et puisqu'avec le rêve s'enfuit notre bonheur avant qu'il ne s'achève mourons dans notre erreur
le rimmel à bout de cils - à bout de souffle voilà qu'elle revêtit son habit d'épouse, la maîtresse des ciguës avait patiemment attendu la fin de la semaine pour faire glisser ce châle-là de son dos. son regard bleu sur le rétroviseur lui renvoie une image familière et un cou parfumé de vingt ans. ce soir c'est samedi non - elle a accroché des roses d'impatience à sa chemise, et l'enlèvera bien avant que les fleurs n'éclosent en épines.
clac clac ses talons et une dizaine de pas parfaitement alignés, digne de madame - on ne quitte pas un si joli manteau avant d'avoir passé le seuil, alors elle rentre pour l'ôter, laisse un peu de sa magnificence sur le pas de la porte . lola, lola je suis dans le salon ! ça la fait sourire cette dame de maison, qui n'a plus l'habitude des bouquets chamarrés en travers de sa poitrine. elle apparaît à tes côtés et s'annonce d'un baiser de gens mariés : c'est le troisième aujourd'hui.
bonsoir. tu as passé une bonne journée ? c'est toujours intéressé comme question, il ne faut pas croire. elle se fait volontiers femme à écouter pour john : les cuisses pudiquement collées pour laisser un deuxième chat s'y promener et la tête penchée vers la sienne, c'est tout naturellement qu'elle s'assoit à côté de lui sur le canapé. néanmoins sans mademoiselle alentours - le tout prend un air frais de février. ça n'est pas pour lui déplaire, hein ; elle est déjà en train de lui tenir la main.
du coup je retournerai chercher lizzie lundi matin pour l'amener au collège... ah, ça fait bizarre pas vrai ? ce n'est encore rien, crois-moi ma dame.
si tu n'as pas trop de travail demain... on pourra, je ne sais pas, aller au restaurant.
lola lola - la malédiction et les joues rosées des altesses qui ne se doutent pas que l'épilogue du conte est pour bientôt.
quel plaisir d'aimer publiquement et de porter le nom de son amant
c'est une routine qui n'a rien de triste, des habitudes conservées dans le creux des esprits à ne jamais jamais transgresser ce serait un blasphème à l'amour fiancé, l'amour bagué de casser le rythme des baisers et des tendresses ils sont là tout aussi jeunes qu'il y'a quinze ans, tout aussi amoureux et désillusionnés des fracas tracas de la vie. oui et toi donc ? et son sourire s'élargit dans une tendresse non-consumée : il serre cette main fragile docile entre ses doigts de fer chauffé de passion les amoureux flingués oui les amoureux bientôt sans tête et le palpitant arraché- chut c'est un secret de polichinelle bien gardé il n'y'a rien de bizarre dans l'attachement et les alcôves de ce genre, il ne relâche pas sa risette on pourrait peut-être se permettre effectivement... les yeux vers le plafond pas le ciel (pas tes cheveux ce rien qui change tout) il redescend là les obsidiennes qui s'écrasent contre tes joues rosies ((papillonne des cils)) BALANCE BALANCE de gauche à droite BALANCE BALANCE sa gorge déployée en grands rires BALANCE BALANCE non arrête-toi- SES lèvres rougies par tes baisers LUCIEN ses JOUES ROSÉES par ton amour LUCIEN tu l'enveloppes dans tes bras LUCIEN (john ?) dans une dernière DANSE john revient avec toi lola- il passe une main sur son crâne dans un râle de douleur suite à la douleur familière du nouveau souvenir et derrière le canapé hurle l'agonie hurle les chimères du passé lucien couvert de poussières et de sang allongés sur le blanc immaculé qui le restera john monsieur fronce un peu ses sourcils là avec étonnement face au bruit qui n'a rien d'anodin et aperçoit la silhouette dessinée il se lève prestement- chasse le chat je lucien se retourne là gisant dans un râle fatigué- il a trop lutté le rubis liquide parsème ses lèvres translucides, ses cheveux bruns sans casque (l'a-t-il perdu ?) monsieur monsieur revient parmi nous il tangue un peu quand il est debout mais arrive à te voir dans le voile lola je ne rêve pas ? il est bien là ? il en perd son souffle comme un gamin qui a trop couru- et le cadavre vivant vient déposer des mains désespérées sur son minois calciné d'horreur façonné par les machines de verdun il baragouine dans ses sanglots tandis que le campbell l'homme de la situation habituellement est démuni face à ses propres blessures en face à face comme dans un miroir jusqu'ici sans reflet
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Ven 23 Fév 2018 - 22:19
et puisqu'avec le rêve s'enfuit notre bonheur avant qu'il ne s'achève mourons dans notre erreur
elle sent immédiatement que quelque chose ne va pas, en femme avertie des peines de son époux - puisqu'elles étaient de celles qu'ils partageaient quelquefois dans une amère intimité de choses qu'on ne dit point ; mais qu'on devine aisément. son regard se plisse avec une tendresse amante, sans pourtant s'apitoyer sur les douleurs de la guerre. ça lui rappelle elle-même des détails qu'elle aurait préféré laisser enfouis ; ce genre de grands secrets qu'on étouffe pour le bien commun et la belle mécanique des mœurs. aussi elle laisse traîner sur sa tempe et sa mâchoire des doigts frais, réels, la propriétés des madames, puisqu'elle se veut toujours un vaisseau aux amours de son monsieur. là, là, ça va aller... il n'y aura bientôt plus rien, retour à la poussière, il faut chasser les fantômes du passé et adresser un radieux sourire aux facilités de la vie. nous sommes vivants, pense lola, nous sommes amoureux, et n'est-elle pas de ces femmes qui portent toujours quelques primevères en leur sein leste - la pureté d'un amour idéalisé.
john ? il se lève d'un mouvement d'homme emporté, mais sans la grandiloquence qu'on lui connaît d'habitude - il se dégage de ses gestes une détresse que lola n'a jamais vu et qui l'ébranle un peu . quel est ce voile funèbre qu'on a déployé sous son toit ? à la maîtresse des cieux - il lui vient les sensations ferreuses d'une guerre totale ; qui regrimpe les années pour s'accrocher au cou de son tout, son cœur, son propre ventre. ça lui arrache des incompréhensions et un prénom qui semble déjà bien lointain, alors lorsque son regard s'échoue sur le cadavre à leurs pieds ; lola n'a plus de repères dans ce tourbillon qui veut la voir mourir.
je, mais ce n'est pas toi qu'on demande dans cet enfer noirci de mânes, qui agonisent à tous tes pieds et expirent des volontés que tu ne saurais pas exaucer. on demande une autre fille, là, une petite femme dont les bras sont chargés d'or et de vie. tandis que lola - ne fait que suinter des bleus post-mortem, les lèvres tremblantes qui n'ont pas besoin de répondre. il est là, le fils des ombres. il la terrifie de son humanité fracassante et masquée de boue, qui est sortie de ses tranchées pour pénétrer les sillons de leur petite réalité. ça semble un mauvais rêve ; mais ce grattement dans sa tête, c'est simplement le monde qui s'effondre.
et puis elle est là, elle la voit - debout parmi les limbes de deux vies. elle transporte une trousse de soins. sa carrure menue dégueulait d'un charme rose, presque poupin et pourtant sa délicatesse se retrouvait entachée du sang des autres. le tablier austère des infirmières décorait son corps voûté - et ses cheveux, soigneusement attachés en haut de sa nuque, ne paraissaient que peu derrière le voile de son uniforme. on eut rarement vu d'aussi joli fantômes, et le contraste avec son voisin, à sa gauche - était saisissant d'horreur.
ils sont là... le "ils" semblaient irréel, puisque laura et lucien n'étaient que des spectres sans lumières, des odes à ses peurs enfouies. elle aussi glapissait des inspirations retenues qui faisaient barrage à ses larmes, l'étouffait dans un carcan de détresse qui lui rappelait à chaque seconde de cette scène macabre - qu'elle avait été tout ce temps-là le mauvais reflet.
laura et lola ne se regardaient pas, courant sur une missive différente, toujours : pourquoi ? en tant qu'amoureuse(s), elle(s) pouvai(en)t se comprendre, s'écouter, non ? mais laura n'était encore là que pour sauver des hommes, jamais elle-même. ainsi, la petite infirmière de guerre s'était agenouillée aux pieds du mourant - lequel ? le translucide, là, celui à qui on a bafoué le sang. ses mains fantomatiques parcouraient un corps qui semblait se désagréger à chaque contact - avec la prudence toute médicale qu'on lui avait apprise.
ça ira bien, monsieur, faîtes-moi confiance.
monsieur ? il n'est pas monsieur, non, voyons, il est ami, amant, amour ! lola va clamser elle aussi. son souffle l'a perdu en cours de route et les yeux rougis elle se détourne de la scène, dans un grand mouvement pathétique, couvre ses mains de ses yeux. ils finiront par partir ces deux-là. ils rentreront par là où ils sont venus, par la petite porte des regrets, et cette fois-ci elle prendrait soin de la fermer à double tour.
c'est pas vrai... c'est pas vrai...
aucun souvenir ne lui parvenait, car cette situation, ces individus - elle ne les avait jamais connus. tous ses mensonges s'étalaient devant ses yeux comme ce sang de mirage sur le sol, aussi elle fit ce qu'elle faisait encore de mieux : prétendre de n'avoir rien vu.
quel plaisir d'aimer publiquement et de porter le nom de son amant
s’il est mort dans la terre et le sang dans le bredouillement d’un dernier espoir elle a dû succomber sans un bruit en tombant raide-morte d’une fatigue post-guerre il se dit john peut-être qu’on lui a dit à cette jolie tourterelle- votre aimé est mort ! et elle s’est laissée défaillir emportée avec lui pour un amour sans conditions dans ce paradis où les hommes ne s’entretuent pas ils sont là oui et il contemple avec une joie fébrile tout d’abord la contemplation d’un magnifique désastre aimez-vous qu’il aimerait hurler mais rien ne sort il a cette infime certitude d’il ne sait quoi le soldat sans régiment et sans bataille hurle encore il appelle dans des dernières plaintes son camarade john john ! mais une fois de plus personne n’a répondu. l’homme en chemise se sent comme un adolescent- un élève époustouflé dans une matière qu’il aurait cru ennuyeuse en premier lieu oui le cours de la vie john- il reprend un souffle grand tandis que la petite fourmi infirmière s’agenouille et s’affaire dans quelques mots là pincés d’amour et de devoir oh donc john est condamné à être monsieur pour l’éternité ? c’est donc ça la finalité être monsieur avec sa madame et sa mademoiselle c’était donc ça… il sait bien qu’elle s’adresse à lucien mais c’est un peu lui non ? il fronce les sourcils d’incompréhension repasse une main sur son visage brillant de sueurs- c’est intime comme détail le masque se retire enfin qu’en est-il de ces deux étrangers face à eux ? il n’en revient pas. il est plein d’incompréhension d’une faiblesse qu’il aurait laissé ne pas découvrir que se passe-t-il lola- ils- non il n’y’a pas la quiétude de retrouver des baisers perdus lui qui a pendant si longtemps espéré ce moment ils ne semblent pas se connaître… john reste un monsieur alors il ne hausse pas la voix il fait un geste de main désigne cette mascarade d’un autre temps tu étais censée savoir non ? tu m’avais dit que- son poitrail agité au final il ne termine pas sa phrase laisse en suspens la censure du printemps
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Ven 9 Mar 2018 - 21:39
j'ai mordu l'or du lauréat, d'une brillance temporaire telle celle d'une aurore boréale
on a arraché une fronde à ses pas de bouleverse, pour la faire tomber - c'est cruel comme envie. lola contemple un empire qui ne lui appartient plus, où tout n'est que misère maintenant, ah oui, elle n'a plus rien de la lola des idoles, sous sa peau déchirée se trouvait en fait un monstre ; fait de fange et d'amour - qui n'a plus rien à défendre ((qui a trop aimé un autre)).
non... elle est de dos mais tout le monde sait qu'elle pleure ; qu'elle a pleuré, qu'elle pleurera ah ((que faire d'autre)), elle ne veut pas assister au spectacle qui la rend condamnable, haïssable au possible.
voilà ! voilà, on la hait - c'est fini des beaux jours, maintenant que tout le monde est mort, il faut se trouver une grande mer où les rejoindre. ah puisqu'on la hait - qui pour aimer une menteuse, pardonner sur une vie ((ou deux)) ou quatre, puisqu'elle l'a fait entrer dans son petit enfer, l'innocent sans ténèbres ni visage. quelle égoïste ! lola aux pleurs si laids - trouve-toi une autre terre sans personne à détruire.
je savais pas je- je te promets, je savais pas- respire respire ! RESPIRE, méchante lola, on te demande encore un peu pour t'infliger le blâme, et poser sur ton front noirci ((ROUGI)), la couronne des blasphèmes - il nous faut une coupable dans cette bonne tragédie du siècle. puisque tu étais censée savoir, que tu lui avais dit que - pourquoi vingt ans plus tard on s'aimait encore sous ce toit parjuré. ((heureusement tout va s'oublier, n'est-ce pas)).
je l'ai su que plus tard- je te promets, je savais pas j'en étais respire j'en étais sûre, et- et elle n'a rien dit. sa mâchoire tremble un peu plus quand elle réalise - que quoi qu'elle dise, au final, ah, à la conclusion de leur idylle de vide ; elle n'a rien dit : voilà toute l'horreur de la censure du printemps, qui fait clore les amours coupables.
tu me tu me détestes ?
elle respire un peu plus fort en se demandant - comment haïr une inconnue.
quel plaisir d'aimer publiquement et de porter le nom de son amant
les larmes de sa belle (peut-il encore prétendre la posséder) roulent et dans ce creux qui lui sert de coeur les murs continuent de s’effondrer il reste statique là car il a peur que s’il se secoue s’il s’agite ça aille plus loin qu’il tombe sans qu’il puisse se relever ses jambes de coton et ça lui semble ridicule d’un coup ces heures passées à les muscler ces heures à forger une carapace de fer si la moindre flamme d’amour peut tout incendier c’est dérisoire tous ces efforts si quand la difficulté se montre on peine à l’affronter mais comment peut-on lutter contre un nouveau vide sans pont une brèche dans la terre pas indiquée sur la carte- sur laquelle on n’a pas pu construire de pont pour continuer à avancer le silence est un terrible châtiment quand il y pense : il ne dit rien ses lèvres sont closes et il ne sait pas s’il y’aura encore des baisers à faire pleuvoir s’il y’aura encore de l’amour dans ce tumulte incompréhensible oui non je ne te déteste pas. il se tient la tête et dans un soupir il est vrai que si tu lui avais dit il ne serait peut-être pas resté mais je suis déçu, voilà tout. déçu des illusions déçu de ce non qui jusque là sonnait comme un oui il pardonne l’amour mais il est chagrin bleu chagrin gris d’être perdu oui de ne plus retrouver cette lumière qui jusque là le guidait il s’écarte de quelques pas car le vacarme des larmes et du soin d’un autre temps devient insupportable et terrifiant ça monte à la tête et il ne sait plus quoi dire plus quoi faire monsieur peut-être pour la première fois ce monsieur là avec ses chemises et ses chaussures vernies prend la fuite vers la cuisine il ne te dit pas de rester là il ne te dit pas de le suivre non plus mais il ne sait plus quoi faire plus quoi dire il ne sait plus penser il a besoin d’un temps mort pour remettre en place toute une vie il ferme les yeux s’accoude penché à la table dans la cuisine et trouve le noir et blanc de leur habitation bien fade- la propreté lui semble lugubre maintenant que dans son crâne tout est bordel il est retourné oui et il n’y’a pas assez de mots pas assez de sentiments pour parler de l’indescriptible qui le fait tristement vibrer
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Mer 4 Avr 2018 - 16:46
j'ai mordu l'or du lauréat, d'une brillance temporaire telle celle d'une aurore boréale
c'est terrifiant - voir john détruit monsieur impuissant lui arrachait une peur plus profonde encore, qui faisait tout chavirer ; ah le radeau des madames - tout lui paraît bien ridicule tout d'un coup, puisque voilà, la vraie lola, il ne l'aime pas.
il ne l'aime pas il ne l'aime pas mais voilà vingt ans qu'il ne l'aime pas ? ((s'il ne la hait point, il ne l'aime pas pour autant)) voilà vingt ans qu'elle se dit que - le temps lui fera oublier ses mensonges noyés par l'indestructible passion d'un amour véritable mais maintenant qu'elle contemple les cendres de tout un monde de toute une vie elle se demande quel amour véritable pourrait les sauver ; puisqu'il ne l'aime pas.
elle ne sait plus quoi faire elle ne sait plus quoi dire submergée par ce trop-plein d'émotions par cet absolu qui aura fini par les consumer tous les deux ; les campbell n'étaient plus rien (ombres réminiscentes d'un passé calibré) - des gens qu'on a déçu ils étaient devenus des fantômes à leur tour. ça l'horrifie ça - maintenant que la peinture (bleue blanche noire) ((seule persistait cette charmante touche de rose)) avait été écaillée arrachée qu'allaient-ils faire de ce mur branlant derrière de cet amour ravagé - car sans fondations le cauchemar c'est de ne pas savoir où l'on va ; et d'avoir entraîné les autres avec.
accablée par le poids des coupables lola campbell se traîne jusqu'à l'encadrement à l'entrée de la cuisine, s'y appuie bras croisés, comme elle aurait nonchalamment pu le faire il y a de cela quelques heures - sans abandonner toute une vie derrière elle (et deux fantômes de malheur qui bientôt s'évaporeront) remplacés par leurs tristes successeurs
sa gorge la brûle et elle a pris le soin inutile d'essuyer le mascara sous ses yeux bleus - ça ne la rend que plus monstrueuse elle ose à peine le regarder elle ne sait toujours pas quoi dire toujours pas quoi faire elle ne s'y était pas préparée car lola tendre lola était fille d'idéaux - elle espérait toujours que ce moment n'arriverait pas en vingt ans ah vingt ans c'est bien trop en vingt ans on a le temps d'avoir un enfant une maison une famille une vie réglée et un bonheur cher payé taillé au millimètre - le temps de s'amouracher de son monsieur de sa madame elle aurait dû partir avant.. !
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. . .
. .
il ne faut plus pleurer lola.
je...
prend une goulée d'air le souffle encore sifflant dégageant une détresse dont personne ne pourrait la sauver ; elle est condamnée maintenant coupable du crime d'amour
tu veux que je parte ce week end ? je pourrai revenir lundi matin et-
quel plaisir d'aimer publiquement et de porter le nom de son amant
va je ne te hais point mais il n'est ni chimène ni rodrigue en cet instant- juste john et monsieur encore troublés tous deux il y'a une telle banalité jusqu'à dans vos tristesses le noir du maquillage le noir de la veste qu'il enfilera pour partir sans claquer la porte c'est affligeant tant le vide semble grand en cet instant il prend une inspiration et se permet enfin de dévaler ta silhouette difforme peut-il encore t'aimer ? a-t-il encore le droit ? il ne sait pas mais pendant un instant il te trouve si fade alors que jusque là le bleu semblait si chatoyant c'est à ça qu'on reconnaît la désillusion : tu n'es pas laide mais amère tu es lola sans visage et il ne sait plus quoi penser il pourrait vous rendre ennemis il pourrait faire en sorte que tu le détestes et qu'ainsi la douleur soit moins grande mais peut-il jouer à un jeu alors qu'il est adulte alors que le poids de votre fille est bien plus élevé que celui des chagrins qu'est-il censé faire en cet instant ? il ne peut pas te laisser partir en cet instant quand tu lui proposes non lola, c'est dangereux pour une femme de sortir à cette heure-ci. il se relève lourdement avec tout le poids des révélations sur le dos (il ne croule pas) il ne sait pas si c'est son propre avis ou si c'est monsieur le mari qui s'inquiète ainsi pour son épouse- adorée ou non je vais me débrouiller : appeler irvin, ou je vais bien trouver un hôtel. les adultes (sans passion) ne s'hurlent pas dessus : ils subissent sans fièvre et ainsi il va t'abandonner dans la grande maison blanche- démone d'ivoire renfermant encore le sacrilège des mensonges deux corps hurlants intangibles il passe devant toi et se saisit de sa veste au porte-manteau- de son porte-monnaie et de ses clefs (puisque le portable est toujours dans sa poche) sans un regard un arrière ouvre puis referme la porte- sinistrant ainsi pour une dernière fois l'arrivée du printemps.